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"On soigne mal les enfants" : l'épidémie de bronchiolite illustre la crise qui secoue les services pédiatriques hospitaliers

Article rédigé par Paolo Philippe
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Une pédiatre ausculte un nourrisson en soins intensifs aux urgences pédiatriques de l’hôpital Robert-Debré, le 28 octobre 2022 à Paris. (ALAIN JOCARD / AFP)

Des soignants ont été reçus mercredi à l'Elysée et dénoncent la grande souffrance de la pédiatrie en France, dont l'épidémie de bronchiolite illustre les problèmes de personnel et les conditions de travail détériorées. 

Ils appellent l'Etat à une "prise de responsabilité". Deux semaines après que 4 000 soignants ont écrit à Emmanuel Macron pour dénoncer la saturation des services pédiatriques hospitaliers, une délégation a été reçue à l'Elysée, mercredi 2 novembre. Ils alertent sur une spécialité à bout de souffle, dont l'épidémie précoce de bronchiolite, une infection respiratoire virale qui touche principalement les enfants de moins de 2 ans, illustre les limites.

"Ce n'est que la partie émergée de l'iceberg", prévient Mélodie Aubart, neuropédiatre à l'hôpital Necker à Paris. "L'épidémie de bronchiolite, on y est confrontés chaque année. Mais derrière, il y a une situation intenable et un hôpital exsangue : le Covid-19 nous a mis un coup et de plus en plus de soignants partent", précise Mahmoud Rifai, interne et président du syndicat des jeunes pédiatres d'Ile-de-France. Les deux médecins, qui dénoncent un manque de personnel et des conditions de travail détériorées, ont rejoint mercredi l'Elysée à pied depuis l'hôpital Necker, épicentre de la crise en pédiatrie.

Presque toutes les régions en alerte épidémique

Mardi, à l'occasion d'une visite dans cet établissement, le ministre de la Santé, François Braun, a rencontré des "équipes fatiguées physiquement et moralement" par la saturation des services de réanimation pédiatriques dans les hôpitaux franciliens. "Trente et un enfants ont été transportés hors de l'Ile-de-France", a fait savoir le ministre de la Santé, alors que toutes les régions métropolitaines (à l'exception de la Corse, en phase pré-épidémique) ainsi que la Guadeloupe et la Martinique ont été placées au stade "épidémique" par Santé publique France, le plus haut des trois niveaux d'alerte.

Hospitalisations d'enfants dans des lieux non adaptés, transferts vers d'autres régions, reports d'interventions chirurgicales programmées, sorties prématurées d'hospitalisation : les soignants dénoncent les nombreuses conséquences d'une prise en charge défaillante. "On n'est plus capables de faire face à un pic épidémique", a résumé Christèle Gras-Le Guen, présidente de la Société française de pédiatrie, mardi sur franceinfo.

"Il y a des enfants qui attendent 9-10 heures aux urgences, d'autres qu'on renvoie chez eux car des cas plus graves arrivent. Mais aussi certains qu'on transfère à des centaines de kilomètres par manque de places."

Mahmoud Rifai, interne en pédiatrie

à franceinfo

Face à cette épidémie, l'exécutif a dû réagir. Le porte-parole du gouvernement et ancien ministre de la Santé, Olivier Véran, avait annoncé le 23 octobre un "plan d'action immédiat" avec notamment l'activation localement de "plans blancs", qui ont depuis été déclenchés à Bordeaux ou Rouen. Son successeur avait promis le même jour le déblocage de 150 millions d'euros pour les "services en tension de l'hôpital".

"Un risque pour les enfants"

Des mesures jugées "inadéquates" et "cyniques" par le collectif Pédiatrie qui a marché vers l'Elysée mercredi. "On a l'impression d'être sur le Titanic, et que le gouvernement est en train d'écoper avec une cuillère en plastique", regrettait mardi sur franceinfo la neuropédiatre Mélodie Aubart.

"Ce n'est pas ce qui va nous sauver, c'est comme donner du pain à celui qui a soif", juge de son côté Hiba Trraf. Cette pédiatre vient de démissionner de son poste de cheffe du service pédiatrie de l'hôpital de Montluçon (Allier) et dénonce une crise plus globale.

"Il y a une hémorragie massive de départs et un sous-effectif chronique, donc un risque pour les enfants et les soignants", explique-t-elle. Son dilemme a longtemps été celui-là : "Si on part [de l'hôpital] on met en danger les enfants. Si on reste aussi. C'est culpabilisant", admet celle qui va se diriger vers l'humanitaire. Elle plaide comme ses collègues pour une refonte globale du système de santé et une augmentation des salaires.

Un "grand plan" sur l'avenir de la pédiatrie au printemps

"Il faut que les pouvoirs publics entendent qu'aujourd'hui, en France, on soigne mal les enfants, faute de moyens, faute de soignants et faute d'une politique de santé digne de ce nom", résume Isabelle Desguerre, cheffe du service de neuropédiatrie de l'hôpital Necker.

Le ministre de la Santé, François Braun, après avoir promis le lancement au printemps d'un "grand plan" sur l'avenir de la filière, a musclé ses annonces d'octobre, mercredi. La prime d'exercice en soins critiques sera par exemple élargie à l'ensemble des soignants. Cette aide mensuelle de 118 euros brut était réclamée depuis plusieurs mois par les aides-soignants et les auxiliaires de puériculture en réanimation. Au lieu des 150 millions prévus en octobre, l'enveloppe d'aides promise sera "de l'ordre de 400 millions d'euros" pour les services en tension de l'hôpital, a-t-il ajouté. Sans que l'on sache combien seront réservés spécifiquement aux services pédiatriques.

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