La quatrième vague du Covid-19, épine dans le pied d'Emmanuel Macron pour la fin de son quinquennat : "Le tunnel est encore là"
La virulence du variant Delta chamboule les plans de la macronie qui espérait relancer les réformes en vue de 2022.
Qui se souvient des mots triomphants du Premier ministre, le 11 mai dernier ? "Nous sommes enfin en train de sortir durablement de cette crise sanitaire", fanfaronnait dans Le Parisien (réservé aux abonnés) Jean Castex. Le chef du gouvernement, qui annonçait les principales mesures du déconfinement, affichait sa confiance : "La tendance est claire, nous touchons au but et c'est une bonne nouvelle." Quelques semaines plus tard, un parlementaire de la majorité fustige "l'imprudence" du locataire de Matignon. Car le variant Delta a tout chamboulé, les plans de l'exécutif avec. Les contaminations sont reparties à la hausse, les services de réanimation recommencent à accueillir des "patients Covid" et les épidémiologistes s'arrachent les cheveux pour savoir si la vaccination suffira à contenir cette nouvelle vague.
Résultat : alors que la rentrée de septembre devait être consacrée à relancer le train des réformes et à préparer la future campagne présidentielle, il en sera autrement. Le Covid-19 restera au programme. "Cela risque de rebattre les cartes de la rentrée. On se disait qu'à l'automne, on serait sortis d'affaire, mais le tunnel est encore là", constate, amer, le député LREM Roland Lescure. "Cela vient forcément perturber la fin du quinquennat, abonde un proche d'Emmanuel Macron. On avait l'habitude d'avoir un virus diminué en intensité avec l'été et donc, avec la campagne de vaccination, on espérait que cela se superpose mais, manque de bol, ce nouveau variant résiste à la chaleur."
"C'est un truc de dingue !"
Pour Bruno Cautrès, chercheur au CNRS et au Cevipof, "la fin du quinquennat Macron est complètement chamboulée car le variant Delta compromet sérieusement la possibilité pour le président de repartir dans son programme". Emmanuel Macron a néanmoins tenté, dans son allocution du 12 juillet largement consacrée aux mesures prises pour lutter contre l'épidémie avec la mise en place du pass sanitaire, de fixer un cap pour les mois qui viennent. Plan d'investissement, application de la réforme de l'assurance-chômage, revenu d'engagement pour les jeunes... Le chef de l'Etat a voulu démontrer qu'il conservait sa capacité à réformer le pays, malgré le virus. "L'ambition réformatrice doit toujours nous habiter mais doit être conjuguée dans une chronologie différente", soutient le député Fabien Gouttefarde. Pourtant Emmanuel Macron a dû renoncer à son emblématique réforme des retraites. "Je ne lancerai pas cette réforme tant que l’épidémie ne sera pas sous contrôle et la reprise bien assurée", a-t-il affirmé.
Plus largement, la crise du Covid l'a empêché de mettre en œuvre des pans entiers de son programme. "C'est resté à l'état zéro, regardez la question climatique ou institutionnelle, rien n'a beaucoup bougé depuis le début du quinquennat, assure Bruno Cautrès. Et dire que c'est la faute du Covid, c'est un argumentaire très difficile à vendre". Avec le variant Delta, les choses se compliquent encore plus.
"Cela prend du temps au Parlement, cela prend du temps médiatique, ça obsède les gens dans leur vie de tous les jours, ce n'est pas un moment très propice pour la projection."
Un proche d'Emmanuel Macronà franceinfo
"Cela a un impact sur le calendrier parlementaire, c'est un truc de dingue !", renchérit un député LREM, bien conscient lui aussi que "ce sujet prend le pas sur tout le reste" et que "les autres lois passent inaperçues". La loi relative à la gestion de la crise sanitaire, qui prévoit notamment l'extension du pass sanitaire, a ainsi mobilisé le Parlement de nombreuses heures et pourrait encore le mobiliser si le Conseil constitutionnel l'obligeait à revoir sa copie, le 5 août.
