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Dernier vol d'Ariane 5 : cinq moments marquants de la carrière de l'emblématique fusée européenne

En attendant les débuts d'Ariane 6, repoussés – au plus tôt – à la fin de l'année, franceinfo retrace quelques-unes de ses missions phares.
Article rédigé par franceinfo
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Une fusée Ariane 5 décolle depuis la base de Kourou, en Guyane, le 27 mai 2006. (ESA/CNES / ARIANESPACE / AFP)

Elle doit prendre sa retraite, après 27 ans de carrière. La fusée Ariane 5 effectuera bientôt son 117e et dernier vol, avec son bord un satellite de communications militaires français (Syracuse 4B) et un satellite expérimental allemand. Initialement programmé vendredi 16 juin, l'évènement a été reporté à une date ultérieure, dans au moins deux semaines, a annoncé Arianespace, qui évoque "des non conformités". 

L'emblématique fusée européenne sera remplacée par sa petite sœur, Ariane 6, mais pas avant la fin de l'année 2023, à cause de problèmes techniques sur son lanceur Vega-C et de la situation géopolitique autour de la guerre en Ukraine, qui prive l'Agence spatiale européenne (ESA) des vaisseaux russes Soyouz. Une situation compliquée pour l'agence, temporairement privée d'un accès indépendant à l'espace, mais qui ne doit pas faire oublier l'épopée d'Ariane 5. Une histoire faite de quelques déceptions, mais surtout d'immenses contributions à l'étude de l'univers, comme le rappelle franceinfo en cinq dates.

4 juin 1996 : un vol inaugural d'à peine 40 secondes 

Ariane 5 a connu des débuts difficiles. Le 4 juin 1996, son premier vol est un échec cuisant. Quarante secondes après le lancement, le lanceur éclate dans le ciel guyanais. Les spectateurs rassemblés sur la plage assistent stupéfaits à l'explosion de la fusée et des quatre satellites qu'elle devait envoyer en orbite.

Quelques mois plus tard, la commission d'enquête créée pour faire la lumière sur l'incident constate que "le lanceur, qui se trouvait alors à une altitude de quelque 3 700 mètres, a dévié de sa trajectoire, s'est brisé et a explosé". En cause : une incompatibilité entre la nouvelle fusée et le logiciel de navigation, emprunté à Ariane 4 "par mesure d'économie". 

Ce moment "nous a marqués au fer rouge", se souvient Hervé Gilibert, alors architecte du lanceur. "On a mis deux ans à revenir en vol", a raconté récemment à l'AFP l'actuel directeur technique du maître d'œuvre ArianeGroup. Le deuxième lancement, le 30 octobre 1997, se solde par un échec partiel. Le satellite Teamsat est placé sur une orbite plus basse que prévu, sans que cela nuise toutefois à son fonctionnement. 

10 décembre 1999 : un premier vol commercial

En 1998, au troisième vol expérimental réussi, Ariane 5 obtient finalement la qualification nécessaire pour sa pleine exploitation, rapporte Guyane La 1ère. Les défaillances du démarrage ont eu "l'effet vertueux de nous maintenir dans une vigilance absolue au fil des lancements", se souvient encore Hervé Gilibert. 

Le lancement du 10 décembre 1999 marque le début de l'ère commerciale de la fusée, qui s'élance avec à son bord l'immense télescope XMM-Newton. Ce dernier, placé en haute orbite elliptique, "inonde la communauté scientifique d'images et de spectres de plusieurs centaines de milliers de sources cosmiques", écrivent quatre scientifiques du Centre national d'études spatiales (Cnes), qui cosignent un article pour le média en ligne The Conversation. "La mission a longtemps été la plus productive des missions scientifiques de l'ESA, en termes de publications scientifiques", poursuivent-ils, avant de rappeler qu'aujourd'hui encore "XMM-Newton fonctionne toujours parfaitement".

2 mars 2004 : Rosetta et Philae s'envolent pour la comète Tchouri

Après un douloureux – et ultime – échec en 2002, Ariane 5 renoue avec le succès. Le début du millénaire marque son âge d'or. En 2004, la fusée envoie dans l'espace la sonde européenne Rosetta et son atterrisseur Philae. Cette mission ambitieuse projette d'envoyer ces deux bijoux de technologie en direction de la comète Tchouri, afin d'en percer les secrets.

