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Interview d'Emmanuel Macron sur France 2 : on a décrypté sept affirmations du chef de l'Etat dans l'émission politique "L'Evénement"

Guerre en Ukraine, crise énergétique, superprofits... Franceinfo s'est penché sur plusieurs déclarations faites par le président de la République, mercredi soir.

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Emmanuel Macron sur le plateau de "L'Evénement" sur France 2, le 12 octobre 2022. (FRANCE 2)

Une heure "face aux crises". Interrogé mercredi 12 octobre dans "L'Evénement" par la journaliste Caroline Roux, Emmanuel Macron a détaillé, en longueur, la position de la France sur différentes problématiques internationales, près de six mois après sa réélection à l'Elysée et deux semaines avant un nouvel entretien sur France 2 qui sera consacré à la politique intérieure.

>> Guerre en Ukraine, pénurie de carburant, manifestations en Iran... Ce qu'il faut retenir de l'interview d'Emmanuel Macron dans "L'Evénement" sur France 2

La France apporte-t-elle un soutien majeur à l'Ukraine ? Est-on dépendant des hydrocarbures exportés de pays autoritaires ? La récession peut-elle être évitée ? Dans la nouvelle émission politique du service public, le chef de l'Etat a répondu à de nombreuses questions et s'est livré à une série d'affirmations. Franceinfo en a décodé sept, des livraisons de matériel militaire à Kiev aux superprofits en passant par le gaz azerbaïdjanais.

1Sur les livraisons de canons Caesar à l'Ukraine

En début d'interview, Emmanuel Macron est revenu sur l'aide militaire à Kiev. Selon le président de la République, la France a déjà livré "18" canons Caesar à l'Ukraine. Ce qui représente plus du quart des 76 obusiers dont dispose l'armée de terre française. Il a également répété son intention d'en fournir davantage.

Est-il possible d'augmenter ces livraisons ? Selon le général Olivier Kempf, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique, la France "ne peut pas aller au-delà" de ce qu'elle a déjà ponctionné dans sa propre armée. La piste privilégiée par le président est désormais de prélever "six canons" d'une commande de 12 obusiers destinée au Danemark.

2Sur la dépendance au gaz russe

"L'Europe a été trop dépendante du gaz russe (...) environ 40% du gaz qu'on achetait venait de Russie, aujourd'hui, au moment où je vous parle, c'est 7,5%", affirme Emmanuel Macron. 

En 2021, bien avant que la Russie n'envahisse l'Ukraine, l'Union européenne importait environ 45% de son gaz naturel de Russie, reconnaissait elle-même la Commission européenne. Sur la première semaine d'octobre, l'UE (et le Royaume-Uni)  n'importaient plus que 7% environ de son gaz de Russie, selon les données du think tank Bruegel, spécialisé dans l'économie. 

Quant à la France, 17% du gaz qu'elle a importé venait de Russie en 2020, selon les chiffres du ministère de la Transition écologique. Début septembre, la ministre Agnès Pannier-Runacher a déclaré que grâce à la diversification des importations, la France n'était plus dépendante du gaz russe qu'à hauteur de 9%.

3Sur la réforme du marché européen de l'électricité

Sur le dossier de la crise énergétique, le chef de l'Etat a mentionné la réforme du marché européen de l'électricité qu'il défend. Emmanuel Macron assure avoir obtenu "un changement en profondeur du marché d'électricité qui va nous permettre d'avoir plusieurs prix d'électricité et pour nous, Français, d'avoir un prix d'électricité qui ne dépendra plus du prix du gaz".

A l'heure actuelle, sur le marché européen de l'électricité, c'est le prix de revient de la dernière source de production mobilisée pour équilibrer l'offre et la demande, généralement les centrales au gaz, qui détermine le prix imposé à tous les opérateurs. En ce moment, il s'agit des centrales à gaz, très sollicitées pour compenser les arrêts de nos réacteurs. Résultat : l'électricité est payée à un prix gonflé par la crise du gaz. Un système critiqué par plusieurs pays européens, dont la France.

Le 5 octobre, la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, s'est dite
"prête à discuter d'un plafonnement du prix du gaz utilisé pour produire de l'électricité". Ce qui constituerait "une première étape vers une réforme structurelle du marché de l'électricité" européen. 

