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Producteur passé à tabac par des policiers : ce que l'on sait de l'affaire

Le tabassage d'un homme noir par des policiers, dans le 17e arrondissement de Paris, a été filmé par une caméra de vidéosurveillance. Cette affaire intervient en pleine polémique autour de la proposition de loi sur la "sécurité globale".

Article rédigé par franceinfo - avec Nathalie Perez et AFP
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Un brassard de police au bras d'un membre des forces de l'ordre, lors d'une manifestation à Paris, le 20 décembre 2018.  (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP)

Les images, diffusées jeudi 26 novembre par le média Loopsider, sont accablantes. Filmées par une caméra de vidéosurveillance, elles montrent un homme noir, Michel Zecler, producteur de musique à Paris, être passé à tabac par des policiers alors qu'il se trouve dans l'entrée d'un studio de musique du 17e arrondissement de la capitale, samedi. Vendredi 27 novembre, Loopsider a mis en ligne une nouvelle vidéo, montrant cette fois la suite de l'agression, dans la rue, filmée depuis la fenêtre d'un appartement voisin. 

Quatre policiers ont été suspendus, jeudi, et vont être entendus par l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) vendredi sous le régime de la garde à vue, a appris franceinfo. Une décision qui fait notamment suite à une demande du préfet de police de Paris, après que la vidéo a été massivement relayée. Dans un premier temps, sitôt les images diffusées sur les réseaux sociaux, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, avait demandé à Didier Lallement de suspendre ces fonctionnaires. Ils seront révoqués "si la justice conclut à une faute (…), ils ont sali l'image de la République"a annoncé Gérald Darmanin au journal de 20 heures de France 2

Que sait-on des faits ? 

Selon leur procès-verbal, que franceinfo a pu consulter, les policiers ont tenté d'interpeller Michel Zecler pour défaut de port du masque. "Alors que nous tentons de l'intercepter, il nous entraîne de force dans le bâtiment", écrivent-ils. Or, sur les images de vidéosurveillance de ce studio, consultées par l'AFP, on voit les trois fonctionnaires de police entrer dans le studio en agrippant l'homme puis le frapper violemment à coups de poing, de pied et de matraque, notamment à la tête.

Dans leur rapport, les policiers ont écrit à plusieurs reprises que l'homme les avait frappés. Selon ces mêmes images, ce dernier résiste en refusant de se laisser embarquer, puis tente de se protéger le visage et le corps. Au cours de cette scène qui dure cinq minutes, il ne semble pas porter de coups. Dans son témoignage à Loopsider, Michel Zecler indique également avoir subi des insultes racistes de la part des policiers. "On m'a dit 'sale nègre' plusieurs fois et en me donnant des coups de poing", a dénoncé la victime en venant porter plainte avec son avocate, jeudi, au siège parisien de l'IGPN. La vidéo, sans bande sonore, ne permet pas d'entendre les échanges. 

Dans un second temps, des personnes qui se trouvaient dans le sous-sol du studio entendent les cris de Michel Zecler et parviennent à rejoindre l'entrée, provoquant le repli des policiers à l'extérieur et la fermeture de la porte du local. Les policiers tentent ensuite de forcer la porte et l'un d'eux jette à l'intérieur du studio une grenade lacrymogène qui enfume la pièce.

D'autres images dévoilées par Loopsider et tournées par des riverains montrent les policiers pointer leurs armes dans la rue et intimer à Michel Zecler de sortir du studio, avant que celui-ci soit finalement embarqué dans une voiture.

Blessé notamment au crâne, il bénéficie d'une incapacité totale de travail de six jours. C'est "assez surprenant compte tenu des coups qui lui ont été portés", a estimé son avocate, Hafida El Ali, en indiquant qu'une nouvelle expertise allait avoir lieu.

Quelles sont les suites judiciaires ? 

A la suite de cette interpellation, Michel Zecler a été placé en garde à vue dans le cadre d'une enquête ouverte par le parquet de Paris pour "violences sur personne dépositaire de l'autorité publique" et "rébellion". Mais le parquet de Paris a classé cette enquête et ouvert mardi une nouvelle procédure pour "violences par personnes dépositaires de l'autorité publique" et "faux en écriture publique", confiée à l'IGPN. Dans une rare déclaration publique, le procureur de Paris, Rémy Heitz, a souhaité que la police des polices enquête "le plus rapidement possible"

Vendredi, les quatre policiers ont ainsi été convoqués par l'IGPN sous le régime de la garde à vue, selon les informations de franceinfo, ce qui leur permettra d'être assistés d'un avocat. 

