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Covid-19 : quelles sont les stratégies de vaccination de nos voisins européens ?

Alors que les premières vaccinations pourraient débuter dans les derniers jours de l'année 2020 en France, franceinfo s'est penché sur les plans d'action de sept autres pays européens, de l'Allemagne à la Hongrie en passant par la Suisse.

Article rédigé par franceinfo, Alice Galopin
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Une Britannique se fait vacciner contre le Covid-19, à Cardiff, au pays de Galles (Royaume-Uni), au premier jour du lancement de la campagne de vaccination, le 8 décembre 2020. (JUSTIN TALLIS / AFP)

Le calendrier s'accélère. Face à la pression de plusieurs pays européens, dont l'Allemagne, l'Agence européenne des médicaments (AEM) se penche dès ce lundi 21 décembre sur le sort du vaccin des laboratoires Pfizer-BioNTech, soit une semaine plus tôt que prévu. Si l'AEM accorde son feu vert, les campagnes de vaccination contre le Covid-19 débuteront dans l'Union européenne les 27, 28 et 29 décembre, a annoncé la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, jeudi 17 décembre.

La veille, Jean Castex a détaillé le plan vaccinal de la France devant les députés, et a précisé que les premières vaccinations devraient effectivement avoir lieu "dès la dernière semaine de décembre" si "les conditions sont réunies", "avant de monter en puissance dès le mois de janvier". Les personnes les plus vulnérables, à commencer par les résidents des maisons de retraite, seront prioritaires, a précisé le chef du gouvernement français. Mais qu'en est-il chez nos voisins européens ? Franceinfo a passé à la loupe les plans de vaccination de sept pays du Vieux Continent, pour en comprendre les enjeux.

Le Royaume-Uni, un des premiers pays au monde à vacciner sa population

Quel plan de vaccination ? Le Royaume-Uni est le premier Etat du monde à avoir donné son feu vert au vaccin des laboratoires Pfizer-BioNTech. Deuxième pays d'Europe le plus touché par la pandémie, avec plus de 64 000 morts, le Royaume-Uni s'est lancé mardi 8 décembre dans une vaste campagne de vaccination qui doit s'étaler sur plusieurs mois. Toujours en période de transition après le Brexit, Londres est passé outre le feu vert de l'AEM, en faisant valoir une procédure d'urgence, pour obtenir plus rapidement une autorisation auprès de sa propre agence du médicament (laquelle est par ailleurs réputée pour son sérieux). Le pays, qui s'est assuré l'accès à quelque 357 millions de doses auprès de sept fabricants, espère vacciner d'ici au printemps les neuf catégories prioritaires de personnes considérées comme les plus vulnérables. Pour l'heure, la priorité a été donnée aux résidents et aux membres du personnel des maisons de retraite. 

Quels enjeux ? La réussite de la vaccination s'annonce cruciale pour le gouvernement de Boris Johnson, très critiqué sur sa gestion de la crise. Signe de l'importance sanitaire et politique de cette campagne, le ministre de la Santé britannique, Matt Hancock, a qualifié le jour du lancement de la vaccination de "V-Day", en référence au "D-Day", le 6 juin 1944, jour du débarquement des Alliés en Normandie durant la Seconde Guerre mondiale. Mais pour convaincre les 66 millions d'habitants du Royaume-Uni de se faire vacciner, les autorités devront faire preuve de pédagogie. Selon un récent sondage YouGov, seuls 8% d'entre eux sont "très confiants" en la sûreté du vaccin Pfizer-BioNTech et 40% "assez confiants", quand 23% se disent "pas très confiants" ou "pas du tout confiants". Pour encourager la population à se faire vacciner, la reine Elizabeth II devrait rendre publique sa vaccination, selon le journal Mail on Sunday (article en anglais). Quelque 350 000 personnes ont pour l'instant reçu une première dose du vaccin, a indiqué Boris Johnson, samedi 19 décembre.

L'Allemagne, durement touchée par la seconde vague, s'impatiente 

Quel plan de vaccination ? L'Allemagne n'attend plus que l'autorisation de l'AEM. Les premières vaccinations sont attendues dès le 27 décembre, ont indiqué mercredi 16 décembre les autorités du pays. L'Allemagne a dévoilé sa stratégie vaccinale dès la mi-novembre. "Nous voulons être prêts quand le vaccin sera là", avait alors lancé le ministre de la Santé. Comme en France, la priorité sera d'abord donnée aux personnes à risques et aux soignants. Partout dans le pays, des centres de vaccination sont en train d'être montés de toutes pièces. L’aéroport de Francfort se prépare même depuis plusieurs mois à se métamorphoser en l'un des plus grands hubs mondiaux pour le transport du vaccin.

