Coronavirus : pourquoi la décision de fermer les écoles ne fait-elle pas l'unanimité ?
Des établissements scolaires, soit quelque 300 000 élèves, sont fermés pour quinze jours à partir du lundi 9 mars, notamment dans l'Oise et le Haut-Rhin. Une décision qui prête à controverse.
Mais oui, mais oui, l'école est finie ! Enfin, temporairement. A partir du lundi 9 mars, quelque 300 000 élèves, sur 12 millions d'enfants scolarisés, sont invités à rester chez eux pendant quinze jours minimum. De la maternelle au lycée, leurs établissements sont fermés à cause de l'épidémie de coronavirus. Tous les écoles, collèges et lycées des départements de l'Oise et du Haut-Rhin sont concernés ainsi que d'autres, plus dispersés en France. Le nombre de cas confirmés s'élève à 1 126 contaminations et 19 morts, selon le dernier bilan publié par Santé publique France dimanche 8 mars à 15 heures. Mais ce dispositif de fermetures d'écoles peut prêter à polémique. On vous explique pourquoi.
Les élèves courent peu de danger
Le ministère de l'Education nationale le reconnaît lui-même : les élèves courent peu de risques. La fermeture des établissements scolaires, notamment dans les départements de l'Oise et du Haut-Rhin, "n'a pas été décidée parce que ces lieux seraient plus dangereux que d'autres. De surcroît, les enfants semblent peu sensibles aux formes graves de la maladie. Mais ils peuvent transmettre le virus et il leur est extrêmement difficile de respecter l'ensemble des consignes et des gestes barrières qui sont indispensables à respecter pour freiner au maximum la progression du virus", explique une note d'information et de recommandations.
Les enfants sont en effet la population la moins affectée par le virus, dont le taux de létalité augmente avec l'âge. "Sur une grande étude portant sur 44 000 cas analysés en Chine, seulement 1% concernait des enfants de moins de 9 ans et 1% les enfants et ados âgés entre 9 et 19 ans. Il y a plusieurs explications : on pense par exemple que les enfants ont un système immunitaire beaucoup plus performant que les adultes ou les personnes âgées. Autrement dit, s'ils croisent le virus, ils s'infectent, mais s'en débarrassent plus vite", indique le médecin Damien Mascret sur le plateau du 13 heures de France 2. Les élèves sont donc confinés davantage pour préserver le reste de la population que pour être eux-mêmes protégés.
Ils risquent d'être regroupés ailleurs
Mais ce confinement n'est utile que si les enfants respectent les consignes et évitent de se regrouper. Or les parents contraints de travailler à l'extérieur de leur domicile risquent de recourir à des solutions du type garde partagée. Solutions qui multiplient, elles aussi, le risque de circulation du virus.
Dans un rapport rendu en juillet 2012, après l'épidémie de H1N1, le Haut Conseil de la santé publique pointait ce problème. "La fermeture des établissements scolaires et autres lieux collectifs devra être accompagnée d'information et de recommandations dans le but de favoriser l'isolement à domicile et d'éviter tout regroupement d'élèves en dehors des établissements scolaires (par exemple lieux de sport, centres aérés, lieux de loisirs, ou garde familiale groupée, etc.)", écrivait-il. Car "ces regroupements compromettraient l'impact de la fermeture sur la réduction de la pandémie".
Le personnel soignant risque de faire défaut
Toujours en 2012, le Haut Conseil de la santé publique s'inquiétait d'une autre conséquence possible, alors que le personnel soignant est largement féminin. "Cette mesure [de fermeture des écoles] pourrait être intéressante localement pour réduire la charge des services de soins en retardant le pic mais générerait un absentéisme potentiellement conséquent parmi le personnel soignant pour garde d'enfants". Car ce sont encore fréquemment les femmes qui posent des congés pour garder les enfants.
L'enseignement est moins efficace qu'à l'école
Autre écueil : le temps scolaire perdu, qui risque d'accroître encore les inégalités entre les élèves, selon les syndicats d'enseignants. Certes, l'Education nationale met à disposition les ressources du Centre national d'enseignement à distance (Cned), avec des exercices de révision pour toutes les classes. Elle offre aussi la possibilité d'une "classe virtuelle", où le professeur peut faire cours à ses élèves par visioconférence.
Mais les enseignants pointent la limite de cet enseignement à distance, qui suppose d'ailleurs que tout élève dispose, à domicile, de l'équipement informatique nécessaire. Les exercices "ne permettent que de réviser", déclare ainsi Francette Popineau, co-secrétaire générale et porte-parole du syndicat SNUipp-FSU (primaire), citée par l'AFP. "Pour aborder des notions nouvelles, il faut un accompagnement pédagogique qu'on ne peut demander aux familles. Elles n'ont pas la compétence, la patience ou la disponibilité", ajoute-t-elle, prévenant d'un risque "d'accroître les inégalités sociales".
La mesure est toujours sujette à caution
Si le Premier ministre avait jugé important, vendredi 6 mars, de prendre ces mesures de fermeture pour "freiner la propagation" du virus, elles sont toujours contestables, faute de certitudes. "Il n'existe aucune règle, aucun algorithme permettant de déterminer avec certitude à l'avance les critères de fermeture et de réouverture des établissements scolaires", admet le Haut Conseil de la santé publique.
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