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Algérie : le patron du premier groupe de médias privé, Anis Rahmani, écroué

Personnage controversé, Anis Rahmani a longtemps entretenu des liens étroits avec le clan Bouteflika.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Anis Rahmani, Mohamed Mokeddem de son vrai nom, à Paris le 25 novembre 2010.  (Michel Lunardelli / Leemage)

Le puissant propriétaire et PDG du plus important groupe de médias privé algérien Ennahar, Anis Rahmani, personnalité longtemps proche du clan du président déchu Abdelaziz Bouteflika, a été placé ce 14 février en détention provisoire, a annoncé Ennahar TV (lien en arabe). Anis Rahmani, journaliste de 49 ans, a été arrêté et placé en garde à vue deux jours plus tôt (le 12) dans le cadre d'une enquête le visant pour des faits de corruption. 

"Le juge d'instruction (...) a ordonné le placement de notre collègue et directeur Anis Rahmani en détention provisoire", a indiqué la chaîne du groupe Ennahar, sans préciser les chefs d'inculpation retenus contre lui.

Selon plusieurs médias privés, Anis Rahmani, de son véritable nom Mohamed Mokkedem, est soupçonné d'"infraction à la législation des changes", de "chantage pour l'obtention d'avantages indus", d'"abus de pouvoir" et de "détention de comptes bancaires à l'étranger".

Fox News à l'algérienne

Personnage controversé, Anis Rahmani a longtemps entretenu des liens étroits au sein de la classe politique et sécuritaire en Algérie, particulièrement avec le clan entourant Abdelaziz Bouteflika. Il est accusé d'avoir mis son groupe au service de M. Bouteflika, jusqu'à la démission de ce dernier le 2 avril 2019, acculé au départ par un mouvement de contestation populaire inédit.

Fondée en 2012, Ennahar TV, chaîne d'information en continu, est largement perçue en Algérie comme un média "officieux" des autorités. Les télévisions privées, ironiquement surnommées "off-shore", sont de droit étranger, mais installées en Algérie. Elles sont tolérées, mais dépendent du bon vouloir du régime pour leur autorisation d'émettre. Ce qui expliquerait leur frilosité à aller contre le discours officiel. 

Des manifestants brandissent des slogans contre la chaîne Ennahar et Saïd Bouteflika, frère de l'ancien président, à Béjaia le 22 mars 2019. (SOFIANE BAKOURI / HANS LUCAS)

Pour de nombreux journalistes et manifestants algériens, le clan de Bouteflika utilisait cette chaîne, surnommée Fox News, pour régler ses comptes avec ses adversaires. Ce qui lui a voulu de nombreux procès. Fin décembre, Anis Rahmani et un journaliste d'Ennahar avaient été condamnés à six mois de prison ferme pour "offense et diffamation" à l'encontre du  général à la retraite Hocine Benhadid qui était à l'époque en prison. Et le 10 février, un tribunal d'Alger a condamné Ennahar TV à verser une amende à l'ancien chef de la délégation olympique algérienne aux Jeux Olymiques de Rio de Janeiro en 2016, Amar Brahmia, et à sa famille, également pour "diffamation".

Règlements de comptes 

Anis Rahmani semble être une nouvelle victime de la vaste campagne anticorruption lancée après la démission forcée d'Abdelaziz Bouteflika et perçue par des observateurs comme offrant le double avantage de satisfaire la contestation en lui offrant des "têtes", tout en réglant des comptes dans les clans s'affrontant au sein du régime.

Cette campagne a déjà conduit en prison des dirigeants politiques – dont d'anciens ministres et Premiers ministres – et de riches hommes d'affaires. En décembre 2019, deux anciens Premiers ministres, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, ont écopé de 15 et 12 ans de prison pour diverses malversations liées à des marchés publics dans un premier dossier. Ali Haddad, ex-président de la principale organisation patronale d'Algérie et symbole des liens troubles tissés entre le pouvoir et les "oligarques" sous la présidence Bouteflika, a été quant à lui condamné à 7 ans de prison dans ce même dossier, mais reste lui aussi inculpé dans d'autres affaires.

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