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Grève du 13 janvier dans les écoles : pourquoi les enseignants du primaire et du secondaire se mobilisent

Plusieurs syndicats prévoient de protester contre la gestion de l'épidémie de Covid-19 du gouvernement. Mais leurs revendications sont multiples.

Article rédigé par franceinfo
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Une enseignante et sa classe de CE2 le 19 janvier 2021 à Bruyères-le-Châtel (Essonne). (MYRIAM TIRLER / HANS LUCAS / AFP)

Ils exigent une "école sécurisée sous Omicron". Sept syndicats d'enseignants ont lancé un appel à la grève nationale, jeudi 13 janvier, dans les écoles, les collèges et les lycées. Selon eux, la politique menée par l'Education nationale face au Covid-19 provoque une désorganisation massive du système scolaire. Et la mobilisation s'annonce historique : selon le Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire, la moitié des écoles primaires seront fermées et 75% des enseignants seront grévistes. 

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"Exaspérées", les organisations syndicales demandent au ministre Jean-Michel Blanquer d'entendre leurs multiples revendications, qui vont de la refonte et la clarification du protocole sanitaire à la sécurisation des établissements en passant par le recrutement de personnels cet hiver. Franceinfo revient sur les raisons de ce mouvement, après une rentrée scolaire perturbée par la progression du virus.

Pour revoir le protocole sanitaire

C'est le motif le plus récent avancé par les syndicats pour appeler à la grève. En pleine flambée épidémique, le protocole sanitaire dans les écoles a été allégé jeudi 6 janvier, ce que dénoncent les organisations. Désormais, après la détection d'un cas positif chez un enfant, si un nouveau cas apparaît dans la même classe dans un délai inférieur à sept jours, les élèves n'auront pas à recommencer le parcours de dépistage de trois tests, comme c'était le cas jusqu'ici.

Jusqu'à présent, les élèves du primaire devaient réaliser un test PCR ou antigénique à chaque nouveau cas positif déclaré dans la classe, puis réaliser un autotest deux jours et quatre jours plus tard pour pouvoir continuer à suivre les cours en présentiel. Idem pour les élèves du secondaire âgés de 12 ans et plus justifiant d'une vaccination complète. Les non-vaccinés, eux, doivent rester isolés pendant sept jours.

Ce nouveau protocole est "ingérable", a alerté Anabel Roy,  secrétaire départementale du syndicat d'enseignants SE-Unsa de la Haute-Vienne, sur franceinfo. "Dans la pratique, suivre le fait que les enfants soient testés tous les deux jours est déjà très difficile", explique la syndicaliste. "Nous n'avons aucun outil de gestion interne aux écoles pour savoir qui a été testé et quand." Dans ce contexte, "la tension est extrêmement forte sur le terrain", a mis en garde Stéphane Crochet, secrétaire général du syndicat enseignant SE-Unsa, toujours sur franceinfo.

"On a des collègues en pleurs qui passent leurs soirées à envoyer des messages aux familles pour leur faire comprendre la nouvelle procédure."

Stéphane Crochet, secrétaire général du syndicat SE-Unsa

à franceinfo

Plusieurs syndicats demandent le retour de l'ancien protocole, qui consistait à fermer une classe dès qu'un cas positif était détecté chez les élèves. Il faut "renoncer aux allègements successifs du protocole mis en œuvre depuis fin novembre", résume SUD-Education dans son appel à la grève, relayé vendredi 7 janvier par le site LeCaféPédagogique.net. Or, à ce jour, le gouvernement exclut les fermetures de classes : "On a toujours dit que ce serait le dernier des derniers recours. On souhaite que nos enfants puissent aller à l'école", a répété Gabriel Attal, dimanche, sur BFMTV.

Pour améliorer la sécurité 

Au-delà du protocole sanitaire, les syndicats des personnels de l'éducation souhaitent que l'école soit davantage sécurisée pour éviter qu'enfants et adultes ne contractent la maladie. Pour limiter les contaminations en milieu scolaire, Jean Castex a annoncé jeudi 6 janvier la fourniture de masques chirurgicaux aux enseignants d'ici à la fin du mois. Une aide qui intervient trop tard, selon le Snes-FSU, qui pointe aussi "le fait que les surveillants des collèges et des lycées" n'ont pas accès à ces masques.

