Doha-sur-Seine : le Qatar en quête d'influence
Le Qatar est un confetti de sable au milieu du Golfe persique, un micro-État à peine plus grand que la Corse. Mais son influence rayonne dans le monde entier, en particulier en France et à Paris, dans les domaines du sport, de l’immobilier, du luxe, de l’énergie et de la diplomatie.
Dans l’imaginaire collectif des Français, l’influence du Qatar est très souvent limitée au sport et en particulier au football. Ce n’est évidemment pas l’approche de la Coupe du monde 2022 à Doha, la première de l’histoire du monde arabe, qui va modifier ce prisme. Mais le Paris Saint-Germain est très loin d’être la seule projection de puissance du Qatar dans l’Hexagone. Dans le domaine du luxe, par exemple, l’entrisme des princes du Qatar est impressionnant. L’émir Tamim ben Hamad Al-Thani, 42 ans, est un jeune homme pressé qui veut donner à son pays une image moderne et dynamique. L’achat du Printemps, l’iconique grand magasin du boulevard Haussmann est le symbole du goût de sa famille pour le luxe français. Pas étonnant donc, connaissant ce penchant pour tout ce qui brille, que la famille régnante du petit émirat ait également décidé d’investir dans l’immobilier, à Paris et sur la Côte d’Azur.
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Du sport à la diplomatie, en passant par les investissements dans le luxe et l'immobilier, comment le Qatar s'est durablement implanté en France en tissant méthodiquement ses réseaux d'influence : un podcast en cinq épisodes.
Et là encore, les Qatariens aiment le clinquant et les adresses prestigieuses : l’hôtel Peninsula à Paris, à proximité de la place de l’Etoile, le Carlton ou le Martinez sur la Croisette à Cannes sont désormais propriété des Al-Thani. Malgré tout, l’énergie reste le cœur de métier des rois du gaz, et il est sans doute moins surprenant d’apprendre que le Qatar détient 5% du groupe TotalEnergies. Un levier d’influence supplémentaire dans les mains de l’émirat qui est parvenu à se faire une place en France grâce à sa politique du carnet de chèque, mais également son sens aigu de la diplomatie.
1Le sport : un investissement raisonné
Le Paris Saint-Germain est le joyau des investissements sportifs du Qatar en France. Pour la petite histoire, l'émir de l'époque, le cheikh Hamad ben Khalifa Al-Thani, voulait au départ racheter l'Olympique de Marseille (OM), avant de se raviser et de jeter son dévolu sur le club de la capitale, notamment sur les conseils de Nicolas Sarkozy, ardent supporter du PSG et qui avait milité en faveur de l'attribution de la Coupe du monde 2002 au Qatar en décembre 2010. L'émir se laisse finalement convaincre par le président français et rachète le club en juin 2011 pour environ 70 millions d’euros, une bouchée de pain pour le Qatar. L'objectif pour Doha est d'acquérir de la visibilité et de la légitimité dans le monde du football dans la perspective du Mondial 2022. Au même moment, il rachète le KAS Eupen, un club de deuxième division belge.
Surprenant puisque l'émirat n'a aucune tradition sportive, encore moins footballistique. Le PSG est là pour faire briller le Qatar dans la ville lumière. Le patron du club, Nasser al-Khelaïfi, un ancien joueur de tennis, très proche de l’émir, a carte blanche et surtout un budget quasiment illimité pour recruter des stars, comme Zlatan Ibrahimovic, Neymar, Lionel Messi ou Kylian MBappé.
Si le PSG est présidé par Nasser al-Khelaïfi, le vrai patron, c'est Tamim ben Hamad Al-Thani, l'émir du Qatar. Un passionné de sport. Le prince adore le tennis ou le foot. Fan de compétition équestre, il sponsorise le Prix de l'Arc de Triomphe, devenu Qatar Prix Arc de Triomphe en 2008. L’émir Tamim a également instauré une journée nationale du sport dans son pays pour inciter ses sujets, notamment les jeunes, à pratiquer une activité physique.
