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Covid-19 : on vous explique le débat autour du "passeport vaccinal"

Ce certificat de vaccination qui permettrait par exemple de voyager pose de nombreuses questions que les autorités françaises n'ont pas encore tranché.

Article rédigé par franceinfo
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Un vaccin est administré à une infirmière de Chartres (Eure-et-Loir) le 9 janvier 2021. (JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP)

L'envie de retrouver une vie normale serait-elle plus forte que tout ? Selon un sondage de l'institut Ifop publié par Le Parisien, dimanche 17 janvier, les Français se disent favorables à un "passeport vaccinal" contre le Covid-19. C'est-à-dire à un certificat de vaccination attestant qu'ils sont immunisés pour accéder à certains lieux ou réaliser certaines activités.

Quelque 62% des Français souhaitent ainsi qu'il soit imposé pour les passagers prenant l'avion. La moitié des sondés réclame qu'un tel document soit obligatoire pour les transports en commun. Néanmoins, l'application de ce "sésame" pose de nombreuses questions et s'inscrit dans un débat à la fois scientifique, juridique et éthique que de nombreux pays, dont la France, n'ont pas tranché.

Le gouvernement veut-il en créer un ?

Non. La France y est pour l'instant opposée. La mise en place d'un passeport vaccinal à l'échelle européenne est un débat "très prématuré", a ainsi estimé le secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes, Clément Beaune, qui était dimanche 17 janvier l'invité de franceinfo.

"C'est un débat qui n'a pas lieu d'être et ce serait choquant, alors qu'on débute encore partout cette campagne de vaccination en Europe, qu'il y ait des droits plus importants pour certains que pour d'autres. Ce n'est pas notre conception de la protection et de l'accès aux vaccins."

Clément Beaune

à franceinfo

Mais la question pourrait se poser plus tard : "Quand l'accès au vaccin sera généralisé, ce sera un sujet différent", a-t-il admis. Le gouvernement avait d'ailleurs présenté fin décembre un projet de loi sur les urgences sanitaires, qui a été perçu comme une volonté d'instaurer un "passeport vaccinal" au moment où débutait la campagne de vaccination contre le Covid-19 en France. Mais, sous le feu des critiques, l'exécutif a ensuite remballé son texte.

Dans son article 1, le projet de loi prévoyait en effet de modifier l'article L.3131-9 du Code de la santé publique et d'octroyer au Premier ministre le pouvoir de "subordonner les déplacements des personnes, leur accès aux moyens de transports ou à certains lieux, ainsi que l’exercice de certaines activités à la présentation des résultats d’un test de dépistage établissant que la personne n’est pas affectée ou contaminée, au suivi d’un traitement préventif, y compris à l’administration d’un vaccin, ou d’un traitement curatif". Les détracteurs du projet de loi redoutaient ainsi un possible durcissement des conditions d'accès à certains moyens de transports comme l’avion.

L'UE étudie-t-elle cette idée ?

Au niveau européen, la question a été mise sur la table le 12 janvier par la Grèce, qui a vu le nombre de ses touristes s'effondrer avec la pandémie. Athènes, qui a déjà mis au point son propre certificat sanitaire destiné à prouver que l'on a été vacciné contre le Covid-19, propose d'étendre ce programme à l'ensemble des 27 pays membres de l'UE. 

Ce certificat pourrait alors être utilisé lors de l'embarquement, quel que soit le mode de transport. L'idée progresse et la Commission européenne travaille déjà à la création d'un certificat de vaccination, intitulé "Vaxproof", qui pourrait permettre de rétablir les voyages entre pays membres, selon l'agence Reuters. Mais ce plan divise les Vingt-Sept. Les Pays-Bas ont ainsi émis des réserves.

Est-il compatible avec le droit français ?

"Les obligations vaccinales dans certains domaines sont admises par la jurisprudence", souligne Serge Slama, professeur de droit public à l'université de Grenoble-Alpes, interrogé par franceinfo. Pour être inscrits à l'école, les enfants doivent ainsi être vaccinés contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. Mais la vaccination contre le Covid-19 n'est pas obligatoire. Or, la création d'un passeport sanitaire revient, de fait, à créer l'obligation de se faire vacciner.

Seconde difficulté importante, le "passeport sanitaire" ne peut être instauré tant qu'il existe une inégalité des citoyens face à l'accès au vaccin, pointent les juristes. Or la stratégie adoptée par le gouvernement pour sa campagne de vaccination donne la priorité aux personnes âgées dépendantes, puis aux personnes présentant des facteurs de risques liés à leur âge ou à leur pathologie chronique, puis au reste de la population, en fonction des tranches d'âge, le tout s'échelonnant sur plusieurs mois. Il semble donc difficile d'instaurer rapidement un "passeport vaccinal" aujourd'hui.

A-t-il un sens médicalement ?

Les vaccins contre le Covid-19 qui sont déjà autorisés en Europe, qu'il s'agisse de celui de Pfizer-BioNTech ou de Moderna, évitent les symptômes graves de la maladie. Mais à ce jour, aucune étude ne dit qu'ils empêchent la propagation du virus. La question de sa transmission par les personnes vaccinées n'est pas encore tranchée, car ce n'était pas l'objectif des essais cliniques de phase 3 réalisés jusqu'à présent. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) s'est ainsi déclarée opposée "pour le moment" à ce passeport vaccinal à l'échelle planétaire.

D'où la prudence de la présidente de la Haute Autorité de santé, Dominique Le Guludec, sur le sujet. Interrogée sur le "passeport vaccinal" le 12 janvier dernier sur franceinfo, elle affirmait ainsi : "Nous ne nous sommes pas penchés sur cette question parce que tout bêtement, on ne sait pas si ce vaccin bloque la transmission, ça n'a donc pas de sens. Le jour où on le saura, il faudra voir qui et comment. Et ça, ce n'est pas forcément notre mission. L'obligation vaccinale (...) dépend de la loi."

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