Ce mécanisme, déjà appliqué en Espagne et au Portugal et soutenu par la France, suscite encore l'hostilité de pays rétifs aux interventions étatiques sur les marchés, dont l'Allemagne. Les propositions de la Commission seront examinées lors d'un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement les 20 et 21 octobre à Bruxelles. Elles seront ensuite d'être discutées lors d'une nouvelle rencontre des ministres concernés le 25 octobre au Luxembourg, avant leur possible adoption lors d'une réunion ministérielle extraordinaire courant novembre. Les débats pour aboutir à un changement profond s'annoncent longs.

4Sur les importations de gaz d'Azerbaïdjan

Le président de la République a été interrogé sur le conflit qui oppose l'Azerbaïdjan à l'Arménie"La France n'importe pas de gaz d'Azerbaïdjan", affirme le chef de l'Etat. Des propos confirmés par le ministère de la Transition écologique qui déclare, sollicité par TF1 mi-septembre, qu'"à sa connaissance" aucune importation n'est réalisée d'Azerbaïdjan, le gaz livré fournissant "uniquement" "l'est de l'Europe, du fait de sa localisation géographique". Le pays ne figure pas dans la liste des principaux fournisseurs de gaz listés par le ministère.

Avant la guerre en Ukraine, les importations françaises de gaz naturel provenaient à 36% de la Norvège, principal fournisseur de la France, devant la Russie (17%), l'Algérie (8%), les Pays-Bas (8%), le Nigeria (7%) et le Qatar (2%), selon des données de 2020 du ministère de la Transition écologique.

5Sur la croissance économique

Emmanuel Macron estime qu'en France, "nous résistons mieux que nos voisins face à la crise" économique, aggravée par la guerre en Ukraine. "Regardez les chiffres, la récession sera là chez beaucoup de nos voisins ; nous, nous allons tenir l'année prochaine", assure-t-il.

Que disent les projections ? L'Allemagne table sur une récession de 0,4% en 2023. Ces prévisions confirment les estimations du Fonds monétaire international, qui prévoit que la première économie européenne basculera dans la récession en 2023 (-0,3%). Le FMI anticipe également un recul de l'économie italienne (-0,2%). 

La France semble effectivement mieux s'en sortir : le FMI prévoit une croissance en hausse de 0,7% l'an prochain. Mais elle n'est pas non plus à l'abri d'un risque de récession. La Banque de France n'exclut pas une "récession limitée et temporaire" de "deux ou trois trimestres de baisse du PIB aux alentours de l'hiver 2022-23". Cette projection reste toutefois "entourée d’incertitudes très larges".

6Sur les pénuries de carburant

Emmanuel Macron s'est exprimé sur la grève dans les raffineries qui entraîne des pénuries de carburant à la pompe. Le président de la République a estimé qu'un retour à la normale de l'approvisionnement des stations-service pourrait être possible "dans le courant de la semaine qui vient". Soit dans sept à dix jours, selon plusieurs sources gouvernementales contactées par le service politique de France Télévisions. 

En cas de levée des "points de blocage", le directeur du raffinage Europe de TotalEnergies, Jean-Marc Durand, s'exprimant sur BFMTV lundi, estimait effectivement qu'il faudrait compter "une grosse semaine" pour retrouver un rythme normal des livraisons en essence.

Mercredi soir, cependant, aucun déblocage des raffineries n'avait été annoncé par les syndicats. Une grève interprofessionnelle en France est d'ailleurs prévue par la CGT "pour les salaires" et contre "les réquisitions" des dépôts de carburants décrétée mardi par le gouvernement

7Sur la taxation des superprofits

En plein débat sur la taxation des superprofits, Emmanuel Macron a déclaré avoir mis en place non pas une "taxation" mais "une contribution" à partir "des profits faits par des acteurs du secteur dont les coûts de production n'ont rien à voir avec l'envolée des prix".

Le président de la République fait référence à un amendement au projet de budget 2023 déposé le 7 octobre par des députés de la majorité, visant à instaurer une contribution exceptionnelle sur les surprofits des industries pétrolières. Cette contribution, à hauteur de 33%, touchera les entreprises dont le résultat dépassera de 20% la moyenne des quatre dernières années.

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