Que sait-on des policiers impliqués ? 

Selon les informations de franceinfo, les fonctionnaires font partie de la brigade territoriale de contact (BTC) du commissariat du 17e arrondissement, composée de 10 à 15 hommes. Les patrouilles des BTC sont le plus souvent formées de trois fonctionnaires : deux en uniforme, un en civil, conformément à ce que l'on voit sur les images diffusées par Loopsider. Ces brigades sont des unités composées de jeunes policiers censés rapprocher les policiers de la population, mais aussi répondre aux urgences, aller dans les quartiers "chauds" et  procéder à des interpellations.

Dans le procès-verbal rédigé par les policiers après leur intervention, ils affirment que Michel "devient dangereux à leur égard", qu'il "tente à plusieurs reprises de se saisir de [leur] arme administrative" et que "vu sa force physique", ils ne parviennent pas à le maîtriser. Ils assurent aussi que l'homme leur donne "des coups avec ses bras et ses jambes" et qu'il les "empêche de quitter le local" dans lequel a lieu l'interpellation. Une version que ne semblent pas confirmer les images mises en ligne par Loopsider. 

Enfin, les policiers expliquent avoir appelé du renfort. D'autres fonctionnaires interviennent alors, dont un "qui ne fait pas partie de notre unité", précisent les trois rédacteurs, ajoutant que celui-ci "jette une grenade lacrymogène", avant l'interpellation de Michel Zecler et des jeunes gens qui se trouvaient dans le studio. 

Dans quel contexte la publication de ces images survient-elle ?

Cette affaire intervient en pleine polémique sur la proposition de loi "sécurité globale", qui entend encadrer la diffusion des images des forces de l'ordre en intervention, et après l'évacuation violente, lundi, d'un camp de migrants place de la République, au cœur de la capitale. "Mon client a fait 48 heures de garde à vue de manière injustifiée sur des propos mensongers des services de police qui l'ont outrageusement violenté", a dénoncé de son côté l'avocate de Michel Zecler, Hafida El Ali. "Si nous n'avions pas les vidéos, mon client serait peut-être actuellement en prison", a-t-elle ajouté auprès de l'AFP.

L'Assemblée nationale a voté cette semaine la proposition de loi, dont l'article 24 réprime d'un an de prison et 45 000 euros d'amende la diffusion de "l'image du visage ou tout autre élément d'identification" de membres des forces de l'ordre en intervention, quand elle porte "atteinte" à leur "intégrité physique ou psychique".

Ce texte doit désormais être examiné au Sénat. Il a suscité de vives critiques, notamment de la part des journalistes et des associations de défense des droits humains. Face au tollé, le Premier ministre, Jean Castex, a annoncé jeudi la création d'une "commission indépendante chargée de proposer une nouvelle écriture" de l'article 24.

Quelles sont les réactions politiques ? 

La gauche et les écologistes ont unanimement condamné les violences révélées par la vidéo de Loopsider. "Il est temps d'accepter de traiter le sujet du racisme dans la police, de retirer l'article 24 de la loi Sécurité globale, de rendre l'IGPN absolument indépendante pour donner à ses décisions le caractère d'impartialité qu'elle n'a pas aujourd'hui", a demandé le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, sur Twitter. 

"L'IGPN, cette comédie où des policiers décident entre eux du sort de policiers ? Il faut la dissoudre et la remplacer par une instance démocratique. Vous refusez de parler de violences policières mais tant qu'il y aura des images, on les verra ! Retirez la loi Sécurité globale !" a répondu le numéro deux de La France insoumise, Adrien Quatennens, à Gérald Darmanin, après l'ouverture de l'enquête de l'IGPN.

Même réaction du côté du patron d'EELV, Julien Bayou : "Sans les vidéos, rien ne serait sorti. Vidéos que vous voulez interdire. Pour protéger les policier-es qui exercent leur mission avec rectitude ? Ou pour assurer l'impunité de ces comportements qui déshonorent l'uniforme ?"

Le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, a quant à lui appelé à se joindre aux manifestations de samedi pour le retrait de l'article 24, et à "réformer la police républicaine" car "les violences policières racistes sont des réalités".

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