: Vidéo "Le but, c'est qu'il n'y ait pas de récidive" : à Clermont-Ferrand, les violences intrafamiliales sont jugées à part, dans une chambre pénale spécialisée
"Quand j'étais enceinte de ma première fille, il m'a beaucoup tapée. Pareil pour ma deuxième grossesse. Il ne me tapait pas au ventre. Pendant toute une journée, il a menacé de me tuer, il le disait nuit et jour. J'ai vraiment eu peur pour moi et pour mes filles." Ce récit glaçant, tiré de la déposition d'une victime de violences conjugales, est lu à l'audience par la présidente d'une chambre pénale peu ordinaire, pratiquement unique en France.
"Envoyé spécial" a obtenu l'autorisation exceptionnelle de poser ses caméras dans ce pôle spécialisé mis en place au tribunal de Clermont-Ferrand. Il est dédié aux violences non pas seulement conjugales mais, plus largement, intrafamiliales. Il est composé de magistrats volontaires, spécifiquement formés. Trois à quatre fois par mois, ils président des journées d'audience exclusivement consacrées à ces violences.
Pour une réponse pénale plus rapide, la chambre spécialisée se donne pour objectif de juger ces affaires dans les six mois, en moyenne, après les faits. Mais cette exigence n'empêche pas un examen approfondi des dossiers : le nombre de ceux qui sont présentés est réduit par rapport à une audience correctionnelle classique, afin de pouvoir consacrer davantage de temps à chaque affaire.
Un travail en coordination avec plusieurs acteurs
Ce tribunal pas comme les autres travaille aux côtés d'une association d'aide aux victimes, AVEC 63 (Association victimes, écoute, conseils). Toutes les plaignantes sont contactées avant les audiences, et se voient proposer un accompagnement avec une psychologue. Son rôle est de les conseiller, mais aussi de les rassurer, alors que l'approche de l'audience et la perspective d'être confrontées à leur agresseur génèrent beaucoup de stress.
Chaque audience est préparée plusieurs semaines en amont, par une juriste spécialisée dans les violences intrafamiliales. Ce poste n'existe pas dans les autres tribunaux, mais il est au cœur du dispositif mis en place à Clermont-Ferrand. "La spécificité des violences intrafamiliales, c'est que les victimes connaissent leur agresseur, explique Mathilde Besse, chargée de mission à ce tribunal judiciaire, donc je vais aller regarder si on n'a pas déjà eu connaissance de la situation de cette famille, soit à travers le juge aux affaires familiales, soit à travers le juge des enfants… ou si on n'a pas déjà eu des affaires pour des faits de violences par conjoint qui ont été classées…"
Un effet pédagogique sur les hommes violents
Pour les magistrats qui présideront l'audience, comme Flora Tardif, "avoir toutes les informations sur une situation, le prévenu, sa situation familiale, et également la victime [...] permet d'avoir une vraie vision des problématiques, de façon à ce qu'il n'y ait pas de récidive ensuite. C'est ça le but."
Comment faire comprendre aux auteurs de violences, jugés dans une même salle les uns après les autres pour des faits similaires, la gravité de leurs actes ? La juge Flora Tardif se souvient de prévenus déclarant à la barre, après les audiences précédentes : "J'ai entendu les autres dossiers, je ne veux pas être comme ces gens-là, et pourtant c'est bien moi qui ai commis les faits"... Des faits qu'ils avaient jusqu'alors niés.
Extrait de "Juger les hommes violents", un reportage à voir dans "La Spéciale d'Envoyé. Quand les femmes sont prises pour cibles" le 23 novembre 2023.
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