L’émir assiste régulièrement à des matchs de son club en tribune présidentielle au Parc des Princes, devenu le lieu où se croisent les peoples et les puissants. C'est lui qui avait organisé les Jeux olympique asiatiques à Doha en 2006, une compétition qui symbolise le démarrage des investissements du Qatar dans le sport. Pour l'occasion, l'académie Aspire, l'un des plus grands complexes sportifs au monde et Aspetar ("hôpital" en arabe), une "super-clinique" consacrée aux sportifs, étaient sortis des sables du désert à la périphérie de Doha
Le Français Ghani Yalouz, ancien médaillé olympique de lutte, s’est rendu plusieurs fois au cours de sa carrière à Doha dans le cadre de ses anciennes fonctions de Directeur technique national de la fédération française d’athlétisme ou de président de l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep). "Ce sont des installations exceptionnelles, a-t-il pu constater sur place, on aimerait avoir une telle qualité d’installation et Aspetar est une référence dans le monde. Et puis, il y a les compétences humaines recrutées. J’ai été bluffé par le staff. Tout ce que j’ai vu là-bas ma aussi inspiré à l’Insep." Pour autant, relativise Yalouz Ghani, "l’argent n’est pas tout, cela ne suffit pas".
L'organisation de la Coupe du monde de football est le symbole du pouvoir d'influence du Qatar, le softpower. Le ballon rond et le sport en général sont un vecteur de puissance de l’émirat hors de ses frontières. Pour réussir l'événement sportif le plus médiatique au monde avec les Jeux Olympiques, le Qatar a donc dépensé sans compter. Il aura déboursé environ 200 milliards de dollars et importé un million de travailleurs asiatiques pour construire les huit stades où se joueront les matchs de "son" Mondial ainsi que les infrastructures de Doha, la capitale, comme l'aéroport, le métro, les routes, les ponts, les réseaux d'eau et d'électricité, etc. Les conditions de travail de cette main-d’œuvre bon marché, corvéable à merci, ont été largement dénoncées par les ONG internationales. Les autorités qatariennes ont répondu partiellement à ces critiques, en instaurant un salaire minimum mensuel de 250 dollars, le paiement non plus en liquide mais par virement bancaires, et en créant une instance pour recevoir les plaintes des travailleurs.
Comme une consécration du règne de l'émir Tamim, la finale de la Coupe du monde est prévue le 18 décembre, jour de la fête nationale. Mais l'ambition sportive du Qatar ne se limite pas au football : elle concerne pratiquement tous les sports. L'émirat accueille par exemple un Grand Prix de Formule 1 et de moto sur le circuit de Lusail, ou un tournoi de tennis (masculin et féminin).
Le Qatar a une boulimie de grands événements sportifs. On se souvient des mondiaux de handball, de natation ou d'athlétisme en salle et en plein air. On aurait pu penser qu'avec la Coupe du monde de football, l'émirat aurait été rassasié. Mais pas du tout ! Le Qatar va organiser la Coupe d'Asie 2023 de football, et vise maintenant l'organisation des Jeux Olympiques 2036, comme un nouveau défi à relever pour l'émir Tamim. Comme une répétition générale, l’émirat doit accueillir les Jeux asiatiques en 2030.
2Le secteur du luxe : une vitrine qui scintille
Les princes du Qatar aiment les vitrines qui brillent. Sur le boulevard Haussmann, Le Printemps, est l’un des temples de la consommation à Paris. Il fait partie du portefeuille du Qatar. Dans ses investissements en France, mais aussi en Europe, l’émirat cherche à s’associer à des marques de prestige ou des enseignes iconiques, à forte notoriété. D’où son acquisition du Printemps à Paris ou du magasin Harrods à Londres. Les princes qatariens aiment les adresses ronflantes et les vitrines qui scintillent. Dans la capitale française, ils ont racheté l’immeuble historique du traiteur Fauchon place de la Madeleine pour, à terme et après travaux, le transformer en hôtel.
Cheikha Moza, la mère de l'émir Tamim, a elle créé ses propres sociétés d'investissement dans l'industrie du luxe et de la mode. C'est elle qui est à l'origine du rachat du maroquinier Le Tanneur. C'est elle aussi qui s'est offert Balmain et Valentino, deux prestigieuses maisons de haute couture. Raffolant des grands créateurs, elle avait choisi le designer Philippe Starck pour concevoir une villa futuriste ressemblant à une soucoupe volante, posée en bord de mer dans le quartier diplomatique de Doha.
Le Qatar est l'un des pays les plus riches du monde avec le Luxembourg et le Liechtenstein. Son PIB par habitant dépasse les 90 000 dollars annuels. Les gazo et pétrodollars ruissellent sur les 300 000 nationaux qatariens. L’État providence est l’un des plus généreux au monde. Depuis l'envolée de leur pouvoir d'achat dans les années 2000, les Qatariens se sont habitués à acheter des voitures de luxe, mais aussi des vêtements de grande marques et évidement, le nec plus ultra de la technologie.
