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Confinement : avec la surveillance par drones, "plusieurs libertés fondamentales ont été violées", selon la LDH

La Ligue des droits de l'Homme et la Quadrature du Net déposent un recours en urgence contre le déploiement de drones par la Préfecture de Police de Paris pour surveiller les passants pendant le confinement.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Temps de lecture : 4min
Un drone de la police dans le ciel parisien, le 16 janvier 2020. (SADAK SOUICI / LE PICTORIUM / MAXPPP)

Pour faire respecter les mesures de confinement, la préfecture de police de Paris s’appuie sur une équipe mobile qui continue de faire voler ses drones. Un recours en urgence contre ce déploiement de drones a été déposé par deux associations, la Ligue des droits de l'Homme (LDH) et la Quadrature du Net. "Nous considérons que plusieurs libertés fondamentales ont été violées", a déclaré lundi 4 mai sur franceinfo, Me Arié Alimi, avocat au barreau de Paris et membre de la LDH.

franceinfo : Pourquoi ce recours en urgence contre le déploiement de ces drones par la préfecture de police de Paris ?

Me Arié Alimi : Il s'agit d'un référé liberté qui a été mis en œuvre pour suspendre l'utilisation de ces drones par la préfecture de police de Paris, notamment le dispositif mis en place depuis le 18 mars 2020. Tout simplement parce que ce dispositif n'a aucun cadre légal. Et nous considérons que plusieurs libertés fondamentales ont été manifestement violées : le respect dû au droit à la vie privée et le traitement de données personnelles. C'est la raison pour laquelle nous avons initié ce recours qui a déjà passé le tri au tribunal administratif. Donc, il va y avoir une décision et une audience. C'est assez rapide. Normalement, un référé liberté, c'est 48 heures. Avec les délais de l'état d'urgence sanitaire, ça peut prendre un peu plus de temps. On attend actuellement le mémoire de la préfecture en réponse à notre requête, mais ça devrait intervenir incessamment sous peu.

En quoi c'est un problème utiliser ces drones à Paris pour verbaliser ?

C'est un problème parce que lorsqu'il y a une violation de la vie privée, le fait d'être filmé en permanence à son insu par des drones qui enregistrent les images sur une carte vidéo, c'est une atteinte importante et grave à cette vie privée. D'abord parce que ça peut concerner n'importe qui sur tous les lieux de vie publique, mais également parce que ces drones peuvent prendre des images de lieux privés, puisqu'il y a 40 mètres de hauteur. Vous avez donc des images d'appartement qui peuvent être prises. Et c'est grave, parce que pour qu'il y ait une atteinte nécessaire et légitime à la vie privée, encore faut-il un cadre légal. Or, il n'y a strictement aucune loi qui réglemente et qui permet l'utilisation de ces drones. Leur utilisation porte atteinte également à tout ce qui est traitement des données personnelles. La préfecture nous dit que toutes ces images sont supprimées de la carte mémoire après transmission. Mais il y a déjà traitement de données dès lors qu'il y a captation et transmission à n'importe qui. N'importe qui au niveau de l'État peut avoir accès à vos images. C'est la raison pour laquelle on considère que cette utilisation des drones n'est pas réglementaire, n'est pas légale, et n'est pas constitutionnelle et nous en demandons la suspension.

Le non-respect du confinement par les gens qui sont surveillés par les drones, c'est grave aussi non ?

Il y a beaucoup de choses qui sont graves mais la question, c'est de savoir quelle modèle de société on veut. Je me souviens d'images de drones dans Paris qui commencent à interpeller les personnes avec des messages vocaux. Ou bien leur usage à Nice où un père de famille et son enfant sont survolés pendant une dizaine de minutes par un drone. Le père de famille dit à la fin : "ce n'est pas de cette société que je veux". C'est exactement ça, la question qu'on doit se poser. Est-ce que la sécurité, simplement pour le confinement, nécessite d'atteindre à ce point la vie privée des individus ? Est-ce qu'on accepte d'être surveillé en permanence dans le cadre d'un impératif de santé publique ? Nous, on considère que c'est manifestement disproportionné par rapport au but poursuivi.

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