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Coronavirus : pourquoi la gestion de l'épidémie par la France est-elle critiquée ?

Face aux mesures drastiques décrétées par le gouvernement italien, la stratégie sanitaire française, plus modérée, est mise en cause.

Article rédigé par franceinfo
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Le président Emmanuel Macron, le ministre de la Santé Olivier Véran en visite au centre d'appel du Samu de l’hôpital Necker, à Paris, le 10 mars 2020. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Fermeture des commerces et confinement de l'ensemble de la population d'un côté des Alpes, mais pas de l'autre... La gestion de l'épidémie de coronavirus Covid-19, depuis peu qualifiée de "pandémie" par l'Organisation mondiale de la santé, diffère d'un pays à l'autre. Si le gouvernement italien a décidé de prendre des mesures drastiques en fermant tous les commerces (sauf ceux d'alimentation et de santé) et en plaçant sa population en quarantaine, le stade 3 de l'épidémie n'avait toujours pas été officiellement décrété en France dans l'après-midi du jeudi 12 mars. Une différence de stratégie qui interroge.

Le bilan du mercredi 11 mars à 15 heures fait état de 2 281 personnes contaminées depuis le début de l'épidémie en France, dont 105 dans un état grave, et de 48 décès, selon l'agence Santé publique France.

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Pourquoi la France n'est-elle pas confinée ?

La France n'est pas encore en quarantaine : si des écoles ont été fermées dans les régions les plus touchées pour deux semaines et que tous les rassemblements de plus de 1 000 personnes sont interdits en France jusqu'au 15 avril, aucune mesure de confinement de grande ampleur n'a pour l'instant été décidée.

Olivier Véran, ministre de la Santé, a décrété, mercredi 11 mars, la suspension des visites aux personnes âgées dans les Ehpad, ces dernières étant considérées comme des patients à risques. Face à cette crise que le président de la République a qualifiée d'"exceptionnelle", la France avance vers le stade 3.

Emmanuel Macron a estimé mardi que le pays n'était encore qu'"au tout début de cette épidémie", écartant la mise en place de mesures aussi drastiques que celles prises en Italie. "Aujourd'hui, il n'y a pas lieu de prendre des décisions de cette nature", a-t-il affirmé, ajoutant : "Si demain ou après-demain, il y avait lieu de le faire, nous l'expliquerions et peut-être les prendrions-nous." En Italie, où l'épidémie a fait 827 morts et contaminé plus de 12 000 personnes selon un bilan du 11 mars, les 60 millions d'Italiens sont soumis depuis mardi à de sévères restrictions de déplacement.

Le gouvernement tente de contenir à la fois l'épidémie et l'angoisse qu'elle engendre. Pour cela, il fait le choix de préparer la gestion de l'épidémie en amont et d'annoncer des mesures progressives. Pour l'instant, pas question de placer la France sous cloche, ni même de fermer toutes les écoles. Le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, a réfuté une telle mesure, jeudi 12 mars : "Nous n'avons jamais envisagé la fermeture totale" des écoles, a-t-il annoncé, expliquant : "Quand nous fermons, ça pose des problèmes à des infirmières, des médecins, à toutes sortes de personnels de l'hôpital" forcés de rester chez eux pour garder leurs enfants, ce qui réduit les effectifs de soignants.

Pourquoi ne pas dépister systématiquement ?

En Corée du Sud, pays très touché par l'épidémie, les dépistages du coronavirus Covid-19 sont massifs et systématiques. Au moindre symptôme, les habitants ont la possibilité de se faire tester. Dans l'objectif d'identifier au plus tôt les porteurs du virus et d'endiguer l'épidémie, 200 000 personnes ont pu ainsi être dépistées. Une situation qui est bien différente en France.

Si les capacités de dépistage ont été augmentées à 2 000 tests par jour en autorisant les laboratoires de ville à les pratiquer, la détection n'est plus systématique. "Le dépistage est destiné aux patients les plus graves, les patients à risque, les personnes âgées ou les soignants", expliquait mercredi le docteur Wilfrid Sammut, porte-parole de l'association des médecins urgentistes. "De toute façon, on ne va pas pouvoir dépister à tout-va, c'est juste impossible", a prévenu au micro de France 2 Vincent Enouf, virologue à l'Institut Pasteur. "On est dans un moment où on doit réguler, car on va très vite arriver en rupture (...) de kits de détection, de kits de prélèvement", etc.

Une restriction nécessaire donc, et qui s'inscrit dans une stratégie : celle de concentrer l'énergie et les ressources médicales sur les cas les plus graves, c'est-à-dire les patients nécessitant une prise en charge hospitalière, notamment en réanimation. "La question essentielle pour les semaines qui viennent [sera] le pourcentage et le nombre de formes graves", prévenait mercredi matin le professeur Jean-François Delfraissy, président du Comité national d'éthique, au micro de France Inter, assurant que "la préparation est en train de se faire".

La France est-elle en train de "perdre du temps" ?

"S'il vous plaît, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni : nous devons absolument éviter le risque de perdre du temps", implorait mercredi Matteo Renzi sur le plateau de CNN (en anglais). L'ancien président du Conseil a exhorté les pays à ne pas faire les mêmes erreurs que le gouvernement italien, qui, selon lui, a "sous-estimé" l'ampleur de la crise sanitaire : "L'Italie a perdu du temps et c'était une erreur." 

Si l'exécutif tient à éviter la comparaison entre les situations française et transalpine, le scénario de la péninsule inquiète : "Il est très probable qu'on évolue vers un scénario à l'italienne", a averti Eric Caumes, chef du service des maladies infectieuses à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, sur LCIajoutant : "Si on doit prendre des mesures comme ce qu'il se passe en Italie, il vaudrait peut-être mieux les prendre maintenant." Une anticipation qu'encourage l'Organisation mondiale de la santé : son patron, Tedros Adhanom Ghebreyesus, n'a cessé de rappeler que "chaque journée qui ralentit l'épidémie est une journée supplémentaire accordée aux hôpitaux pour se préparer".

Des mesures supplémentaires pourraient être annoncées dans les prochaines heures ou jours. A 20 heures ce soir, Emmanuel Macron s'adressera aux Français à propos de la pandémie de Covid-19. Ce sera la première allocution solennelle du chef de l'Etat depuis le début de la crise.

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