Au niveau national, la force de frappe financière du Qatar est considérable. Son fonds souverain, la Qatar Investment Authority (QIA), pèse plus de 450 milliards de dollars. Un chiffre à comparer avec le fonds souverain français qui lui est 10 fois plus petit, avec seulement 45 milliards d'euros d'actifs ! "Dans ses investissements à l’étranger, analyse Arnaud de Pierrefeu, avocat d’affaires, spécialiste des pays du Golfe, il y a évidemment une dimension de softpower. Il s’agit d’investir de l’argent chez des alliés et de se rendre incontournable quand on détient des fleurons en France, en Allemagne ou aux Etats-Unis, ou des actifs immobiliers très importants." En France, poursuit Arnaud de Pierrefeu, "il y a eu beaucoup d’investissements du Qatar à partir de 2008 au moment de la crise financière internationale. L’Hexagone a été une zone prioritaire d’investissements. Aujourd’hui, le Qatar cherche à diversifier son risque, on voit un mouvement vers les Etats-Unis et l’Asie. En France, on est plus dans une optique de gestion d’un portefeuille existant."
A Doha, les marques françaises de luxe ont la cote et tiennent le haut du pavé dans les centres commerciaux ou dans la marina de The Pearl, un quartier gagné sur la mer. Tous les grands noms y sont présents via des franchises, ou ont ouvert des magasins, comme Hermès, Dior ou Cartier. La gastronomie française est, elle aussi logiquement bien représentée avec Fauchon, Ladurée ou Le Nôtre.
A tel point que pour la Coupe du monde de football, le Qatar a choisi le groupe Potel et Chabot comme traiteur officiel de l'évènement. En un mois de compétition, il servira 120 000 repas dans les loges VIP des stades du Mondial.
3L'immobilier : des ambitions hôtelières
L’hôtel Peninsula, situé avenue Kléber, à Paris, à deux pas de la place de l’Etoile, est un nouveau palace passé sous pavillon de l’émirat. Le Qatar l’a acheté pour la modique somme de 404 millions d’euros. Avec le PSG, le Peninsula symbolise la frénésie d'acquisition de l’émirat à Paris. En 2009, cheikh Hamad, l'émir de l’époque, avait craqué pour cet immeuble historique appartenant au ministère français des Affaires étrangères, qui l'utilisait comme centre de conférences internationales. Le bâtiment avait notamment accueilli la cérémonie de signature des accords de Paris mettant fin à la guerre du Vietnam, en 1973. Pour cet achat "coup de cœur", cheikh Hamad n'avait pas hésité à sortir son carnet de chèque pour restaurer le bâtiment et le transformer en palace.
Dans son portefeuille, l'émir Hamad, qui possède un pied à terre de 800 mètre carré rue de Rivoli, a aussi racheté le Café de la Paix, place de l'Opéra, un autre lieu iconique de la capitale française. Les Qatariens aiment définitivement la belle pierre et l'immobilier ancien, notamment dans les beaux quartiers, par exemple autour de la place Victor-Hugo dans le 16e arrondissement. Ils sont friands d’achats de prestige, comme l'hôtel Lambert situé sur l'île Saint-Louis, en passe d'être revendu à Xavier Niel.
Il faut dire que la capitale française est pour eux une sorte de paradis fiscal. Depuis janvier 2008, les Qatariens sont en effet l’objet d’un traitement fiscal très avantageux. Ils sont exonérés d'imposition sur les plus-values immobilières. Cette disposition (très) favorable avait été adoptée pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, qui avait noué des relations de grande proximité avec la famille royale qatarienne, pour favoriser ses investissements dans l'Hexagone. Cette exception fiscale représente aussi un manque à gagner pour le Trésor français, évalué entre 150 et 200 millions d'euros par an. Emmanuel Macron était favorable à la suppression de cet avantage fiscal... mais il a finalement fait machine arrière.
La plupart des investissements du Qatar dans l’hôtellerie de luxe sont réalisés par Katara Hospitality, une filiale à 100% du fonds souverain de l’émirat. Cette structure a multiplié les achats d’hôtels à Paris, comme le Royal Monceau, le Concorde Lafayette, l'Hôtel du Louvre ou encore l'Intercontinental, à l'Opéra.