Quels enjeux ? L'empressement et l'anticipation de l'Allemagne s'expliquent notamment par son inquiétude sur le plan épidémique. Relativement épargné par la première vague au printemps, le pays fait face depuis plusieurs semaines à une importante recrudescence des contaminations et des hospitalisations. Au premier jour d'un reconfinement partiel, le pays a recensé, mercredi 16 décembre, 952 décès liés au Covid-19 en 24 heures. Jamais l'Allemagne, qui compte 83 millions d'habitants, n'avait dû faire face à un tel bilan quotidien depuis le début de la crise. Selon un sondage ARD-Deutschlandtrend, publié en novembre (lien en allemand), 71% des Allemands interrogés sont prêts à se faire inoculer le vaccin. 

L'Italie fait face au scepticisme de sa population

Quel plan de vaccination ? Comme l'Allemagne, l'Italie a pressé l'AEM de rendre rapidement son avis sur le vaccin Pfizer-BioNTech. Pays d'Europe le plus endeuillé par l'épidémie, avec 65 000 morts, l'Italie prévoit de vacciner en priorité 1,4 million de professionnels de santé. Suivront ensuite les résidents des maisons de retraite, puis les enseignants, les policiers et les surveillants de prison, avant une vaccination du reste de la population. Pour ce faire, 202 millions de doses de vaccin seront disponibles à partir du premier trimestre 2021, rapporte le quotidien Corriere della Sera (article en italien)

Quels enjeux ? Reste à convaincre la population italienne, sceptique quant à l'efficacité et à la sécurité du vaccin. Selon un sondage Ipsos (lien en italien) publié le 17 novembre, 16% des Italiens interrogés affirment qu'ils refuseront le vaccin qui sera disponible en 2021 et 42% attendront pour en mesurer d'abord l'efficacité. Seul un tiers d'entre eux a répondu vouloir se faire vacciner "certainement sitôt qu'il sera disponible". Ces doutes ont récemment été alimentés par le professeur Andrea Crisanti, très présent dans les médias italiens, qui a déclaré, fin novembre, qu'il ne se ferait pas vacciner, en l’état actuel des connaissances. Plus largement, le mouvement anti-vaccin s'est largement répandu dans le pays ces dernières années. "L'hostilité à l'obligation vaccinale a même été un des chevaux de bataille les plus efficaces du Mouvement 5 étoiles, contribuant à sa progression électorale fulgurante tout au long de la décennie 2010 et à son arrivée au pouvoir, au printemps 2018", rappelle d'ailleurs Le Monde (article payant).

L'Espagne se tient prête

Quel plan de vaccination ? L'Espagne devrait commencer sa campagne de vaccination le 27 décembre, au lendemain de l'arrivée des premières doses dans le pays, a annoncé vendredi 18 décembre le ministre de la Santé espagnol, Salvador Illa. Au total, le pays s'est assuré l'acquisition de plus de 100 millions de doses dans le cadre des contrats signés avec l'Union, la quasi-totalité de ces vaccins requérant deux doses par personne. Les autorités espagnoles espèrent ainsi vacciner 15 à 20 millions de leurs concitoyens, sur une population de 47 millions d'habitants, d'ici mai ou juin, dont 2,5 millions parmi les résidents des maisons de retraite et les soignants qui recevront le vaccin d'ici fin février.

Quels enjeux ? Sur le plan politique, la réussite de cette campagne est déterminante. Le chef du gouvernement socialiste a été critiqué pour sa gestion de la crise sanitaire, dans un pays où le virus a tué plus de 47 000 personnes. Le gouvernement doit également convaincre une partie de la population, réticente au vaccin. D'après un sondage du Centre d'investigations sociologiques publié en novembre, 47% des Espagnols ne souhaitent pas se faire vacciner, rapporte le quotidien barcelonais La Vanguardia (article en espagnol). Interrogé sur cette question, le ministre de la Santé, Salvador Illa, s'est dit défavorable à une vaccination obligatoire.

La Suisse surprend en autorisant dès le 19 décembre le vaccin Pfizer-BioNTech

Quel plan de vaccination ? Le vaccin de Pfizer-BioNTech a été validé, samedi 19 décembre, par l'autorité d'homologation suisse, Swissmedic. Contrairement aux pays de l'Union européenne ou aux Etats-Unis, les Suisses ne disposent pas d'une procédure d'autorisation d'urgence, mais un système de "rolling submission" permet tout de même à Swissmedic de traiter les données au fur et à mesure qu'elles sont disponibles, sans attendre la constitution complète du dossier d'autorisation. "C'est la première autorisation de mise sur le marché 'classique' délivrée à un vaccin Covid-19, les autres pays ayant procédé par procédure d’urgence – ce qui ne change pas grand-chose en pratique", analyse le média suisse heidi.news. A partir de la semaine du 21 décembre, il sera donc "théoriquement" possible d'être vacciné, "mais ça va être compliqué de le mettre en place avant le 4 janvier", a prévenu sur franceinfo Ada Marra, conseillère nationale pour le canton de Vaud.

