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Projet de loi immigration : pourquoi le texte pourrait être durci par la commission mixte paritaire

Le gouvernement a décidé de laisser quatorze parlementaires tenter d'obtenir un compromis sur ce projet de loi, rejeté avant même l'ouverture des débats à l'Assemblée nationale.
Article rédigé par Thibaud Le Meneec
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, à l'Assemblée nationale, le 11 décembre 2023. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

Une pièce, quatorze parlementaires et d'âpres négociations : voilà à quoi tient désormais le sort du projet de loi immigration, après l'adoption à l'Assemblée nationale, lundi 11 décembre, d'une motion de rejet préalable par des oppositions unies contre le gouvernement. Le lendemain, le porte-parole du gouvernement a officialisé le choix d'Emmanuel Macron d'opter pour la convocation d'une commission mixte paritaire (CMP) au détriment d'une nouvelle lecture du texte par le Sénat. Selon Olivier Véran, le projet de loi sera soumis "au plus vite" à cette commission. 

Durant plusieurs jours, les sept députés et sept sénateurs composant cette CMP vont se réunir pour tenter d'aboutir à une version commune du texte, à présenter de nouveau au Parlement pour un vote. La composition de cette instance, reflet de l'équilibre politique de chaque chambre, laisse à penser que le projet de loi pourrait s'en retrouver durci. Côté Sénat, la CMP est en effet composée de trois élus des Républicains, de deux autres des groupes Union centriste et RDPI (le groupe macroniste) et de deux socialistes. Côté Assemblée nationale, quatre députés sont issus du camp présidentiel, un des Républicains, un Rassemblement national et un de La France insoumise.

La version du Sénat comme base de travail

Pour travailler, les parlementaires auront deux copies face à eux : le projet de loi voté par le Sénat mi-novembre, ainsi qu'une feuille blanche venue de l'Assemblée nationale. Cela s'explique par le fait que les députés ont voté le projet de loi modifié en commission des lois, mais pas en séance, puisque la motion de rejet a balayé le texte avant l'ouverture des débats dans l'Hémicycle. 

A majorité de droite, le Sénat s'avance en confiance, après avoir voté un texte considérablement musclé. Leur version du projet de loi comprend une suppression de l'aide médicale d'Etat (AME), la fixation de quotas migratoires revus chaque année ou encore le durcissement drastique de la régularisation prévue pour les travailleurs dans les métiers en tension. "Nous travaillerons sur la base du travail fait par le Sénat, qui avait fixé des lignes rouges et une stratégie globale à laquelle nous tenons énormément. (...) Je suis optimiste pour le texte du Sénat", explique François-Noël Buffet, sénateur LR du Rhône, à Public Sénat. Pour le constitutionnaliste Thibaud Mulier, il y a là un "paradoxe"

"Les parlementaires LR sont en position de force, alors qu'ils ne sont pas majoritaires."

Thibaud Mulier, constitutionnaliste

à franceinfo

Au sein de la CMP, la majorité présidentielle dispose de cinq parlementaires sur quatorze, ce qui n'est pas suffisant pour atteindre la majorité. Deux attitudes s'offrent alors à eux. Les élus macronistes peuvent d'abord tenter de trouver un compromis avec leurs collègues des Républicains en validant des mesures durcies par le Sénat. La CMP serait alors considérée comme "conclusive". Les deux chambres doivent ensuite valider, par un vote, le texte final. Le gouvernement trouverait-il alors une majorité sur ce texte ? L'inquiétude résiderait pour lui dans l'aile gauche de la majorité, qui pourrait trouver le texte trop déséquilibré et refuser de le voter. 

Vers un nouveau 49.3 en cas d'impasse ?

Les députés de la majorité peuvent aussi refuser de céder sur des éléments essentiels à leurs yeux, comme la régularisation des travailleurs des métiers en tension ou le maintien de l'AME. Ainsi, sauf coalition avec le reste de l'opposition, les parlementaires acteraient leurs nombreuses divergences et le texte reprendrait son chemin législatif, avec une nouvelle lecture dans chaque chambre. 

A l'Assemblée nationale, le gouvernement peut théoriquement avoir recours à l'article 49.3 de la Constitution, qui permet d'adopter un texte sans vote, comme pour la réforme des retraites. Là aussi, cela aurait de lourdes conséquences politiques. "La majorité en sortirait brûlée vive", met en garde le député Sacha Houlié, président de la commission des lois, dans La Nouvelle République. Lors d'un dîner avec les représentants de la majorité, mardi soir, Emmanuel Macron a évacué un recours au 49.3 en cas d'accord en CMP, selon plusieurs participants.

Mais un 49.3 serait-il possible en cas d'impasse en commission mixte paritaire ? La question subsiste. Saisi par le Rassemblement national, le Conseil constitutionnel doit se prononcer avant vendredi sur l'utilisation de cette disposition, qui n'est autorisée qu'une fois par session ordinaire du Parlement, d'octobre à juin, hors textes budgétaires. Or, ce fut le cas pour un texte non budgétaire, le 13 novembre, mais la majorité assure que le texte a été délibéré en amont et que ce 49.3 ne compte donc pas. "C'est joueur, estime Thibaud Mulier. La doctrine dit plutôt que ce n'est pas certain." Si le Conseil constitutionnel décidait que la "cartouche" a été grillée lors de la session ordinaire, cela empêcherait théoriquement le gouvernement de l'employer sur le projet de loi immigration, avant la fin de la session ordinaire. Et restreindrait d'autant plus ses options pour sortir de la crise politique.

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