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Guerre en Ukraine : cinq questions sur les canons Caesar, pièces majeures de l'artillerie française dont Kiev va recevoir de nouveaux exemplaires

Lors de sa visite à Kiev, Emmanuel Macron l'envoi à l'Ukraine de six exemplaires supplémentaires puisés dans les stocks de l'armée françaises, qui s'ajouteront aux douze déjà déployés sur le front.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Un officier ukrainien devant un canon Caesar français dans la région du Donbass, le 15 juin 2022. (ARIS MESSINIS / AFP)

"Au-delà des 12 Caesar déjà livrés, j'ai pris la décision de livrer six Caesar additionnels." Emmanuel Macron a profité de sa visite à Kiev, mercredi 16 juin, pour annoncer l'envoi aux forces ukrainiennes de nouveaux exemplaires du canon français. Sa mobilité et sa précision doivent permettre de soulager les unités engagées sur le front de l'Est.

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L'Ukraine réclame des armes lourdes à ses partenaires occidentaux depuis plusieurs semaines pour faire face à l'offensive russe dans le Donbass. Franceinfo revient en cinq questions sur les pièces d'artillerie fournies par la France.

1Qu'est-ce que le canon Caesar ?

Entré en service à la fin des années 2000, cet armement est la pièce majeure de l'artillerie française. Produit à Bourges (Cher) par le groupe industriel français Nexter, le Caesar est un canon automoteur de 155 mm, capable de tirer six coups par minute à une distance de 40 kilomètres, avec une très haute précision. Il est composé au total de 500 pièces, pour un poids de 18 tonnes. Alors que d'autres canons sont montés sur des chars, comme l'obusier néerlandais Panzerhaubitze 2000, le Caesar repose sur un camion blindé (son nom est l'acronyme de "camion équipé d'un système d'artillerie"), ce qui lui offre une très grande mobilité sur le terrain.

Un soldat français devant un canon Caesar lors du salon international de la défense Eurosatory, le 13 juin 2022 à Villepinte (Seine-Saint-Denis). (EMMANUEL DUNAND / AFP)

Un atout de poids pour l'armée ukrainienne, qui ne disposait, avant la guerre, que de vieux systèmes non-mobiles. "Comme le président [Volodymyr] Zelensky l'a dit, le Caesar faisait la différence sur le terrain, par la précision de ses tirs et par sa capacité à échapper aux ripostes adverses", a commenté le ministère des Armées mercredi. Par ailleurs, ces canons sont réputés "simples d'emploi", expliquait à l'AFP l'ingénieur militaire Marc Chassillan.

2Comment est-il utilisé sur le front ukrainien ?

Les canons Caesar déjà envoyés à l'Ukraine ont notamment été déployés dans le Donbass, la région de l'est de l'Ukraine sur laquelle l'armée russe concentre actuellement son offensive. Une équipe de France 2 a pu observer leur emploi sur le terrain le 5 juin. Ce jour-là, les forces armées ukrainiennes ont fait feu contre des pièces d'artillerie russes positionnées à 17 kilomètres de là. Trois canons Caesar étaient déployés de concert – même si l'usage est de déployer six camions – pour une opération de moins de cinq minutes, afin d'éviter une riposte ennemie. Des drones de surveillance ont ensuite survolé les cibles pour évaluer le succès des frappes.

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Ce matériel précieux n'emprunte pas les routes. Le plus souvent, il est déplacé à travers champs pendant la nuit. L'armée ukrainienne mène également de courtes sessions d'entraînement à l'arrière du front, avec une quarantaine d'artilleurs ukrainiens formés en France dans le camp de Canjuers (Var). "Nous avons reçu beaucoup d'informations et nous avons dû tout comprendre le plus vite possible, en moins de deux semaines", racontait l'un d'eux à France 2. Les équipements fournis à Kiev ont été "adaptés pour les rendre compatibles avec les systèmes de commandement ukrainiens, par le biais d'un contrat passé avec Nexter", expliquait Joël Barre, délégué général pour l'armement au sein du ministère des Armées, lors d'une audition au Sénat début mai.

"Ce système est très maniable. C'est un facteur important dans une guerre contemporaine comme celle-ci", explique un commandant ukrainien interrogé par l'AFP, opposant les Caesar "aux vieux systèmes ukrainiens non-mobiles. Nous gagnons beaucoup de temps, de sorte que l'ennemi ne peut pas nous attaquer ni riposter rapidement". Les canons français ont détruit une centaine de cibles russes – "des postes de commandement, des camps retranchés, des pièces d'artillerie, des chars et des véhicules blindés" – selon un bilan de l'armée ukrainienne cité par TF1.

3Quels autres pays possèdent des Caesar ?

Du fait de ses qualités, le canon français, dont le coût unitaire atteint 5 millions d'euros, est un succès commercial et s'exporte dans de nombreux pays. Nexter a notamment conclu des contrats avec la République tchèque, le Danemark, l'Indonésie, le Maroc, la Thaïlande et l'Arabie saoudite. Cette dernière est d'ailleurs accusée par des ONG d'en avoir fait usage contre des civils au Yémen. Lundi, la Lituanie a également signé une lettre d'intention en vue d'acquérir 18 canons Caesar, en marge du salon Eurosatory près de Paris.

4Les livraisons à l'Ukraine entament-elles les stocks de l'armée française ?

Au début du conflit, l'armée de terre française disposait de 76 Caesar. Les 18 canons envoyés à l'Ukraine ont été prélevés sur ces réserves, explique le ministère des Armées. Pour l'heure, aucune commande n'a été passée pour reconstituer l'inventaire français, qui est donc amputé de près d'un quart par les livraisons à Kiev. "Le choix de donner six Caesar supplémentaires répond à une nécessité immédiate de survie des Ukrainiens face aux Russes", justifie le ministère.

5La France va-t-elle renforcer ses capacités ?

Probablement. "En amont du déplacement du président de la République à Kiev, il a été demandé au PDG de Nexter (...) de revoir son organisation et de pouvoir travailler sur un mode 'de guerre' pour être capable de produire des Caesar beaucoup plus rapidement pour l'armée française", affirme le ministère des Armées, sans plus de précision. "Ces livraisons seront compensées", avait déjà déclaré Emmanuel Macron lors d'un entretien à la presse régionale début juin. "Et j’ai demandé à nos industriels d’accélérer la production d’armements, il ne s’agit pas seulement de reconstituer nos stocks, mais aussi de renforcer notre indépendance".

Par ailleurs, une commande avait déjà été passée avant le début de la guerre. En février, le Premier ministre d'alors, Jean Castex, avait signé avec Nexter un contrat de 600 millions d'euros pour développer une version blindée et modernisée de son canon, le "Caesar NG", et en acquérir 33 exemplaires, livrables à partir de 2026. Ceux-ci doivent remplacer des canons encore en service qui datent du début des années 1980.

La fabrication d'un système Caesar avec son camion prend actuellement plus de 18 mois, expliquait Nexter mi-mai. Mais les difficultés d'approvisionnement en composants électroniques et en matières premières peuvent allonger les délais. "S'il fallait passer à 300 canons par an, cela ne poserait pas de difficulté particulière", assurait alors à l'AFP Alexandre Dupuy, directeur des affaires institutionnelles de l'entreprise. "Tout est question d'anticipation", nuançait-il, "car on n'est pas seuls, on a tous nos fournisseurs" et certains métiers sont en tension, comme "les mécano-soudeurs" et "les spécialistes de pyrotechnie".

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