"On va être très vigilants : il faut bien que tous les adultes des collèges et des lycées soient équipés en masques chirurgicaux, voire en masques FFP2."

Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU

à franceinfo

En parallèle des masques, les organisations syndicales veulent que les capacités de tests soient étendues dans les établissements. Et plusieurs d'entre elles demandent que des capteurs de CO2 soient installés dans les classes et les cantines pour diminuer les risques de contamination par dégradation de la qualité de l'air. Si l'achat des capteurs relève des collectivités, insiste régulièrement le gouvernement, SUD-Education souhaite que ces appareils soient désormais financés par l'Etat, tout comme les purificateurs d'air.

Pour demander des remplacements

Avec la progression du variant Omicron, de nombreux enseignants ont été contaminés par le Covid-19 en ce début d'année 2022 : le ministère de l'Education nationale a enregistré, à la date du jeudi 6 janvier, 5 631 cas positifs, très exactement, sur quatre jours. Dans ce contexte de recrudescence des arrêts maladie, les syndicats demandent des renforts au gouvernement. "Le ministère doit élargir le vivier de remplaçants pour pallier les absences en abondant et recrutant les listes complémentaires ainsi qu'en recrutant des titulaires", résume le Snuipp-FSU, premier syndicat des enseignants du primaire.

Du côté des collèges et des lycées, les absences pour contaminations touchent également les professionnels en charge de la vie scolaire qui assurent la surveillance des élèves et le bon déroulement des activités. C'est pourquoi le Snes-FSU demande des recrutements pour renforcer les équipes chargée de la vie scolaire, dans son communiqué sur la grève du 13 janvier. En ce qui concerne le vivier des professeurs remplaçants, le syndicat demande aussi le gel des suppressions d'emplois et la création des postes nécessaires pour répondre aux besoins. 

Pour alerter sur l'organisation du bac

Derrière cette mobilisation, les syndicats anticipent aussi des difficultés à venir dans l'organisation des épreuves d'enseignements de spécialité au baccalauréat. Lesquelles sont prévues en mars pour les élèves de terminale. Pour le Snes-FSU, "l'heure est à la discontinuité pédagogique qui fragilise encore davantage les apprentissages".

"Dans ces conditions, comment croire qu'il est possible de préparer sereinement les épreuves de baccalauréat qui sont prévues dans sept semaines ?"

Le syndicat Snes-FSU

dans un communiqué

Dans ce contexte d'incertitude, le Snes-FSU demande au ministère de l'Éducation nationale de reporter les épreuves de spécialité du baccalauréat de mars à juin. En 2021, ces épreuves avaient été annulées et remplacées par une évaluation sur la base "des moyennes des trois trimestres de terminale de ces enseignements". Le Snes-FSU avait alors exprimé ses réserves sur l'évaluation en contrôle continu, potentiel "facteur d'inégalité" selon lui.

Pour dénoncer la fatigue des professionnels et la politique éducative du gouvernement  

Face au "mépris gouvernemental", le Snuipp-FSU assure, auprès de l'AFP, qu'il proposera de nouvelles grèves si rien ne change après le 13 janvier. Car, pour le syndicat, "cette colère des personnels n'est pas un épiphénomène conjoncturel, mais prend racine à la fois dans l'incapacité doublée d'incompétence à gérer la crise sanitaire à l'école et aussi plus globalement dans la politique éducative conduite depuis cinq ans qui abîme l'école et méprise les personnels".

Une analyse également partagée par plus de 2 700 professionnels de l'éducation et par des médecins, qui dans une tribune publiée le 8 janvier dans Le Journal du dimanche ont dénoncé la politique éducative d'Emmanuel Macron et de son ministre de l'Education, Jean-Michel Blanquer. Ils déplorent notamment le manque d'investissement, y compris pendant la crise sanitaire, pour assurer la sécurité des élèves et des enseignants, une insuffisance dans les annonces du Grenelle de l'Éducation et une absence de transparence de la part de leur ministre de tutelle. 

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