Présidentielle : pourquoi franceinfo se focalise sur l'empreinte carbone des transports
Omniprésents dans notre quotidien, les transports, dominés par la voiture individuelle, sont la principale source de pollution et d'émissions de gaz à effet de serre, moteur du réchauffement climatique en France.
Cet article fait partie de notre opération "Les focus de franceinfo", qui met en avant des sujets-clés peu traités dans la campagne présidentielle : le coût du logement, la crise de l'hôpital public, le tabou de la santé mentale et l'empreinte carbone des transports.
Et si l'explosion des prix à la pompe était l'occasion de repenser la place de la voiture dans nos vies ? Sous l'effet de la guerre en Ukraine, les principaux carburants en France ont dépassé la barre symbolique des 2 euros le litre, au cours de la deuxième semaine de mars. De quoi inciter certains automobilistes à revoir leurs habitudes avec, parfois, le souci de réduire leur empreinte carbone. Le développement de transports plus écologiques fait partie des douze priorités des Français, selon une consultation citoyenne "Ma France 2022" de France Bleu et France 3 Régions, dévoilée dimanche 13 mars.
Alors que cette thématique peine à s'imposer dans la campagne présidentielle, franceinfo a choisi de l'intégrer dans une série de "focus", inaugurée à quelques semaines du scrutin. Quatre dossiers, composés de reportages et d'analyses, sur des sujets parfois éclipsés du débat public. Outre l'empreinte carbone des transports, la crise de l'hôpital public, le tabou de la santé mentale et le coût du logement font partie de cette série.
Pourquoi franceinfo en parle
Aujourd'hui, la France ne tient pas les objectifs climatiques qu'elle a elle-même fixés pour respecter l'accord de Paris. Les transports (marchandises et personnes) sur notre territoire sont au cœur du problème. Selon le Haut Conseil pour le climat (PDF), ils représentent la principale source de gaz à effet de serre, avec 31% des émissions en France (136 millions de tonnes équivalent CO2 par an). Ils sont aussi le seul secteur dont les émissions ont augmenté depuis 1990. Sans même tenir compte du transport international lié à la France (+24 millions de tonnes par an), les transports se classent loin devant l'industrie (19%), l'agriculture (19%), les bâtiments (17%), la transformation d'énergie (10%) ou les déchets (4%).
En zoomant, on constate que la voiture particulière est responsable de la majorité de ces émissions, devant les poids lourds et les vols intérieurs. Un constat à nuancer par le fait que ce mode de transport est utilisé par une grande majorité des Français alors que l'avion, plus polluant, n'est l'apanage que d'une minorité aisée.
La France compte 38,3 millions de voitures particulières. "Quel que soit le critère retenu – nombre de trajets, kilomètres parcourus, durée –, la voiture représente les deux tiers des déplacements", constate Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des transports. Une part du gâteau "relativement stable" depuis les années 1990, malgré les politiques de promotion des mobilités douces, les moins polluantes, dans les grandes villes françaises. "L'usage baisse dans le centre des grandes villes, mais il augmente en nombre de km parcourus dans les zones les moins denses", observe le chercheur. Selon l'Insee, le pourcentage de trajets en voiture était en 2019 de 62,8%, contre 64,8% en 2008. Réduire l'empreinte carbone des transports en France passe donc nécessairement par un recul de l'usage de la voiture et le développement de modes de transports alternatifs. La stratégie nationale bas carbone, feuille de route officielle de la France contre le réchauffement climatique, mise sur une forte électrification du parc, mais aussi sur une baisse du trafic, d'environ 2%.
"Beaucoup de gens se disent 'pourquoi embêter les automobilistes ?' Mais parce qu'on ne pourra pas éternellement se déplacer en voiture à cause de toutes les nuisances qu'elle provoque et du gaspillage des ressources."
Frédéric Héran, économiste des transports à l'université de Lilleà franceinfo
L'électrification des véhicules, qui progresse ces dernières années, permettra de répondre à une partie du problème. "Ce ne sera pas suffisant, analyse Aurélien Bigo. Aujourd'hui, la voiture électrique représente à peine 1% du parc de véhicules, son effet sur les émissions de CO2 est très faible". Cette électrification est d'autant plus insuffisante que produire une batterie électrique pollue et qu'une partie des effets bénéfiques est en partie effacé par l'attrait pour les véhicules de plus en plus lourds comme les SUV.
