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L'Assemblée nationale approuve le projet de loi de bioéthique en première lecture : on vous explique comment les députés ont fait évoluer le texte

Cette réforme a suscité des débats passionnés, allant jusqu'à diviser au sein même de la majorité LREM.

Article rédigé par franceinfo
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Jean-Louis Touraine, médecin, rapporteur du projet de loi de bioéthique et député LREM, le 15 janvier 2019 à l'Assemblée nationale (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Une première étape capitale franchie. Les députés ont approuvé par un vote solennel, mardi 15 octobre, le projet de loi de bioéthique et ses 32 articles, au terme d'un mois de travail, de l'étude de 4 600 amendements et de dizaines d'heures de débat dans l'hémicycle. Les députés ont adopté le texte à 359 voix pour, 114 contre et 72 abstentions. 

Si la plupart des dispositions voulues (et parfois promises) par Emmanuel Macron ont été adoptées, le projet de loi a bien évolué depuis le travail de la commission parlementaire chargée de sa construction. A quoi ressemble donc le projet de loi, alors qu'il quitte les bancs de l'Assemblée et se dirige vers le Sénat ? 

Ce qui a été approuvé

La quasi-totalité des mesures phares du projet de loi de bioéthique ont été adoptées sans difficulté. Elles ont néanmoins suscité des débats passionnés et ont parfois divisé jusqu'au sein même de la majorité LREM. Parmi ces mesures, la plus débattue : l'extension de l'assistance médicale à la procréation (dite AMP ou PMA) aux couples lesbiens et aux femmes non mariées. Une disposition qui a suscité de vifs débats, une partie des députés Les Républicains, comme Thibault Bazin ou Annie Genevard, s'y opposant au nom de "l'intérêt de l'enfant à avoir un père". Un argument rejeté par le gouvernement et la majorité, études scientifiques à l'appui.

Consécutivement à l'adoption de cet article 1er du texte de loi, l'Assemblée a également adopté les dispositions visant à créer un nouveau mode de filiation pour les couples de femmes. Pour ces couples lesbiens, la filiation est désormais établie "par la reconnaissance qu'elles ont faite conjointement devant le notaire".

Les dispositions relatives à l'accès aux origines des enfants nés d'un don ont également été adoptées. Désormais, lorsqu'un donneur souhaitera faire un don de gamètes, il devra obligatoirement accepter que son identité puisse être dévoilée à l'enfant qui sera issu de ce don, lorsque celui-ci aura 18 ans.

La loi entérine également la possibilité pour les femmes de faire conserver leurs ovocytes afin d'y avoir recours plus tard, à un âge où il est plus difficile pour elles de concevoir des enfants. Enfin, un certain nombre de sujets liés à la recherche scientifique ont été approuvés par l'Assemblée nationale. Parmi cette large fourchette de thèmes, on trouve la recherche sur les cellules-souches embryonnaires, facilitée par cette nouvelle loi, ou encore la modification transgénique des embryons à des fins de recherche.

Ce qui a été refusé

Dans le groupe LREM, un noyau dur emmené par l'un des rapporteurs du projet de loi, le médecin Jean-Louis Touraine, a tenté de pousser l'Assemblée à aller plus loin que le plan initial du gouvernement. Parmi les amendements proposés par ces députés de la majorité, épaulés par leurs collègues de La France insoumise : l'ouverture de la procréation médicalement assistée aux hommes transgenres, c'est-à-dire aux hommes étant nés femmes et ayant procédé à un changement d'état civil mais possédant toujours leur appareil reproductif féminin. Cet amendement a été rejeté par l'Assemblée, après un avis défavorable du gouvernement.

