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Présidentielle : le programme de Marine Le Pen est-il dans les clous des objectifs climatiques de la France ?

Celui ou celle qui remportera l'élection devra prendre rapidement des décisions importantes pour limiter le réchauffement climatique. En collaboration avec l'association Les Shifters, franceinfo vous propose une analyse détaillée des programmes des candidats à l'Elysée, comme ici celui de Marine Le Pen.

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En collaboration avec Les Shifters, franceinfo.fr publie une analyse du programme de Marine Le Pen en fonction des objectifs climatiques de la France. (JESSICA KOMGUEN / FRANCEINFO)

Cet article fait partie d'une opération spéciale, en collaboration avec Les Shifters, une association de bénévoles qui accompagne le groupe de réflexion The Shift Project, spécialiste de la transition énergétique.


Face au réchauffement climatique, la prochaine ou le prochain président de la République devra prendre des décisions importantes. Son mandat prendra fin en 2027, trois ans avant 2030, date à laquelle la France devra avoir réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 40% pour respecter l'accord de Paris sur le climat.

Pour ce faire, il ou elle trouvera sur son bureau la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), un document officiel qui décrit, secteur par secteur – transports, bâtiments, agriculture, industrie, etc. – les efforts importants à réaliser. Une feuille de route que les gouvernements successifs peinent à respecter depuis sa mise en place en 2015.

Les programmes des candidats sont-ils compatibles avec ces objectifs ? C'est la question à laquelle a voulu répondre franceinfo, à quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle 2022. Cet article présente un résumé de l'analyse faite par Les Shifters du programme de la candidate du Rassemblement national Marine Le Pen. Vous pouvez retrouver leur évaluation complète sur leur site

Son programme respecte-t-il l'accord de Paris ?

- (FRANCEINFO)

Le programme de Marine Le Pen n'aborde que "de façon partielle" les objectifs annoncés de la Stratégie nationale bas carbone, d'après l'analyse des Shifters. Certaines promesses suivent ses orientations, comme la décarbonation de la production d'énergie, le soutien au transport ferroviaire et aux mobilités douces, à l'agriculture bio, la volonté de "réhabiliter" les logements ou encore de relocaliser certaines industries. Toutefois, Les Shifters observent que des secteurs entiers sont peu ou pas traités, comme la gestion des déchets, des sols ou la baisse des émissions de l'industrie. 

Et d'autres mesures vont à l'encontre des objectifs de la Stratégie nationale bas carbone. Sur la question de l'artificialisation des sols, Marine Le Pen propose de construire des infrastructures de santé ou de rétablir les primes d'aménagement du territoire pour relocaliser des entreprises, propositions qui "pourraient avoir un effet opposé aux objectifs de la SNBC". Les Shifters signalent également l'arrêt du recourt aux éoliennes, l'opposition de la candidate à l'interdiction des phytosanitaires ou encore sa "proposition visant à baisser la TVA sur toutes les énergies (fossiles et électricité)". Autant de mesures "défavorables à la transition".

Que propose-t-elle secteur par secteur ?

- (FRANCEINFO)

Transports. Pour décarboner le premier secteur émetteur en France – 31% des émissions nationales, selon le Haut Conseil pour le climat (PDF) , Marine Le Pen évoque sans détails un plan de développement du ferroviaire et des mobilités douces. Mais elle ne prévoit aucune mesure pour réduire la part de la voiture et de l'avion dans les déplacements des Français. "L'objectif de baisser de 15% le prix des péages va d'ailleurs à l'encontre de l'objectif de réduction du trafic routier", précisent Les Shifters.

Bâtiments. Ce secteur, responsable de 17% des émissions en France, est "partiellement" traité dans le programme de la candidate du Rassemblement national. Une seule mesure y fait référence, annonçant un "plan de réhabilitation de l'habitat ancien", mais les montants des aides financières et l'échelle temporelle ne sont pas spécifiés.

