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Pass sanitaire : cinq questions qui se posent sur une éventuelle généralisation du dispositif

Face à la reprise de l'épidémie de Covid-19, de plus en plus de voix s'élèvent pour étendre le recours au pass sanitaire. Le gouvernement doit trancher dans les prochains jours.

Article rédigé par franceinfo
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Le pass sanitaire déployé, le 9 juin, permet de voyager en Europe depuis le 1er juillet. Le gouvernement réfléchit à une généralisation de son utilisation.  (MATHIEU THOMASSET / HANS LUCAS / AFP)

Le pass sanitaire, sésame bientôt indispensable ? Depuis le 9 juin, cet outil du déconfinement est circonscrit à des situations bien précises, en dehors des activités du quotidien. Mais face à la recrudescence des contaminations dues au Covid-19 dont plus de 40% sont liées au variant Delta, et à la menace d'une quatrième vague, le gouvernement réfléchit à la façon d'élargir son champ d'application.

Depuis le 1er juillet, les parlementaires sont invités par le Premier ministre à étudier toutes les possibilités d'une généralisation du pass sanitaire. Ceci en vue du Conseil sanitaire de défense exceptionnel qui sera présidé par le chef de l'Etat, lundi 12 juillet. Une telle extension du pass sanitaire soulève toutefois de nombreuses questions pratiques et éthiques.

1Quelles activités de la vie quotidienne pourraient être concernées ?

Lors de la mise en place du pass, le président de la République avait promis que non, il ne serait pas demandé à l'entrée de commerces, des restaurants, des cinémas ou des théâtres. Jusqu'à présent, le fameux QR code est uniquement nécessaire pour les personnes âgées de 11 ans ou plus qui veulent assister à un certain nombre d'événements festifs, culturels et sportifs regroupant au moins 1 000 personnes.

La donne risque de changer. L'extension du pass sanitaire pourrait permettre non seulement de mieux contrôler la circulation du virus, mais aussi d'inciter les Français à se faire vacciner. Le président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale, Alain Fischer, s'est ainsi déclaré favorable à une extension de son champ d'application. "L'idée que l'on puisse utiliser son pass sanitaire non seulement pour aller au stade, mais aussi pour se rendre au cinéma, au théâtre, au restaurant ne me choquerait pas", déclare-t-il dans un entretien au Monde (article réservé aux abonnés).

D'ailleurs le déploiement du pass sanitaire dans les restaurants "est en discussion avec Bercy", selon le président du Groupement national des indépendants de l'hôtellerie et de la restauration. Interrogé sur franceinfo mercredi, Didier Chenet a assuré que "si ce pass sanitaire doit être une alternative à une éventuelle fermeture de nos établissements, voire la remise en place de jauges, bien évidemment nous donnerons notre accord". Abaissement du seuil de 1 000 personnes, extension des catégories d'établissements concernés... Pour l'instant, aucune hypothèse n'est privilégiée et aucune date de mise en œuvre n'a été avancée.

2L'utilisation du pass sera-t-elle étendue dans le temps ?

Cette piste pourrait être évoquée lors du prochain Conseil de défense sanitaire. Initialement, le pass sanitaire déployé depuis le 9 juin ne devait servir que pendant l'été. Son utilisation est d'ailleurs autorisée par la loi jusqu'au 30 septembre. Pour repousser cette date, le gouvernement devra donc en passer par un vote au Parlement durant l'été.

En attendant, se pose la question de la rentrée et d'une éventuelle obligation pour les élèves de présenter ce pass lors de leur retour en classe. Cette hypothèse est pour l'heure exclue par le président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale. Selon Alain Fischer, "on ne peut pas rejeter un enfant au motif qu'il n'est pas vacciné. Ça relève du droit élémentaire à l'éducation et du minimum obligatoire de vie commune", affirme-t-il, toujours au Monde.

3Qu'en sera-t-il des voyages sur le territoire français ?