Incertitudes et fronde des anti-pass sanitaire
Mais qui peut dire que cette loi sera la dernière loi consacrée à l'épidémie ? Personne, et c'est bien ça le problème. A quelques mois de la présidentielle, l'exécutif doit composer avec le lot d'incertitudes apportées par le virus. "Personne ne sait quelle va être la suite de l'épidémie, vous imaginez si en septembre on est obligé de reconfiner, même partiellement ?" s'inquiète un élu de la majorité. Si la campagne vaccinale et son corollaire, le pass sanitaire, s'avèrent insuffisants pour enrayer l'épidémie, la question de la mise en place de mesures restrictives se posera de nouveau. "L'objectif du pass sanitaire, c'est justement d'empêcher de revenir vers ce type de mesures mais je ne peux pas vous dire qu'on ne le fera pas ; avec ce virus, on a appris à être très humbles", confie une source proche du pouvoir.
Surtout, glisse Bruno Cautrès, "on a l'impression qu'avec le pass sanitaire, l'exécutif a quasiment abattu sa dernière carte sur le front de la politique publique sanitaire. Si cela n'enraye pas, on assistera peut-être à une crise de confiance institutionnelle". Même s'ils sont minoritaires, les anti-pass sanitaire illustrent parfaitement cette défiance envers les pouvoirs publics. Certains vont même jusqu'à menacer de mort des élus de la majorité, qui ont porté plainte. "On a franchi un cap là, j'en suis à près de 10 menaces de mort de la part d'anti-vaccins", déplore un parlementaire.
Et les manifestations qu'ils organisent depuis l'annonce du président de la République, aux cris de "dictature sanitaire", rappellent forcément l'épisode des "gilets jaunes". D'où l'extrême prudence de la majorité. "Il faut faire preuve de beaucoup d'humilité, on n'avait pas anticipé les 'gilets jaunes'", se souvient Roland Lescure, avant de nuancer : "Mais des millions de Français ont choisi la vaccination. Le mouvement des anti-pass fait du bruit mais il n'est pas prescripteur, le mouvement de la vaccination est beaucoup plus puissant et ultra-majoritaire".
"On peut espérer que ce mouvement irruptif des anti-pass sanitaire se calme avec l'été, mais ce n'est pas acquis."
Roland Lescure, député LREMà franceinfo
"C'est certes un mouvement très minoritaire dans l'opinion mais cela vient rappeler que le mandat d'Emmanuel Macron a été marqué par des mouvements de contestation sans comparaison avec les autres pays européens", note Bruno Cautrès.
Une France coupée en deux
Autre enseignement de ce mouvement qui pourrait entacher la fin du quinquennat d'Emmanuel Macron : la mise en scène de la fracture entre deux France, celle des vaccinés et celle des non-vaccinés. "La quatrième vague nous met au défi, elle met évidemment le pays sous tension", reconnaît le député Pieyre-Alexandre Anglade. "On sent des tensions dans la société, avec des gens militants d'un côté comme de l'autre, il faut veiller à maintenir le 'tenir ensemble'", renchérit un proche du président.
Dans de telles conditions, à quoi ressemblera la présidentielle dans cette France coupée en deux, sous la menace du virus ? "On est encore trop loin d'une éventuelle entrée en campagne du président, assure le député Damien Adam. Si, à l'automne, le pass sanitaire n'a pas montré son efficacité et que l'on a une cinquième vague, là les choses seraient différentes". Si l'on ne peut deviner le futur du virus (et ses nouveaux variants), reste que la gestion de la crise sanitaire sera sans doute l'une des composantes fortes de la présidentielle. "A travers la gestion de la crise, ce sera la façon de gouverner d'Emmanuel Macron qui sera au cœur de la campagne, lui qui est accusé de ne pas créer de consensus", affirme Bruno Cautrès.
En attendant, le chef de l'Etat peut se raccrocher aux sondages sur sa gestion de la crise, qui s'améliorent. Quelque 42% des Français jugent désormais positivement son bilan sur ce sujet, soit six points de plus qu'au printemps, selon un sondage Odoxa pour France Inter et la presse régionale publié le 20 juillet. "Je suis convaincu qu'on lui saura gré d'avoir été un bon capitaine dans la tempête", espère Roland Lescure. Mais la tempête n'est pas terminée.
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