Quels enjeux ? La rapidité de la décision de la Suisse sur le vaccin Pfizer/BioNTech a de quoi surprendre, dans ce pays qui affichait clairement vouloir prendre son temps avant le lancement de la campagne"On attendait plutôt une autorisation de mise sur le marché suisse fin décembre ou tout début janvier", détaille heidi.news. En conférence de presse, après la validation de Swissmedic, les autorités fédérales se sont d'ailleurs avouées surprises que l'homologation arrive aussi tôt, toujours selon le média en ligne. "Nous avons pu prendre cette décision rapidement, tout en nous assurant du respect des trois conditions essentielles : la sécurité, l'efficacité et la qualité", a de son côté assuré le directeur de l'agence, Raimund Bruhin.

Près de la moitié (47%) de la population hésite à se faire vacciner et un quart refuse carrément, d'après un sondage publié le 2 décembre par la Société suisse de radiodiffusion et télévision. Le choix de la population va donc "dépendre de la qualité des informations qu'on pourra lui donner et de la confiance qu'elle aura dans ces informations", estimait au début du mois la vaccinologue Claire-Anne Siegrist, auprès de l'AFP. La Suisse, qui compte 8,6 millions d'habitants, fait face à une seconde vague virulente et enregistre chaque jour plus de 4 000 nouvelles contaminations.

La Suède a été échaudée par le vaccin contre le virus H1N1

Quel plan de vaccination ? Les premières vaccinations en Suède pourraient débuter le 26 ou le 27 décembre, a indiqué vendredi 18 décembre le coordinateur national des vaccins, Richard Bergström (lien en suédois). Le personnel et les résidents des maisons de retraite feront partie des premiers vaccinés. "Une fois le vaccin approuvé, il sera important que nous sachions très clairement comment il fonctionne, s'il existe des risques, et à qui il est destiné", a déclaré la ministre des Affaires sociales, Lena Hallengren, dans une interview pour la chaîne publique Sveriges Television (en suédois).

Quels enjeux ? Depuis le début de la crise du Covid-19, la Suède a attiré l'attention par ses mesures sanitaires non coercitives. Mais la seconde vague a largement dépassé les prévisions initiales de l'autorité de santé publique. Le vaccin est donc attendu avec espoir par le gouvernement, qui ne souhaite pas pour autant céder à la précipitation. Car en Suède, le souvenir de la campagne de vaccination massive contre le virus H1N1 a laissé des traces. En 2009, plus de 60% de la population, soit plus de 5,5 millions de personnes, avaient reçu le vaccin Pandemrix. Quelques mois plus tard, une hausse des cas de narcolepsie avait été constatée, un effet secondaire non anticipé du vaccin. L'incident "a généré une inquiétude à l'égard des campagnes de vaccination de masse, en particulier dans le contexte d'une pandémie", analyse Matti Sällberg, chercheur à l'Institut Karolinska, auprès du Monde (article payant).

La Hongrie fait le pari du vaccin russe

Quel plan de vaccination ? En plus des doses commandées par l'Union européenne, la Hongrie a reçu, le 19 novembre, dix doses du vaccin russe Spoutnik V, qui sont examinées par les autorités du pays. Un choix unique dans l'Union européenne. Si les autorités de Budapest donnent leur feu vert, des livraisons à plus grande échelle sont prévues. "Il serait irresponsable de la part du peuple hongrois de renoncer à l'une des options", a justifié le chef de la diplomatie du pays, Peter Szijjarto. "C'est pour cette raison que la Hongrie doit aussi regarder vers l'Est", a ajouté Tamas Menczer, un responsable du ministère des Affaires étrangères. 

Quels enjeux ? "Il est difficile de ne pas y voir une décision politique" de la part du gouvernement nationaliste de Viktor Orban, estime Tamas Denes, porte-parole du syndicat des médecins Reszasz, auprès de l'AFP, mais "refuser le vaccin Spoutnik V juste parce qu'il a été développé en Russie n'est pas une bonne idée non plus". Il faudra cependant convaincre les Hongrois, parmi les plus réticents en Europe à se faire vacciner. Selon une étude menée auprès de 27 pays du monde et réalisée en septembre par le Forum économique mondial et l'institut Ipsos, la Hongrie est le troisième pays où l'intention de se faire vacciner est la plus faible (56%), juste devant la France (59%). 

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