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Législatives 2022 : Elisabeth Borne, "fragilisée" par les résultats, peut-elle rester à Matignon ?

La Première ministre, cheffe de la majorité, sort affaiblie des législatives marquées par la déroute du parti présidentiel. Les oppositions réclament sa tête et, au sein de la majorité, son maintien pose aussi question. 

Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le président de la République et la Première ministre lors du 82e anniversaire de l'appel du 18 juin 1940, le 18 juin 2022, à Suresnes (Hauts-de-Seine).  (GONZALO FUENTES / AFP)

Quel sera le sort réservé à Elisabeth Borne ? La question agite la macronie au lendemain d'une déroute historique subie par le camp présidentiel à l'issue du second tour des législatives, dimanche 19 juin. Il est d'usage qu'à l'issue de ce scrutin, le Premier ministre remette la démission de son gouvernement, sans que cette tradition ne soit inscrite dans la Constitution. Les deux têtes de l'exécutif ont échangé notamment à ce sujet, lundi 13 juin, au cours d'un déjeuner. 

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Même si Elisabeth Borne présente sa démission, il n'est pas certain qu'elle soit reconduite à Matignon. La pression est forte sur les épaules de la Première ministre qui, en tant que cheffe de la majorité, doit assumer les résultats calamiteux de son camp. "Nous travaillerons dès demain à construire une majorité d'action" car "il n'y a pas d'alternative", a assuré Elisabeth Borne, dimanche soir, le visage grave depuis Matignon. Son entourage défend d'ailleurs la détermination de la Première ministre à gouverner le pays. 

"Elle a un mandat du président pour travailler à une majorité d'action. Il faut rassembler autour du projet du président pour ne pas bloquer le pays."

L'entourage d'Elisabeth Borne

à franceinfo

Dès 20 heures dimanche soir, l'opposition a pourtant réclamé sa tête. Invité de BFMTV, le député européen et membre de La France insoumise Manuel Bompard a estimé qu'Elisabeth Borne "devrait partir", estimant qu'elle "n'a pas réussi à convaincre une majorité de députés à l'Assemblée nationale. Elle n'a donc pas la légitimité politique pour gouverner." Même son de cloche du côté de Louis Aliot, le vice-président du RN. "Elle est trop affaiblie pour pouvoir rester", a-t-il jugé sur France Inter. 

Soutien poussif et leadership en question

Du côté de la majorité, officiellement, "le sujet n'est pas là", dixit le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, sur franceinfo lundi matin. Idem pour la porte-parole du gouvernement, Olivia Grégoire, qui a affirmé sur France Inter : "Au moment où je parle, la question ne s'est pas posée. On verra dans les prochaines heures." D'autres sont cependant plus affirmatifs, tout en laissant la porte ouverte. "Elle est légitime à rester, et elle est capable de trouver des majorités sur des textes, il faut la voir à l'épreuve du Parlement", plaide François Patriat, le chef de file des sénateurs LREM.

"La décision appartient au seul président de la République, c'est son choix et je le soutiendrai."

François Patriat, chef de file des sénateurs LREM

à franceinfo

De manière plus générale, la macronie ne se bouscule pas au portillon pour soutenir la locataire de Matignon. "De toute façon, il y a un gouvernement à refaire. Le reste ne dépend pas de moi", évacue encore un député influent de la majorité.

Il faut dire que les débuts d'Elisabeth Borne à la tête du gouvernement sont poussifs. L'implication de l'ex-patronne de la RATP dans la campagne a déçu. "Il nous manque un référent et Borne n'a pas cette ambition", soufflait avant le premier tour un député sortant. Dans l'entre-deux-tours, face au piètre score de la majorité, Elisabeth Borne anime une visioconférence avec les candidats en lice pour le second tour. Une prestation qui avait laissé sceptiques certains d'entre eux. "C'était une cata, elle a lu son texte sans lever la tête, il n'y avait aucune spontanéité, on aurait dit une préfète." En coulisses, les macronistes répètent à l'envi cette petite phrase : de toute façon, le chef de la majorité, c'est Emmanuel Macron. 

"Ce n'est pas son caractère"

Il n'empêche : le manque de leadership d'Elisabeth Borne doublé du résultat de dimanche soir rend l'avenir de la Première ministre bien incertain, selon le chercheur au CNRS Bruno Cautrès. 

"Elle sort globalement fragilisée, elle n'a pas mené réellement la campagne et elle est élue avec un petit score."

Bruno Cautrès, politologue

à franceinfo

Pour cette première confrontation avec les urnes, la cheffe du gouvernement a été élue avec 52,46% dans la 6e circonscription du Calvados face au jeune et inconnu militant de la Nupes Noé Gauchard. Un score assez faible qui n'a échappé à personne en interne. "J'entends que ce n'est pas un score élevé, mais elle était un symbole à faire tomber par LFI, comme d'autres ministres. Elle est élue députée", défend l'entourage d'Elisabeth Borne. 

Pas suffisant pour justifier son maintien en poste, selon un cadre de la majorité qui plaide pour "un changement de gouvernement" après "ce vote sanction dont il faut tenir compte." "Il faut avoir un gouvernement politique, c'est un sport extrême de trouver une majorité", justifie-t-il encore. Un véritable défi car la macronie manque de figures politiques et de nombreux ténors – Richard Ferrand et Christophe Castaner en tête – ont été battus dimanche soir.

Et qui pourrait remplacer Elisabeth Borne, en fonction depuis tout juste cinq semaines ? Aucun nom ne s'impose d'entrée de jeu. Le chef de l'Etat avait mis plus de trois semaines à nommer son ancienne ministre du Travail à Matignon. Tout cela fait dire à un conseiller ministériel qu'il ne voit "pas le président débrancher trop vite Elisabeth Borne, ce n'est pas son caractère". Mais nuance-t-il aussitôt, "c'est sûr qu'il va falloir qu'elle fasse preuve de sens politique pour manœuvrer dans cette Assemblée."

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