Le 14 novembre 2014, à l'issue d'un voyage de 10 ans qui a nécessité d'embarquer deux tonnes de carburant, l'atterrisseur Philae se détache de Rosetta. Pendant sept heures, il parcourt seul les 20 km qui le séparent de ses nouveaux quartiers, à environ 511 millions de kilomètres de la Terre. Le responsable de l'atterrissage du robot, Stephan Ulamec, déclare : "Philae nous parle, la première chose qu'elle nous a dite, c'est qu'elle est bien arrimée, nous sommes à la surface." 

En 2016, les scientifiques peuvent se réjouir de l'immense contribution de cette mission, qui touche à sa fin. "Maintenant, on cerne beaucoup mieux comment les comètes se forment", expliquait alors Arnaud Boutonnet, expert en dynamique de vol à l'Agence spatiale européenne. "Elle nous a donné beaucoup d'informations sur l'eau qu'elles contiennent et aussi sur les molécules organiques qu'elles contiennent. Ce qui permet de mieux préciser la formation du système solaire et aussi de mieux comprendre l'interaction entre les comètes et la Terre. Les comètes apportent des éléments primordiaux qui sont nécessaires à l'émergence de la vie." 

14 mai 2009 : les télescopes Herschel et Planck percent les mystères de l'invisible

Pour la première fois, Ariane 5 embarque, le 14 mai 2009, deux télescopes scientifiques. Mobilisé pendant trois ans, Herschel est chargé d'observer les corps célestes froids, inaccessibles depuis les télescopes au sol. Dans The Conversation, les quatre scientifiques font la liste des enseignements permis par Herschel , évoquant notamment "des nuages de l'eau apportée vingt-cinq ans plus tôt dans l'atmosphère de Jupiter par la collision de la comète Shoemaker-Levy 9, des pouponnières d'étoiles au sein de filaments de poussières et de gaz, berceaux de formation de planètes et de comètes autour d'autres étoiles, de l'omniprésence de l'eau dans l'univers." 

Planck plus n'a pas à rougir de ses propres performances. En observant le fond diffus cosmologique – une lumière émise 380 000 ans après le Big Bang – le télescope nous a permis d'en apprendre davantage sur la naissance de l'univers. Entre autres, il a aidé les scientifiques à mesurer son âge : "13,8 milliards d'années avec une incertitude de l'ordre du pourcent", explique l'astrophysicien Hervé Dole dans The Conversation.

L'univers tel qu'il était 380 000 ans après le Big Bang, d'après les données du satellite Planck. (HO / ESA/LFI & HFI CONSORTIA)

Le 25 décembre 2021 : le lancement de James Webb, une consécration

Ce lancement, réalisé le 25 décembre 2021, témoigne sans conteste de la réputation de fiabilité d'Ariane 5, choisie par la Nasa pour mettre en orbite à 1,5 de km de la Terre ce gros bijou de technologie d'une valeur de 10 milliards de dollars. Chaque cliché envoyé par James Webb est un événement, alors que le télescope surpuissant ouvre un nouveau pan de l'espace aux scientifiques, capables désormais de voir jusqu'aux plus lointains confins de l'univers. 

En plus d'avoir permis d'observer pour la toute première fois une planète océan, James Webb constitue une fenêtre sur ce qui se trouve à des milliers d'années-lumière et révolutionne déjà "le modèle de formation des galaxies", expliquait en janvier Nicolas Laporte, astrophysicien à l'université de Cambridge.  

Image d'une extrémité de la nébuleuse de la Carène prise par le nouveau télescope James Webb et publiée le 12 juillet 2022. (NASA / ESA / CSA / STSCL)

La galaxie de la Roue de chariot, la "nébuleuse de l'Anneau austral" ou "nébuleuse aux Huit Eclats", les "falaises cosmiques" de la nébuleuse de la Carène... James Webb donne à voir avec un niveau de détail inédit ces galaxies et autres poussières d'étoiles déjà photographiées par son prédécesseur, le retraité Hubble.

En 2023 encore, Ariane 5 a contribué à propulser la mission Juice, direction Jupiter et ses lunes glacées. De quoi donner espoir en la prochaine génération, alors qu'Ariane 6 se fait attendre. 

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