Semaine de quatre jours : où en est la France ?
Organiser le travail sur quatre jours par semaine, contre cinq aujourd'hui, est-ce vraiment réalisable ? L'hypothèse, en tout cas, ne fait pas consensus : d’un côté, Gabriel Attal, l’ancien Premier ministre, a annoncé une expérimentation dans la Fonction publique, de l’autre côté, l’ex-ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, se prononce pour la fin des 35 heures et le retour aux 39 heures.
En France, un rapport d'information parlementaire sur la semaine de quatre jours, publié mercredi 16 octobre, indique que cette organisation "n'est ni un remède universel aux maux qui affectent le monde du travail, ni une fausse bonne idée sans avenir", recommandant de laisser la main libre aux entreprises.
Le moins qu’on puisse dire est que le débat sur le temps de travail en France n’est pas sur le point d’être tranché. En Allemagne, les résultats d'un test réalisé dans 45 entreprises pendant six mois ont révélé une amélioration du bien-être des salariés et une hausse de la productivité. En France, un test similaire sera proposé début décembre.
Un peu d'histoire
En 1950, un salarié travaillait en moyenne 2 230 heures par an en France. Ce chiffre a diminué pour se stabiliser autour de 1 560 heures depuis 2007, soit une réduction de près de 30% par rapport à 1950, selon les statistiques de l'Insee. C'est l'industriel américain Henry Ford qui a initié la semaine de cinq jours et 40 heures en 1926. L'économiste Pierre Larrouturou a été l'un des premiers à proposer la semaine de quatre jours en France. C'était en 1993. Elle a pu être mise en pratique grâce à la loi Robien sur l'aménagement du temps de travail en 1996 mais a été rendue caduque par la loi Aubry sur les 35 heures.
Les Français majoritairement "pour"
C’est ce qui résulte d’une étude menée par l'Ifop pour Politis en mars 2024 . 70% des Français se déclarent favorables à l’instauration de la semaine de quatre jours dans les secteurs public et privé, à raison de 32 heures payées 35 heures. Les plus enthousiastes sont les femmes (81%, contre 73% des hommes actifs), ce qui a sans doute un lien, avance l’Ifop, avec la "double voire triple journée" qu’elles effectuent et les inégalités dans la répartition des charges domestiques et de la charge mentale. Toutes les catégories socio-professionnelles (CSP) sont pour, même si les artisans et les commerçants sont sous-représentés (60%). Les salariés du privé sont encore plus nombreux à y être favorables (80%) que ceux du public (74%). Seuls les plus de 65 ans y sont majoritairement réfractaires (49% de pour).
Déjà pratiquée en France
La société lyonnaise de vente en ligne de matériel informatique LDCL fait figure de pionnière en France sur la semaine de quatre jours. Elle l’a adoptée dès 2021, avec une réduction du temps de travail de 35 à 32 heures par semaine pour un salaire identique.
Début 2022, seulement 5% des entreprises françaises avaient adopté la semaine de quatre jours, selon l'étude d'un cabinet de ressources humaines, ADP. Mais début 2023, environ 10 000 salariés l'expérimentaient, selon le ministère du Travail. Une évolution à la hausse, selon la même source, qui comptabilise, entre 2017 et le 1er mai 2024, 147 accords d'entreprise prévoyant "une répartition de la durée du travail hebdomadaire sur moins de cinq jours".
Car même les dirigeants soutiennent en majorité cette nouvelle modalité d’organisation du temps de travail qui constitue, selon eux, une carte d'attractivité à jouer dans leurs recrutements. Les différentes expériences menées à l’étranger notamment, ont conclu à plusieurs avantages : hausse de la productivité, baisse du stress et de la fatigue des salariés, moins d'absentéisme et de démissions, une meilleure organisation et une incidence environnementale. Principal bémol : plus de charge mentale pour les managers chargés d’optimiser l’organisation.
La version la plus testée en France est la semaine en quatre jours, qui équivaut à une journée de 8h45 pour les salariés en 35 heures, selon SIA Partners. Elle représente plus de 80% des expérimentations. Et c’est le modèle choisi par Gabriel Attal.
Testée dans la Fonction publique
Dès fin janvier 2024, l'expérimentation de la semaine en quatre jours dans le secteur public a été annoncé par l’ancien Premier ministre, Gabriel Attal. Le lancement était prévu pour mai-juin pour une expérimentation d'au moins un an. Pas de réduction du temps de travail, a précisé la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), la durée légale reste de 1 607 heures par an et les effectifs constants. Un premier bilan est prévu à l'été 2025.
Sans réduction du temps de travail, il ne s’agit pas d’une semaine de quatre jours mais d’une semaine en quatre jours, a objecté la CGT qui prône la semaine de quatre jours en 32 heures payées 35. "Ce n'est pas une avancée sociale mais un recul", selon le syndicat.
"Ni panacée, ni supercherie", selon un rapport
Un rapport d'information parlementaire rendu public mercredi 16 octobre, qui a reçu un vote favorable en commission des affaires sociales de l'Assemblée, reconnaît que la semaine de quatre jours "peut contribuer, dans certains cas et sous certaines conditions, à l'amélioration des situations professionnelles et personnelles des travailleurs d'une part, des performances économiques des entreprises d'autre part". Elle peut s’organiser en semaine "de" quatre jours (temps de travail réduit, salaire constant) ou en semaine "en" quatre jours (même temps de travail, horaires élargis).
Mais "l'intervention du législateur ne paraît pas nécessaire", estiment les auteurs du rapport, qui se définissent comme "résolument hostiles" à toute contrainte en vue de généraliser "son déploiement”, conformément au souhait de la ministre du Travail. Le 2 octobre sur franceinfo, Astrid Panosyan-Bouvet a estimé que ce mode d'organisation du travail "doit se décider au niveau des entreprises et par branche".
Un avis partagé par Philippe du Payrat, co-fondateur de 4jours.work (représentant le 4 Day Week Global en France) qui s'est donné pour mission de démocratiser la semaine de quatre jours en France. "C’est un choc de confiance" entre employeur et salariés, explique-t-il. Pour être performant, "cela doit se faire sur la base du volontariat".
Bientôt un test proposé aux entreprises françaises
À l'instar de l'Allemagne, un test national va être proposé en décembre aux entreprises françaises qui souhaitent tenter l'aventure. L'idée, selon Philippe du Payrat, est de " démystifier trois croyances : 1- c’est le volume horaire qui fait mon résultat. Si c’était le cas, le Mexique aurait le meilleur PIB par habitant. 2 - l’égalité hommes-femmes. Il y a des centaines de milliers de femmes qui sont aux 80%, qui font 100% de leur job payées à 80%. Et elles auront une retraite à 80%. 3- la semaine de quatre jours, on y était en mai. Est-ce qu’on a fait 20% de chiffre d’affaires en moins, est-ce qu’on est parti en récession ? Non. Il faut amener de l’objectivité sur la semaine de quatre jours".
Les PME sont particulièrement ciblées et peuvent candidater jusqu'à fin novembre auprès du 4 Day Week Global en France. L'idée est de concevoir à la fin des six mois un modèle adapté à chacune car la semaine de quatre jours, "c'est de la dentelle", pas un modèle duplicable, explique Philippe du Payrat. "On a développé un diagnostic qui est gratuit et dure cinq minutes pour déterminer un score de faisabilité autour de la culture d’entreprise, l’organisation du travail et la qualité de vie au travail", ajoute le confondateur de 4jours.work, un test disponible sur le site de l'association.
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