Mais ces acquisitions en France ne se limitent pas seulement à Paris, elles concernent aussi la Côte d'Azur, où la famille régnante des al-Thani possède des propriétés au-dessus de Cannes dans le village de Mouans-Sartoux. Ainsi, le Carlton et le Martinez à Cannes sont également passés sous pavillon qatarien.
Dans le domaine de l'hôtellerie, le Qatar vise un rayonnement international. Il faut savoir que l'émirat est le premier actionnaire du groupe Accor, avec 17% des droits de vote. Avec le Qatar, le groupe hôtelier français a créé un fonds d’investissements en Afrique, le fonds Kasada. Dans cette "diplomatie hôtelière", on retrouve une fois de plus le nom de Nicolas Sarkozy, nommé administrateur indépendant du groupe Accor. Kasada a levé plus de 500 millions de dollars de capital de départ. L'objectif de ce partenariat franco-qatarien est d'ouvrir une quarantaine d'hôtels en Afrique subsaharienne.
4L'énergie : des intérêts croisés autour du gaz
Entre TotalEnergies et le Qatar, c'est une longue histoire. Dans les moments difficiles, le pétrolier français a aidé financièrement l’émirat qui aujourd’hui détient 5% de son capital. Quand en 1995, cheikh Hamad renverse son père et s'installe au pouvoir à Doha, les caisses de l'émirat sont vides. Le nouvel émir se tourne alors vers Total qui débloque des fonds pour soutenir le nouveau régime d’Hamad et pour lancer la filière du gaz naturel liquéfié (GNL). Quelques années plus tard, le groupe français aidera une nouvelle fois l'émir quand les cours du pétrole seront au plus bas, d'où une relation singulière qui perdure jusqu'à aujourd'hui.
Le Qatar doit sa fortune à ses immenses ressources de gaz, situées dans les eaux du Golfe persique, qu'il partage avec l'Iran voisin. C'est un véritable jackpot, une machine à cash ! Ce champ gazier, baptisé North Field ou North Dome, a été découvert en 1971 et couvre une superficie de 6 000 km2. Résultat : l'émirat dispose des deuxièmes réserves mondiales de gaz, dont l'exploitation pourrait durer plus de 100 ans (200 et même 300 ans pour les plus optimistes). Grâce à cette manne providentielle, le Qatar a fait le pari du GNL. Avec sa flotte de méthaniers, l’une des plus importantes au monde, il exporte son gaz partout sur la planète, notamment en Chine, en Inde ou au Japon. Il est aujourd’hui devenu le premier exportateur mondial de GNL.
Et la guerre en Ukraine qui a provoqué une flambée des cours du pétrole et du gaz est synonyme de bénéfices colossaux pour l’émirat. Car pour trouver une alternative au gaz russe, les Européens sont désormais obligés de se tourner vers Doha pour s'approvisionner. "Si on veut se passer totalement du gaz russe d’ici cinq ans au plus tard, cela veut dire qu’il faut aller chercher beaucoup de gaz ailleurs, souligne Francis Perrin, spécialiste des questions énergétiques à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), on va aller voir les gros producteurs. Et donc, on passera forcément par la case Qatar." Très dépendant de Moscou, l'Allemagne a signé au printemps 2022 un partenariat stratégique sur le long terme avec l'émirat. De son côté, TotalEnergies a été choisi par Doha pour être le principal partenaire étranger pour développer de nouvelles ressources gazières offshore.
Mais TotalEnergies n’est pas le seul ami français du Qatar. Depuis une quinzaine d'année, l’émirat a multiplié les prises de participations dans les grands groupes français, comme Vinci ou Lagardère. Au total, ces investissements dans l’Hexagone pèsent environ 25 milliards d'euros, malgré tout loin derrière les 45 milliards investis en Grande-Bretagne, mais à égalité avec l'Allemagne. En retour, les grands groupes français ont largement participé aux chantiers liés à la Coupe du monde de football, notamment pour la construction du métro et du tramway de Doha. Car si le Qatar a énormément investi à l’étranger, il n’a pas négligé pour autant ses propres infrastructures, dans une volonté d’être un dragon du Golfe persique, sur le modèle de Singapour en Asie.
