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Affaire Richard Ferrand : pourquoi Emmanuel Macron ne lâche pas son ministre

Le président de la République a cherché à se tenir à l'écart de la polémique, mais il a multiplié les gestes d'amitié envers son ministre de la Cohésion des territoires.

Article rédigé par Sophie Brunn, Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Emmanuel Macron et Richard Ferrand, le 16 janvier 2017 à Quimper (Finistère), dans une loge après un meeting. (MAXPPP)

La pression s'intensifie sur Richard Ferrand. Les révélations de la presse se multiplient et le parquet de Brest a décidé, jeudi 1er juin, d'ouvrir une enquête préliminaire sur le cas du ministre de la Cohésion des territoires. Selon les révélations du Canard enchaîné et du Monde, le député socialiste est notamment soupçonné d'avoir fait profiter ses proches de divers avantages lorsqu'il était directeur général des Mutuelles de Bretagne.

Pour l'instant, Emmanuel Macron a décidé de maintenir sa confiance en celui qui est aussi le secrétaire général de son mouvement La République en marche. Un risque politique calculé, à dix jours du premier tour des élections législatives. Franceinfo se penche sur les raisons qui poussent le président à jouer la montre.

Richard Ferrand est un fidèle parmi les fidèles

Emmanuel Macron a confié à Richard Ferrand la Cohésion des territoires, un ministère au périmètre très étendu avec le logement, les collectivités territoriales, la politique de la ville et l’aménagement du territoire. Plus que la récompense d'une fidélité politique, il s'agit pour le président de la République de placer un homme de confiance au cœur du gouvernement d'Edouard Philippe.  

Richard Ferrand a rejoint le mouvement En marche ! dès sa fondation, en avril 2016. Il est à l'époque le premier parlementaire à s'engager derrière l'ambitieux ministre de l'Economie. Les deux hommes ont appris à se connaître lors de l'élaboration de la loi Macron. "Pendant cette période, de septembre à novembre, on se parlait quotidiennement, confie Richard Ferrand au Monde. Ça a immédiatement accroché entre nous, on a tout de suite été à l’aise l’un avec l’autre." Le député du Finistère tombe en admiration devant le nouveau ministre de l'Economie et devient rapporteur général de la loi.

Il n'est pas encore mis en examen

Les règles du jeu ont été fixées par Edouard Philippe au "20 heures" de France 2 : "Un ministre qui serait mis en examen devrait démissionner." Le ministre de la Cohésion des territoires, qui ne cesse de clamer qu'il n'a rien fait d'illégal, est théoriquement tranquille, tant qu'il ne se voit pas notifier une mise en examen. Emmanuel Macron a d'ailleurs soutenu son ministre en demandant aux journalistes de ne pas se prendre pour des juges : "Il ne faut confondre aucun de ces rôles."

Le réveil de la justice pourrait toutefois faire rapidement bouger les choses. Jusque-là, l'exécutif pouvait s'appuyer sur le refus du parquet de Brest et du parquet national financier de s'emparer de l'affaire, mais l'ouverture d'une enquête en Bretagne vient perturber la stratégie. "Cela change la donne, ce n'est plus la même histoire...", estime un député macroniste interrogé par franceinfo.

A un moment donné, il faut siffler la fin...

Un député macroniste

à franceinfo

Mais pour l'instant, alors que François Bayrou a présenté les contours de sa loi sur la moralisation politique, Emmanuel Macron a décidé de temporiser. Un choix effectué par calcul politique, selon l'éditorialiste de BFMTV Laurent Neumann : "Ce serait un signal terrible. Une démission [de Richard Ferrand], c'est un début d'aveu." L'éditorialiste estime que le président de la République souhaite éviter de créer une jurisprudence qui pourrait entraîner la démission d'un ministre au moindre début de révélation publiée dans la presse.

L'affaire n'imprime pas dans l'opinion

Sur le terrain, les électeurs ne semblent pas perturbés par l'affaire Richard Ferrand. "Alors les journaleux, là... avec l'affaire Ferrand ! Pas la peine d'en faire des caisses !", lance une dame à franceinfo dans les allées d'un marché du 5e arrondissement de la capitale. "On m'en parle peu et c'est au second plan. Ça ne me gêne pas trop dans la campagne", assure à franceinfo Bruno Duvergé, candidat dans le Pas-de-Calais. "Ce n'est pas un sujet qu'on m'a envoyé à la face, ajoute Cédric Villani, qui fait campagne dans l'Essonne.

Les instituts de sondages ne montrent effectivement pas d'impact sur les intentions de vote depuis les révélations du Canard enchaîné, le 24 mai. "Pour l'instant, on ne constate aucun impact sur nos mesures, confirme à franceinfo Bruno Jeanbart, directeur général adjoint d'OpinionWay. On est sur un scrutin de légitimation de la présidentielle, les gens veulent donner à Macron les moyens de gouverner, du coup les législatives semblent déconnectées de l'affaire Ferrand." Selon le dernier sondage Ipsos Sopra Steria pour France Télévisions, l'alliance LREM-MoDem est créditée de 29,5% d'intentions de vote pour le premier tour, devant le bloc LR-UDI (22%) et le Front national (18%).

Pour autant, il ne faudrait pas que l'affaire dure trop longtemps. Les candidats de LREM, qui sont pour la plupart novices, commencent à se plaindre de voir leur campagne parasitée. "Richard Ferrand doit assumer son rôle de tête de pont d'un collectif, et là ça va commencer à grogner dans le collectif, s'inquiète un député macroniste. On ne va pas perdre les législatives, mais cela peut affaiblir la dynamique..." Bruno Jeanbart met effectivement en garde le camp Macron : "L' affaire peut avoir des effets à moyen terme sur l'opinion quand les choses iront moins bien."

En 2007 pour Nicolas Sarkozy, le Fouquet's et le yacht de Bolloré n'ont pas eu d'impact sur les législatives, mais cela avait laissé des traces...

Bruno Jeanbart

à franceinfo

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