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Violences policières : cinq questions sur la technique d'interpellation de l'"étranglement", dont l'abandon fait gronder les syndicats

Christophe Castaner a annoncé, lundi, que la "prise par le cou, dite de 'l'étranglement'" serait bannie des techniques d'interpellation. Une décision qui provoque la colère des policiers.

Article rédigé par franceinfo
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Le secretaire général d'Alliance Police nationale, Fabien Vanhemelryck (au centre), lors de la manifestation des forces de l'ordre entre l'Arc de Triomphe et la place Beauveau, à Paris, le 12 juin 2020. (SEBASTIEN MUYLAERT / MAXPPP)

Ils s'estiment "lâchés". Ces derniers jours, à Lille, Nice ou encore Toulon, des policiers ont déposé leurs menottes afin d'exprimer leur désaccord avec les déclarations de Christophe Castaner, lundi 8 juin, pour lutter contre les violences policières et le racisme au sein de l'institution.

L'une des raisons de leur colère ? L'abandon de la méthode d'interpellation dite de "l'étranglement", annoncée par le ministre de l'Intérieur, au motif qu'elle "comportait des dangers". Cette décision ulcère les syndicats de police, inquiets de se voir privés d'une technique jugée indispensable lorsqu'une personne refuse d'être interpellée. Franceinfo répond à cinq questions sur cette méthode controversée.

1Qu'est-ce que cette technique d'interpellation ?

La "clé d'étranglement" était jusqu'à présent l'un des outils dont disposent policiers et gendarmes pour immobiliser un individu lors de son interpellation. Elle est parfois aussi appelée "prise par le cou", ou méthode du "contrôle tête". Cette technique consiste à serrer le cou d'une personne afin de la neutraliser. "L'agent se place derrière la personne alors qu'elle est debout puis encercle son cou afin de l'amener au sol", et de la menotter, détaille Laurent-Franck Liénard, avocat spécialiste dans la défense des forces de l'ordre, sur BFMTV. Dans les écoles de police, elle faisait partie des techniques enseignées lors d'une formation de 12 mois.

Cette méthode permettait en un court instant de mettre à terre un individu pour l'interpeller.

Olivier Hourcau, du syndicat Alliance

à franceinfo

Mais son usage était loin d'être systématique, selon Yves Lefebvre, secrétaire général d'Unité SGP Police FO. "Il faut quand même savoir qu’on utilis[ait] la technique d’étranglement uniquement lorsqu’on a[vait] en face de nous un individu qui refus[ait] d’être interpellé", a-t-il affirmé, lundi, sur franceinfo.

Par ailleurs, la clé d'étranglement doit être différenciée du plaquage ventral, ou décubitus ventral, qui consiste à allonger un individu au sol, sur le ventre, la tête sur le côté, pour un laps de temps limité. Cette technique est régulièrement mise en cause par les ONG. Elle entrave "fortement les mouvements respiratoires et peut provoquer une asphyxie positionnelle", avance l’Association des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT) dans un rapport publié de 2016 (PDF). 

2Pourquoi la clé d'étranglement est-elle controversée ?

Cette technique a récemment été mise en cause dans la mort de Cédric Chouviat, en janvier dernier, à la suite de son interpellation. Ce livreur de 42 ans avait subi une clé d’étranglement et un plaquage ventral de la part d’un des fonctionnaires qui le contrôlait, alors qu’il circulait à scooter. La famille de Cédric Chouviat avait alors demandé l’interdiction de ces pratiques d’interpellation."Il fait de moins en moins de doute que la fracture du larynx de Cédric Chouviat est liée à une clé d'étranglement et son décès à une asphyxie liée à son plaquage ventral", avançait l’avocat de la famille, Arié Alimi, auprès du Parisien, en janvier.

Dans son rapport, l'ACAT estime, elle, que la clé d'étranglement peut être particulièrement dangereuse lorsqu’elle est couplée à un plaquage ventral. "Les risques [d’asphyxie] sont a fortiori plus grands", pointe l’ONG.

En mars 2017, un formateur d'une école de police, interrogé par France 2, admettait que ce geste pouvait être dangereux, s'il était mal maîtrisé. "On évite de trop serrer. On parle à l’individu, de façon à se rendre compte qu’il continue à respirer parce que sinon, il part vite dans les vapes", mettait-il alors en garde ses élèves.