5La diplomatie : une relation ancienne avec la France
A Paris, rien n’est trop beau pour faire rayonner le Qatar qui a installé son ambassade place de l’Etoile, en haut des Champs-Élysées, dans un très bel hôtel particulier, l’hôtel de Carcano. Une adresse prestigieuse, miroir des ambitions diplomatiques de l’émirat et symbole évident de sa montée en puissance. Parce que pendant des décennies, sa représentation diplomatique était située dans un charmant, mais plus "modeste" hôtel particulier du 7e arrondissement, à deux pas du Quai d'Orsay. Beaucoup moins clinquant, il sert aujourd’hui de résidence à l’ambassadeur du Qatar en France.
Doha la diplomate a joué les médiateurs dans de nombreux dossiers, entre les chefs de parti libanais, entre le Hamas et l'Autorité palestinienne, ou encore dans le conflit du Darfour au Soudan. Plus récemment, les Qatariens ont réuni des représentants du pouvoir tchadien et des groupes rebelles qui ont signé un cessez-le-feu en août 2022. Cette même année, la capitale de l’émirat a aussi abrité des négociations indirectes entre Américains et Iraniens sur le dossier du nucléaire.
Avec la France, les relations bilatérales sont anciennes et denses. Dès son indépendance en 1971, le Qatar choisit Paris comme partenaire privilégié, notamment dans le domaine militaire. L'armée qatarienne est équipée pendant de longues années à 80% par de l'armement français. Les deux pays signent même un accord de défense en 1994. La relation entre Paris et Doha a connu une véritable lune de miel sous Nicolas Sarkozy. Sous son quinquennat (2007-2012), le Qatar est devenu un pivot pour la France dans le Golfe. Ainsi, c'est Doha qui a réglé la rançon pour la libération des infirmières bulgares détenues par la Libye du colonel Kadhafi, premier succès diplomatique de Nicolas Sarkozy.
Au moment des printemps arabe en 2011, la France et le Qatar ont avancé main dans la main pour faire tomber le régime libyen. Dans cette guerre expresse, Doha a fourni 20 000 tonnes d'armes aux rebelles, dont certains étaient des jihadistes. Les avions qatariens ont même participé aux bombardements. En Syrie, avec l'assentiment de Paris, Doha a soutenu les groupes armés, y compris les plus extrémistes, pour faire tomber Bachar Al-Assad. Au Caire, le Qatar a porté à bout de bras politique et financier le nouveau président islamiste Mohamed Morsi. A l'époque, Doha a des allures de capitale des révolutionnaires du monde arabe en plein bouleversement. "Les Qatariens ont l’impression que la seule organisation qui était capable de prendre le pouvoir après les dictatures, c’étaient les Frères musulmans, se souvient Bertrand Besancenot, ambassadeur de France à Doha de 1998 à 2002. L’émir de l’époque, cheikh Hamad était très sensible à l’argument : si vous soutenez les Frères musulmans qui arrivent au pouvoir vous serez le parrain du nouveau monde arabe !" Dans sa volonté de mettre le Qatar sur la carte, "c’était pour cheikh Hamad une perspective enthousiasmante", poursuit Bertrand Besancenot. Mais ce faisant, il provoque l’ire de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis, farouchement anti Frères musulmans. Riyad et Abou Dhabi feront d’ailleurs payer très cher cette posture en lui imposant un blocus de quatre ans, entre 2017 et 2021.
Sorti victorieux du bras de fer imposé par ses voisins, le Qatar se veut de nouveau ami avec tout le monde. Dans la crise afghane durant l’été 2021, le Qatar réussit ainsi la prouesse de jouer les médiateur entre les Talibans et les Américains. En mettant en place un pont aérien entre Kaboul et Doha, des avions de Qatar Airways ont rapatrié des ressortissants occidentaux et des Afghans fuyant leur pays. Emmanuel Macron a d'ailleurs remercié l'émir Tamim pour ce geste, mais entre les deux hommes, c'est une relation aigre douce qui s'est nouée. Et cela n'a rien à voir avec le football, même si le président français est un supporter de l'Olympique de Marseille tandis que le jeune émir vibre évidement pour "son" club, le PSG. Tamim reproche surtout à Emmanuel Macron d'avoir fait de son rival Mohamed ben Zayed, le président des Emirats arabes unis, son partenaire privilégié chez les émirs du Golfe. De son côté, le locataire de l'Elysée reproche à l'émir son soutien à la Turquie d'Erdogan et aux Frères musulmans. Un but partout, balle au centre !
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