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"Aucun des candidats ne reconnaît l'urgence climatique" : des scientifiques et des ONG réagissent au débat entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron

Le réchauffement climatique a été l'un des sujets au menu du débat de l'entre-deux tours, mercredi soir. S'ils se réjouissent que les candidats aient dû s'expliquer sur ce thème, les spécialistes sont restés sur leur faim.

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Les candidats à la présidentielle, Emmanuel Macron et Marine Le Pen, le 20 avril 2022 lors du débat d'entre-deux tours. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Dix-neuf minutes. C'est le temps consacré au réchauffement climatique lors des 2 heures et 50 minutes du débat de l'entre-deux tours de la présidentielle entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, mercredi 20 avril. Cette séquence, qui pèse 11% des échanges, était très attendue par les associations environnementales, qui avaient demandé ces derniers jours qu'un cinquième du débat soit consacré à l'écologie, mais aussi par les scientifiques du Giec, qui ont rendu cette année deux rapports importants sur la crise climatique.

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"Ma première réaction, c'est de voir que le sujet a heureusement été sur la liste des thèmes abordés", témoigne Wolfgang Cramer, directeur de recherche à l'Institut méditerranéen de biodiversité et d'écologie marine et continentale (Imbe) et co-auteur du deuxième volet du dernier rapport du Giec. Ce chercheur allemand, qui vit en France mais n'y vote pas, constate cependant qu'"aucun des candidats ne reconnaît vraiment l'urgence climatique". "La nécessité d'agir est aujourd'hui beaucoup plus forte et cela ne transparaissait pas dans leurs discours", regrette-t-il.

"Aucune mesure supplémentaire n'a été annoncée"

Une déception partagée par Anne Bringault, coordinatrice des programmes du Réseau action climat (RAC). "Aucune mesure supplémentaire n'a été annoncée, alors que le programme d'Emmanuel Macron est largement insuffisant pour respecter la trajectoire de l'accord de Paris et que celui de Marine Le Pen comporte carrément des mesures néfastes pour le climat, comme la baisse de la TVA sur les carburants", détaille-t-elle. Pour le RAC, ce type de mesures devrait être temporaire, réservé aux ménages les plus en difficulté et accompagné d'alternatives pour offrir des solutions moins polluantes aux automobilistes.

Pour Yamina Saheb, économiste et co-autrice du troisième volet du dernier rapport du Giec, les mesures proposées par Marine Le Pen, notamment le démantèlement des éoliennes, sont "contraires aux conclusions du Giec"

"Marine Le Pen parle d'écologie punitive [à propos de la politique d'Emmanuel Macron], mais ce qui est punitif, c'est l'inaction. Encore davantage pour les plus démunis qu'elle prétend défendre."

Yamina Saheb, co-autrice du troisième volet du dernier rapport du Giec

à franceinfo

A l'inverse, chez Emmanuel Macron, "les grandes lignes sont bonnes mais il faut attendre de voir la mise en œuvre", estime la scientifique, qui juge positive sa promesse de charger le prochain Premier ministre de la planification écologique. Pierre Cannet, directeur du plaidoyer et des campagnes du WWF France, a lui confié qu'il était "resté sur (sa) faim". "Malheureusement, ce débat n'était pas à la hauteur, voire même à côté de la plaque", estime-t-il, évoquant l'absence de réponses concrètes sur "comment transformer en profondeur notre économie, notre société".

Un débat limité à l'électricité

Si Wolfgang Cramer juge positif le fait que les candidats aient beaucoup parlé d'énergie, Anne Bringault regrette qu'une fois de plus, "la question environnementale soit limitée à un débat 'pour ou contre le nucléaire et les éoliennes'". "C'est très dommage parce qu'en France, le premier secteur émetteur, ce sont les transports. Il est important d'avoir un débat sur la transformation de l'industrie automobile, le ferroviaire, le vélo et les transports collectifs", juge-t-elle. Un avis partagé par le climatologue Christophe Cassou, co-auteur du premier volet du dernier rapport du Giec, qui a trouvé l'échange "assez affligeant et pitoyable". Il regrette que les candidats se soient enfermés dans un débat "caricatural" sur l'électricité, sans parler des "vrais enjeux".

"J'aurais aimé qu'ils parlent de la préservation du vivant. La biodiversité et le climat sont deux faces d'une même pièce. La préservation des écosystèmes est un atout pour s'adapter et limiter le réchauffement."

Christophe Cassou, climatologue

à franceinfo

Et de citer la transformation de l'agriculture, des modes de vie, des emplois et de l'industrie... Pour le climatologue, le débat n'a pas non plus reflété "le caractère transversal du problème". "Pour chaque thème abordé, ils auraient pu poser une dernière question sur la manière dont les enjeux écologiques et les engagements climatiques s'intègrent dans ce thème", suggère-t-il. "Pour décarboner nos économies, il faut un changement systémique et aucun des candidats ne l'a dit", abonde Yamina Saheb.

Anne Bringault regrette enfin que l'environnement ait été présenté comme une simple préoccupation des jeunes. "Oui, les jeunes sont préoccupés par le réchauffement climatique. Mais toutes les études d'opinion montrent que c'est partagé par toutes les classes d'âge, souligne la militante du RAC. Les gens perçoivent les impacts concrets, avec les sécheresses, les incendies et la montée du niveau des mers". Sur Twitter, l'activiste Stacy Algrain a rappelé qu'il n'y avait pas "une planète pour les jeunes et une pour les vieux".

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