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Sida : pourquoi la contamination par le VIH continue en France

Le nombre de personnes découvrant leur séropositivité chaque année n'augmente pas, mais il ne faiblit pas non plus. Alors que le Sidaction débute vendredi, francetv info revient sur cette réalité.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Une représentation du virus du sida, le virus de l'immunodéficience humaine (VIH). (JGT / AFP)

Chaque année, environ 6 000 personnes se découvrent séropositives en France. Le nombre de personnes apprenant leur contamination par le VIH, qui provoque le sida, s'est stabilisé entre 2008 et 2012, selon un article, publié mardi 1er avril dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire de l'Institut de veille sanitaire (InVS). Le virus touche toujours plus de 150 000 personnes en France, mais parmi elles 30 000 à 40 000 ne savent pas qu'elles sont contaminées.

A l'occasion de la publication de cette étude, et alors que le Sidaction lance sa campagne annuelle du vendredi 4 jusqu'au dimanche 6 avril, francetv info résume les raisons pour lesquelles le nombre de personnes contaminées ne faiblit pas en France.

Parce que le sida fait un peu moins peur

Utiliser un préservatif n'est pas encore un réflexe chez bon nombre de Français. Par exemple, près d'un étudiant sur trois ne se protège pas lors de rapports sexuels, selon une enquête publiée jeudi 27 mars par la mutuelle étudiante Smerep, à l'occasion du Sidaction. Pour expliquer leur comportement, les étudiants avancent principalement trois raisons. D'abord, les deux partenaires ont fait un test de dépistage, puis l'un des deux utilise un autre moyen de contraception et, enfin, "cela enlève la magie du rapport sexuel".

"L'image du 'sida-maladie' s'est estompée", souligne la Pr Christine Rouzioux, virologue, contactée par francetv info. Ainsi, une génération plus jeune, qui n'a pas connu le pic de l'épidémie, a tendance à minimiser le risque. C'est aussi un revers des progrès de la médecine : aujourd'hui en France, grâce aux avancées sur les traitements antirétroviraux, on peut vivre plus longtemps avec le virus.

Traitement antirétroviral, cellules génétiquement modifiées contre le virus, anneau vaginal contre le sida... Depuis 2012, les pistes prometteuses de la recherche en matière de lutte contre le VIH se multiplient. Mais ces découvertes participent, malgré elles, à la banalisation de la maladie. "Le constat est toujours le même : le virus est caché dans l'organisme. Pour prévenir l'apparition du sida, il faut donc le dépister, sinon, on en meurt. Et même lorsque le VIH est dépisté, le quotidien est altéré. Chaque jour, il faut réexpliquer cela aux patients. Certains ont tendance à l'oublier", raconte Christine Rouzioux.

Cette réalité est confirmée par deux études publiées le 26 novembre 2013 dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire, selon lesquelles les populations à risque boudent le préservatif. Celles-ci ont tendance à faire davantage confiance aux tests de dépistage ou aux traitements antirétroviraux pour éviter d'être contaminées par le VIH. Or, c'est justement parce que les personnes les plus exposées ne se protègent pas que la contamination ne diminue pas en France.

Parce que certaines catégories de population sont de plus en plus touchées

Parmi les personnes qui ont découvert leur séropositivité en 2012, plus de la moitié (54%) sont nées en France, et 31% en Afrique subsaharienne, selon l'analyse par origine réalisée dans l'article de l'InVS publié mardi. L'analyse par catégorie, elle, montre une "forte augmentation" des "découvertes de séropositivité" parmi les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, avec une poussée de 14% en 2012 contre +3% en moyenne par an entre 2003 et 2011.

"L'augmentation des découvertes de séropositivité chez les hommes homosexuels est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle, commente pour francetv info Françoise Cazein, épidémiologiste à l'InVS et auteure de l'article paru mardi. Cela montre que leur recours au dépistage est plus précoce. Mais en même temps, cela signifie que la contamination est importante chez cette population."

Attention à l'amalgame, prévient Jean-François Delfraissy, directeur de l'Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales, interrogé par francetv info. "Seule une fraction de la population gay a des pratiques à risques [multiplication de rapports anaux sans préservatif, ainsi qu'un nombre de partenaires élevé]. Souvent, il s'agit de jeunes qui n'ont pas connu le 'sida-maladie', ou de personnes plus âgées qui n'ont pas pris l'habitude de se protéger", relève-t-il.

Parce que la prévention n'est pas assez ciblée

"C'est pourquoi, sans stigmatiser, les messages de prévention doivent être de plus en plus ciblés", poursuit Jean-François Delfraissy. "Mais il faut aussi continuer à s'adresser à toute la population et continuer à diffuser le message sur l'utilisation du préservatif." Encore trop peu de données existent sur les comportements sexuels et l'attitude de chacun sur l'utilisation du préservatif. "Or, pour cibler le message, il faut mieux connaître la population contaminée", estime Jean-François Delfraissy.

La diffusion des tests rapides d'orientation diagnostique (Trod), qui permettent d'obtenir une réponse en quelques minutes seulement contre plusieurs jours pour le test classique, a, par exemple, fonctionné pour les hommes homosexuels, estime Françoise Cazein. "Mais le recours au dépistage doit être plus systématique dans la population hétérosexuelle", ajoute-t-elle.

En 2012, plus de 32 000 Trod ont été réalisés, dont 13 000 parmi la population homosexuelle. Ces tests ont permis à environ 260 personnes de découvrir leur séropositivité, écrit Françoise Cazein. "On doit avoir les moyens de favoriser ce type de dépistage, surtout en dehors des laboratoires. Il faut ouvrir l'accès au dépistage, le développer hors les murs. Tout doit être fait pour améliorer ce type de prévention", résume Christine Rouzioux.

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