En plein été, le pass sanitaire est actuellement nécessaire pour voyager en dehors des frontières. Depuis le 1er juillet, il est même devenu européen, dans le cadre d'un accord d'harmonisation entre les Etats membres, afin de faciliter les déplacements dans l'Union européenne grâce au certificat sanitaire européen.

Il ne devrait pour autant pas devenir obligatoire pour voyager en train sur le réseau ferré hexagonal lors de vos vacances. Le ministre délégué aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, a déclaré, lors d'une visite à la gare de Lyon (Paris) le 2 juillet, que "nous avons un dispositif qui marche bien et qui a vocation à être pérennisé au moins tout l'été". "Pour le moment nous n'avons pas souhaité étendre le pass sanitaire, notamment aux TGV", a-t-il précisé.

4 Pourquoi cette mise en œuvre risque de poser des problèmes pratiques ?

Du côté des discothèques qui doivent rouvrir le 9 juillet après plus de seize mois de fermeture, la nécessité de ce pass sanitaire ne devrait pas être un frein selon Thierry Fontaine, président de l'Umih-Nuit France. "Je pense que cela marchera. On voit que les jeunes sont en train de se faire vacciner massivement", analysait-il auprès de franceinfo. Toutefois, un grand nombre de boîtes de nuits ont d'ores et déjà choisi de rester fermés pour l'été, jugeant les restrictions trop contraignantes.

S'il devait être étendu aux restaurateurs, bars ou à d'autres commerces, son application pourrait ne pas être aisée. "Il restera à voir les modalités d'application parce que notre clientèle n'est pas constituée que d'adultes, nous avons aussi des enfants", souligne Didier Chenet, du Groupement national des indépendants de l'hôtellerie et de la restauration.

"On a été fermé très longtemps, j'estime que cette mesure est encore un ralentissement dans notre chiffre d'affaires, notre clientèle, notre ressource", affirme Shirley Deltour, restauratrice, au micro de France 2. Comment s'assurer alors que restaurateurs et clients jouent le jeu ? La question se pose, d'autant que le cahier de rappel, censé être mis en place dans les bars et restaurants afin de faciliter le traçage des chaînes de contamination, ;a tourné au flop, la règle étant très peu appliquée sur le terrain.

5Pourquoi l'extension du pass sanitaire ne fait pas l'unanimité ?

Comme lors de sa mise en place, tout élargissement du pass sanitaire doit être validé par une nouvelle loi. Le débat est loin d'être tranché. Si les groupes de la majorité et les socialistes y sont plutôt favorables, le groupe LR à l'Assemblée nationale a jugé une telle extension "inopportune" dans une lettre adressée à Jean Castex.

La question traverse aussi les habituels clivages politiques. "Il y a des sénateurs comme moi qui sont très à cheval sur la préservation des libertés publiques et d'autres qui sont plus pragmatiques et qui pensent que c'est peut-être le prix à payer", résume ainsi le sénateur centriste Loïc Hervé à Public Sénat.

Aujourd'hui, l'exercice des libertés fondamentales comme manifester, se réunir ou exercer un culte ne sont pas soumises à la présentation du pass sanitaire. Se déclarant ardant défenseur des libertés publiques, Loïc Hervé dit qu'il s'opposera de "toutes [ses] forces" à une généralisation du pass sanitaire. "Je ne veux pas qu'on prenne l'habitude de justifier de son état de santé pour des actes de la vie quotidienne(...) En France, nous n'avons pas à justifier de son identité dans la rue. Je n'ai donc pas envie de justifier de mon état de santé pour aller au restaurant, au théâtre ou au supermarché", justifie-t-il.

La question d'une rupture d'égalité entre personnes vaccinées et celles qui ne le sont pas risque de se poser à nouveau. Si le pass sanitaire venait à être élargi, les non-vaccinés ne pourraient accéder aux lieux publics concernés que grâce à la présentation d'un test négatif de moins de 48 heures ou d'un certificat de rétablissement après une contamination au Covid-19. Une contrainte non négligeable pour les actes de la vie quotidienne.

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