Législatives 2024 : pourquoi la bataille judiciaire autour de la présidence des Républicains n'est pas terminée

Le bureau politique de LR avait voté l'exclusion d'Eric Ciotti, qui contestait la légalité du procédé. Le tribunal a suspendu la sanction, sans se prononcer sur le fond de l'affaire.
Article rédigé par Clara Lainé
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Eric Ciotti s'adresse aux journalistes au lendemain de son éviction de la présidence du parti Les Républicains, à Paris, le 13 juin 2024. (QUENTIN DE GROEVE / AFP)

"La justice a parlé, je suis président des Républicains", s'est félicité Eric Ciotti, vendredi 14 juin, dans la soirée. Le patron de LR s'est-il réjoui trop tôt ? Alors que le bureau national du parti a voté à deux reprises l'exclusion de son dirigeant, après son accord électoral avec le Rassemblement national en vue des législatives, le tribunal judiciaire de Paris a décidé de suspendre la sanction.

Mais la bataille judiciaire ne fait en réalité que commencerLe tribunal a en effet statué en référé, c'est-à-dire dans le cadre d'une procédure d'urgence. Cette invalidation est donc temporaire. Le tribunal a bien précisé dans ses motivations, consultées par franceinfo, que cette suspension n'est valable que "jusqu'au prononcé d'une décision au fond définitive". Une juridiction doit être saisie "dans les huit jours" par "la partie la plus diligente", faute de quoi "la mesure de suspension" des deux votes du bureau national des Républicains "sera caduque".

Cela signifie qu'Eric Ciotti va de nouveau devoir contester la validité juridique de son éviction de la direction des Républicains devant la justice. Sur X, le compte LR a déjà annoncé saisir "le juge de fond dans les plus brefs délais". Cette fois, l'enjeu ne sera plus le gel potentiel de la procédure, mais l'arbitrage de l'ensemble des différends entre les partis. Cette échéance va se heurter à une autre, purement politique : le député des Alpes-Maritimes reprend la tête du parti à deux jours de l'expiration du délai pour investir des candidats aux législatives anticipées, dimanche 16 juin, à 18 heures en préfecture.

La procédure en référé vise à prévenir un dommage ou faire cesser un trouble illicite, selon le site Vie-publique.fr. En l'occurrence, il s'agit d'"éviter la perte irrévocable par Eric Ciotti de la possibilité de poser sa candidature à un scrutin national en tant qu'adhérent du parti dont il revendique la présidence", selon le jugement consulté par franceinfo. La magistrate souligne aussi que les juges en référé n'ont pas "vocation à s'immiscer dans les modalités de gouvernance des Républicains", mais à appliquer une mesure "au regard de l'urgence et du conflit sérieux" qui opposent le député des Alpes-Maritimes et le bureau politique du parti de droite.

Pas de nouveau bureau politique

En statuant sur l'exclusion d'Eric Ciotti, les magistrats ont aussi suspendu les effets de cette décision. Ainsi, l'élu niçois pourra utiliser les logos et la marque LR pendant la campagne des législatives en sa qualité de chef de parti, contrairement à ses dissidents. Les juges ont en outre refusé la convocation d'un nouveau bureau politique, au grand dam d'Annie Genevard et de François-Xavier Bellamy, qui ont ferraillé contre leur président. Il leur faudra eux aussi patienter pour défendre de nouveau leur version des faits devant un tribunal.

Vendredi, l'un des deux avocats de LR, Benoît Verger, a estimé qu'en annonçant une alliance électorale avec le Rassemblement national, Eric Ciotti avait pris une décision "solitaire" et qu'il "n'avait pas le pouvoir statutaire" de former cette alliance. Le député des Alpes-Maritimes "a violé les statuts" de son propre parti en changeant son "orientation politique", a-t-il insisté. "Le bureau politique s'est réuni au mépris des textes", a fait valoir l'autre avocat de LR, Philippe Prigent, qui a fustigé un "putsch".

Une décision finale d'ici un à deux ans

L'avocat d'Eric Ciotti, Philippe Torre, a assuré que la décision qui "tranchera l'ensemble des différends entre les partis" interviendra "dans un an, dans deux ans". "Nous nous reverrons dans un an pour la décision au fond, et puis un an plus tard pour l'appel. Parce qu'ils vont multiplier les procédures pour s'agiter. Mais je suis tout à fait confiant", a-t-il déclaré vendredi sur franceinfo, considérant la décision des juges en référé "particulièrement solide".

La campagne des Républicains se retrouve donc conditionnée par une temporalité judiciaire bien loin de la frénésie politique. Et alors que ses dirigeants se déchirent, le camp Ciotti comme celui de ses opposants travaillent aux investitures de leurs candidats aux législatives des 30 juin et 7 juillet. Le président du RN, Jordan Bardella, a annoncé vendredi sur BFMTV qu'"il y aura un candidat commun" RN-Républicains "dans 70 circonscriptions" lors du premier tour le 30 juin.

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