Agriculture. Le secteur est responsable de 19% des émissions françaises. Marine Le Pen souhaite soutenir l'agriculture biologique et limiter le transport des aliments en imposant un objectif minimal de produits français dans les cantines, un étiquetage annonçant l'origine des produits et en interdisant les importations de produits agricoles ne respectant pas les normes de production française. "Toutefois, la candidate n'aborde pas des enjeux clés pour la décarbonation de l'agriculture", comme la part des protéines animales dans les régimes alimentaires, l'utilisation d'engrais et la consommation d'énergie des exploitations, constatent Les Shifters.

Forêts. Secteurs à haut potentiel de stockage de carbone dans les sols, la forêt et le bois ne sont mentionnés que dans une mesure du programme de Marine Le Pen. Elle propose le renforcement de la lutte contre l'orpaillage illégal"Cette unique mesure contribuerait donc à préserver certaines surfaces forestières du défrichement", note l'association.

Industrie. Ce secteur, qui représente 19% des émissions de gaz effet de serre en France, est "mal couvert voire ignoré" dans le programme de la candidate RN, d'après Les Shifters. Elle y affiche sa volonté de relocaliser la production en France, une mesure "potentiellement favorable sur le climat", et d'investir dans la filière hydrogène. Mais "aucune précision n'est donnée, ni sur l'horizon temporel visé, ni sur les investissements technologiques et industriels nécessaires, ni sur les gains de gaz à effet de serre en jeu, et les secteurs prépondérant dans les émissions tel que la chimie, les matériaux de construction et l'acier ne sont pas mentionnés", ajoutent-ils.

Energies. Pour décarboner ce secteur, à l'origine de 10% des émissions en France, Marine Le Pen mise sur le nucléaire, l'hydroélectricité et l'hydrogène, tout en arrêtant totalement le recours aux éoliennes et les subventions au photovoltaïque. "Ces mesures sont en désaccord avec la SNBC qui recommande une diversification du mix électrique", également plébiscitée par le dernier rapport de RTE. Par ailleurs, Les Shifters rappellent que le potentiel de développement de l'hydroélectrique en France est "très limité".

Déchets. Marine Le Pen ne propose aucune mesure sur ce secteur, responsable de 4% des émissions en France.

La mise en œuvre de ces mesures est-elle réaliste ?

Les Shifters se sont également intéressés à la possible mise en application de ces mesures. En termes de financements, Marine Le Pen ne redirige pas de moyens privés ou publics particuliers vers la transition écologique. La candidate d'extrême droite ne mentionne pas non plus de mécanisme d'évaluation des politiques publiques, pourtant réclamé par la Stratégie nationale bas carbone. Elle fait aussi l'impasse sur l'aspect international de ces questions, ne proposant par exemple aucune tarification mondiale du carbone ou taxe au frontières.

Afin de faire accepter ces changements, alors que la SNBC préconise des mesures d'aide à la reconversion des employés des secteurs touchés et de sensibilisation des citoyens à ces enjeux, Marine Le Pen ne les fait souvent pas siennes, mis à part un étiquetage sur l'origine des produits alimentaires "qui pourrait avoir un impact sur la consommation favorable au climat".

Pour conclure, Les Shifters soulignent l'absence de contraintes ou d'obligations, laissant planer le doute sur le suivi réel des mesures par les acteurs concernés : "La plupart des mesures proposées sont incitatives, à l'exemple des réhabilitations de logements ou du soutien aux mobilités douces. Plusieurs mesures incitent à la sobriété, bien que le terme lui-même ne figure pas dans le programme : plan de mobilité train et mobilité douce, soutien au tourisme local."

- (FRANCEINFO)

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Retrouvez ci-dessous les analyses climatiques des programmes des autres candidats : 

>> On a épluché les programmes des candidats à la présidentielle pour voir s'ils respectent l'accord de Paris

>> Les programmes de Nathalie Arthaud, Nicolas Dupont-Aignan, Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Jean Lassalle, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, Valérie Pécresse, Philippe Poutou, Fabien Roussel et Eric Zemmour sont-ils dans les clous des objectifs climatiques de la France ?

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