Le chiffre : 60% des déplacements en voiture font moins de 10 km
La voiture est majoritairement utilisée pour parcourir de courtes distances. Selon les dernières données de l'Insee et du Service des données et études statistiques (SDES), 60,9% des trajets en voiture font moins de 10 km. Un chiffre qui tient compte des déplacements inférieurs à 80 km (mobilité locale) et des déplacements supérieurs à cette limite, semaine et week-end confondus, synonymes de voyages ou de loisirs. "La voiture, c'est le couteau-suisse de la mobilité. On peut tout faire avec, mais la plupart du temps, elle est sous-utilisée. Quand on est seul dans une voiture de 1,3 tonne, cela n'a pas de sens", estime Frédéric Héran.
La question à se poser : comment connaître l'empreinte carbone de mon trajet ?
Identifier le mode de transport le moins polluant pour un trajet n'est pas toujours simple. Heureusement, l'Agence pour la transition écologique a mis en ligne un comparateur qui permet de le faire en quelques clics. Il permet de se rendre compte que l'avion et la voiture sont nettement plus polluants que le train ou les cars.
Par exemple, pour un trajet de 10 km, si vous optez pour un vélo électrique, vous émettrez 20 grammes de CO2, contre 200 grammes pour une voiture électrique, 1,03 kg pour le bus thermique et 1,93 kg pour la voiture classique.
Qu'en disent les candidats à la présidentielle ?
L'empreinte carbone des transports n'est pas au cœur des débats de la présidentielle mais chaque candidat formule tout de même des propositions.
L'avion. Peu de candidats prévoient des mesures pour baisser l'empreinte carbone de ce moyen de transport, moins utilisé mais très polluant. Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot reprennent la proposition de la Convention citoyenne pour le climat de fermer les liaisons aériennes intérieures lorsque le trajet est faisable en moins de 4 heures de train. Le candidat écologiste propose aussi de taxer les vols internationaux.
Le train. Beaucoup de candidats, comme Fabien Roussel, Anne Hidalgo, Yannick Jadot et Nicolas Dupont-Aignan défendent le maintien ou le développement des petites lignes ferroviaires. Marine Le Pen propose, elle, de rendre le train gratuit aux heures creuses pour les 18-25 ans, tandis que Jean-Luc Mélenchon envisage de renationaliser la SNCF pour créer "un pôle public des transports et de la mobilité". Les grands projets ferroviaires type TGV opposent Yannick Jadot, qui souhaite les stopper au profit des trains du quotidien, à Valérie Pécresse, qui veut simplifier la loi pour empêcher l'annulation de ces chantiers.
La voiture. Sur ce sujet, la plupart des candidats espèrent encourager le recours à l'électrique, via une super prime à la conversion (Fabien Roussel), un bonus financier (Nicolas Dupont-Aignan), un système de location (Anne Hidalgo) ou l'avancement à 2030 de la date de l'arrêt de la vente des véhicules thermiques neufs, prévue en 2040 (Yannick Jadot). Mais rares sont ceux qui souhaitent aller plus loin : Jean-Luc Mélenchon veut diminuer le recours à la voiture individuelle en favorisant les transports en commun, Yannick Jadot entend interdire la publicité sur les SUV, particulièrement polluants. A l'inverse, Eric Zemmour défend la voiture à travers plusieurs mesures comme la suppression du permis à points ou la restauration de la limitation à 90 km/h sur les routes nationales et départementales.
Le vélo. La petite reine est peu présente dans les programmes. Jean-Luc Mélenchon propose des mesures pour développer son usage (infrastructures, stationnement, apprentissage à l'école primaire, espaces dans les trains) tandis que Yannick Jadot veut "prêter" une bicyclette à chaque jeune de 16 à 25 ans, augmenter le forfait mobilité durable à 1 000 euros et le "fonds vélo" à hauteur de 500 millions d'euros par an.
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