3Comment le gouvernement justifie-t-il son abandon ?

Le ministre de l'Intérieur l'a reconnu : la clé d'étranglement "comport[e] des dangers". Lors d'une conférence de presse, lundi, Christophe Castaner a donc déclaré que "la méthode de la prise par le cou, dite de l'étranglement sera[it] abandonnée et ne sera[it] plus enseignée dans les écoles de police et de gendarmerie".

Cette décision est l'une des conclusions de la mission d'information menée après la mort de Cédric Chouviat, a-t-il précisé. En outre, policiers et gendarmes suivront une formation annuelle sur les techniques d'interpellation, "sans quoi, ils ne pourront plus intervenir sur la voie publique".

Reste à savoir par quoi remplacer la clé d'étranglement. Le ministère de l’Intérieur envisagerait une généralisation de l’utilisation du pistolet à impulsion électrique, ou Taser. "C'est une alternative à d'autres types d'armes ou au contact physique", a souligné le numéro 2 de la place Beauvau, Laurent Nuñez, au micro d'Europe 1, mercredi. 

4Comment les syndicats de police ont-ils réagi ?

"Le contrôle de la tête est un moyen de défense, un moyen de neutraliser un individu rapidement sans lui faire mal, sans le choquer, sans le frapper", a défendu, jeudi, Thierry Launois, délégué national à la formation pour le syndicat Unsa-police, au micro de RTL.

Les syndicats de police se considèrent privés d'un outil indispensable lors de certaines interpellations. "Dès lors qu'elle est faite dans un court instant, c'est la seule technique qui permette aux agents de maîtriser un individu dont le poids est supérieur", a assuré Frédéric Lagache, délégué national du syndicat des gardiens de la paix Alliance, à l’AFP. Sinon, on en sera réduit au combat de rue ou à l'utilisation du Taser." Yves Lefebvre va dans le même sens.

Supprimer la technique d’étranglement ? Pourquoi pas. Mais on la remplace par quoi ?

Yves Lefebvre, Unité SGP Police FO

à franceinfo

Dans un courrier adressé au ministère de l'Intérieur, Alliance a exigé le maintien de la méthode du "contrôle tête" lors des interpellations. Le syndicat déplore "l'absence de moyen fiable et efficace permettant de remplacer cette technique dans l’immédiat", dans une publication Facebook.

Quant à l'hypothétique généralisation de l'emploi du pistolet à induction électrique, elle est loin de faire l'unanimité."Il ne peut être utilisé que dans certaines conditions : à moins de deux mètres, c'est inefficace, a lancé Olivier Ourcaud, sur franceinfo, jeudi.La clé d'étranglement est une technique qui permet de mettre le policier en sécurité, mais également le mis en cause."De plus, outre les risques que présenterait le Taser, tous les policiers ne sont pas formés, et peu en sont déjà équipés.

5Le ministre de l’Intérieur va-t-il revenir sur sa décision ?

Depuis jeudi, Christophe Castaner tente de désamorcer la colère des policiers et multiplie les rencontres avec les représentants de la profession. Pour apaiser les tensions, le "premier flic de France" pourrait en partie revenir sur la fin de la clé d’étranglement, selon nos confrères de BFMTV. La clé d’étranglement dite respiratoire, une technique d'interpellation pendant laquelle le policier appuie son bras sur la trachée de l'interpellé, pourrait être maintenue. En revanche, la clé d’étranglement sanguin qui consiste pour le policier à appuyer son avant-bras sur l'artère carotide de la personne serait interdite. Contacté par Le Monde, vendredi matin, le ministère de l’Intérieur a cependant démenti tout revirement. "La clé d'étranglement, c'est terminé", assure une source de la Place Beauvau.

Les syndicats se tournent désormais vers l'Elysée. Réunis sur l'avenue des Champs-Elysées, vendredi matin, ils ont demandé à être reçus par le président de la République pour exprimer leur mécontentement après les annonces du ministère de l'Intérieur, et dénoncer "le climat ambiant" de "stigmatisation du policier""J'espère que le président Macron nous entendra car cela dépasse largement le cadre du ministère de l'Intérieur", a tonné Philippe Capon, secrétaire général de l'Unsa, auprès de l'AFP. De son côté, Christophe Castaner devait échanger avec les syndicats des officiers et des commissaires, vendredi après-midi.

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