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Covid-19 : cinq questions sur les transferts entre régions de patients en réanimation

Ce week-end, plusieurs patients atteints de formes graves ont été transférés vers l'ouest du pays pour soulager les hôpitaux d'Ile-de-France, sous forte tension. Une centaine de personnes pourraient suivre cette semaine.

Article rédigé par franceinfo
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Un patient Covid-19 est évacué de Lille vers l'Allemagne, le 10 novembre 2020. (FRANCOIS LO PRESTI / AFP)

Un an après le début du premier confinement en France pour lutter contre l'épidémie de Covid-19, les mêmes scènes se répètent dans les hôpitaux, où les services de réanimation sont sous tension, ou même saturés, comme en Ile-de-France.  Plusieurs patients en réanimation ont été transférés de la région francilienne vers l'ouest du pays depuis samedi 13 mars. Une centaine de personnes devraient suivre le même chemin dans la semaine. Franceinfo vous détaille les implications de ce choix de l'éxécutif, qui ne fait pas l'unanimité.

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1Pourquoi transférer des patients en réanimation ?

Le gouvernement souhaite à tout prix éviter un reconfinement de la région Ile-de-France, dont le taux d'incidence se rapproche des 400 cas positifs par jour pour 100 000 habitants. "Reconfiner, c'est un acte extrêmement fort avec des conséquences très lourdes", a souligné le Premier ministre, Jean Castex, interviewé dimanche sur la plateforme Twitch"Il faut que l'on utilise toutes les armes à disposition pour éviter le confinement."

Si le nombre de malades hospitalisés est stabilisé au niveau national (autour de 25 000 personnes), le nombre de patients en réanimation ne cesse d'augmenter. La France comptait dimanche 4 127 personnes en réanimation, dont un peu plus du quart (1 100) en Ile-de-France. "On est au bout du bout", explique au Parisien François Braun, président de Samu-Urgences de France. "Les évacuations sanitaires vers d'autres régions sont la dernière carte à jouer pour éviter que l'on ne se retrouve à soigner les gens dans de mauvaises conditions", prévient-il.

2Qui peut être transféré ?

Plusieurs critères sont à respecter avant de transférer ces patients atteints de formes graves du Covid-19. Ils doivent être "stables d'un point de vue ventilatoire et d'un point de vue cardiaque", explique le directeur médical du Samu de Seine-Saint-Denis, Frédéric Adnet, à BFMTV. Si un malade consomme trop d'oxygène ou demande beaucoup d'attention médicale, il ne sera pas transféré.

Le consentement des proches du patient est également primordial. "C'est extrêmement difficile, car c'est voir quelqu'un de sa famille avec le pronostic vital engagé s'éloigner de l'autre côté de la France, ajoute Frédéric Adnet. Bien sûr, on a un certain nombre de refus et on respecte les volontés de la famille."

3Comment s'organisent les transferts ?

Pour l'instant, la voie aérienne est privilégiée. Six patients ont ainsi été évacués par hélicoptère ce week-end. Mais les trains seront eux aussi utilisés. Avec son opération nommée "chardons", le gouvernement compte remettre en place des TGV médicalisés qui avaient sillonné la France lors de la première vague l'an passé. Une première rame pourrait partir de Paris jeudi, puis une autre le week-end prochain. "Une centaine" de patients pourraient ainsi être transférés cette semaine selon le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal.

Reste que la logistique pour gérer ce genre de transferts est particulièrement complexe et mobilise de nombreux professionnels de santé. Comme l'explique Le Parisien, il faut entre deux et trois jours pour aménager une rame de TGV qui ne peut transporter que 24 patients. Autre casse-tête, souligne 20 Minutes, ces trains devront trouver une place au milieu du trafic classique de voyageurs. Le problème ne s'était pas posé en avril dernier puisque la SNCF avait, à l'époque, annulé quasiment tout ses trains.

4Où sont-ils déplacés ?

Les patients vont être transférés essentiellement dans l'Ouest. Angers, Nantes et Le Mans ont déjà reçu plusieurs patients ce week-end. Le taux d'incidence y est plus faible que dans le reste du pays, même si celui-ci est en hausse, comme partout sur le territoire. La Bretagne et les Pays de la Loire présentent notamment l'avantage d'être accessibles en hélicoptère depuis Paris.

Les transferts de patients se font évidemment en concertation et avec l'accord des hôpitaux ciblés. Accueillir des patients venus d'autres régions implique cependant de devoir potentiellement déprogrammer des opérations dans les services de réanimation. Une possibilité qui inquiète d'ailleurs les soignants en Nouvelle-Aquitaine, selon Europe 1.

Si les hôpitaux de l'ouest du pays disposent encore de lits disponibles, cela ne sera peut-être plus le cas dans les prochaines semaines. A Nantes, 50% des places de réanimation sont d'ores et déjà occupées par des patients atteints du Covid-19, selon Ouest-France

Cette mesure est-elle suffisante ?

Seuls, les transferts de patients n'arriveront probablement pas à juguler les entrées de plus en plus nombreuses dans les services de réanimation des hôpitaux franciliens, surtout si le taux d'incidence continue d'augmenter. "Ces transferts sont destinés à être une soupape de soulagement", a estimé lundi sur France Inter Bruno Riou, directeur médical de crise de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). "A partir du moment où on n'a pas une vision sur ce qui va se passer dans les semaines (qui viennent), puisqu'il n'y a pas de décisions importantes qui vont modifier la courbe de l'épidémie, on utilise une partie de notre arsenal thérapeutique probablement un peu tôt par rapport au débordement qui risque d'arriver."

Face à la montée des contaminations et des cas graves nécessitant une prise en charge en réanimation, le gouvernement mise toujours sur l'accélération de la vaccination, avec pour objectif d'avoir vacciné 10 millions de personnes d'ici mi-avril. "C'est un pari qui n'est pas forcément gagné car la situation actuelle est extrêmement incertaine", explique au Parisien l'infectiologue Anne-Claude Crémieux. Surtout, les effets de la vaccination ne sont pas immédiats, puisqu'il faut plusieurs semaines avant que la première dose soit totalement efficace.

Face à la dégradation de la situation, l'exécutif n'exclut désormais plus un reconfinement. C'est ce qu'a reconnu Jean Castex dimanche sur Twitch. La ligne de crête sur laquelle se trouve le gouvernement semble de plus en plus ténue.

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