Une autre proposition frappée d'un avis défavorable du gouvernement voulait permettre aux femmes qui ont perdu leur conjoint avant la fin du processus de procréation médicalement assistée de procéder quand même à l'insémination. Cet amendement, dit de la "PMA post-mortem", a également été rejeté par l'Assemblée, qui s'est beaucoup divisée sur la question de faire naître un enfant dans un contexte de deuil. Avec la nouvelle loi, lorsque le conjoint d'une femme décédera alors que le couple était engagé dans une PMA, elle aura trois solutions : détruire l'embryon, en faire don à la recherche ou à un couple infertile. Elle pourra ensuite bénéficier d'un donneur anonyme en tant que femme seule.

Une revendication des associations LGBT+ et des associations de familles homoparentales est également passée à la trappe lors des débats à l'Assemblée : l'autorisation du don dirigé, autrement dit le fait de faire appel à un donneur ou à une donneuse connus des parents. Une série d'amendements visaient en effet à autoriser les couples à fournir eux-mêmes leur donneur de gamètes. Par extension, cet autorisation aurait pu permettre aux couples de femmes de procéder à un don entre elles. Ainsi, l'une des femmes aurait pu fournir les ovocytes à sa partenaire, qui aurait porté l'enfant. 

Le diagnostic pré-implantatoire permet à des parents porteurs d'une maladie génétique grave, comme la mucoviscidose ou la myopathie, de tester l'embryon produit par PMA avant son implantation dans l'utérus de la femme. Une série d'amendents visaient à étendre ce diagnostic à d'autres maladies et sans contrainte de maladie génétique existante dans la famille des futurs parents. Une proposition également refusée par l'Assemblée.

Enfin, même si le gouvernement avait juré que la loi de bioéthique n'aurait rien à voir avec cette pratique honnie des députés d'opposition, il a bien été question de la gestation pour autrui (GPA) lors de ces débats. En cause : un amendement à nouveau déposé par le député Touraine contre l'avis du gouvernement visant à établir une reconnaissance automatique de filiation des enfants nés à l'étranger par GPA, lorsque le pays dans lequel ils ont été conçus reconnaît la filiation des parents français. D'abord accepté avant d'être finalement rejeté, cet amendement prenait le risque d'"ouvrir une brèche dans la prohibition de la GPA", a défendu le gouvernement.

Ce qui a été modifié

Les travaux parlementaires ont néanmoins amendé le projet de loi à la marge et sur des éléments parfois surprenants. En atteste, notamment, un amendement surprise qui a ouvert la possibilité au donneur de gamètes de savoir combien d'embryons ont été conçus à l'aide de son matériel génétique. 

Les députés se sont aussi saisis de la question des enfants intersexes, qui était pourtant absente du projet de loi originel. Deux heures de débat ont donné lieu à un vote largement favorable à cet amendement, avec 91 voix pour et 3 contre. L'amendement prévoit d'orienter ces enfants nés avec les caractéristiques des deux sexes vers des centres de référence, où ils seront pris en charge par une équipe pluridisciplinaire. Un rapport doit également apporter un éclairage plus précis d'ici un an sur les réelles pratiques des médecins sur ces enfants, certains collectifs dénonçant les "mutilations" qui leur seraient infligées sans leur consentement pour les conformer à un seul sexe.

La députée LR Annie Genevard a pour sa part réussi à faire adopter un amendement visant à interdire la pratique du "bébé-médicament". Avec cette technique, un enfant est conçu pour être indemne de la maladie génétique dont souffre son frère ou sa sœur et immuno-compatible avec lui (ou elle), ce qui peut permettre la guérison de l'enfant atteint grâce à un prélèvement de sang de cordon.

Quant à la conservation des ovocytes des femmes, l'autorisation donnée dans le texte originel à des centres privés de pratiquer cette activité a été supprimée. 

Enfin, mercredi 9 octobre, les députés ont modifié le dernier article du projet de loi. Désormais, le rythme de révision des loi de bioéthique ne sera plus de sept ans, mais de cinq ans. Reste à savoir ce que le Sénat, où Les Républicains représentent le groupe le plus puissant, fera de ce texte de loi, qui représente la seule véritable promesse sociétale d'Emmanuel Macron émise lors de sa campagne de 2017.

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