Covid-19 : pourquoi le gouvernement rechigne à mettre en place des mesures de freinage plus fortes
Alors que la septième vague prend de l'ampleur en France, l'exécutif préfère encourager plutôt que contraindre.
La 7e vague de Covid-19 déferle sur la France. L'Hexagone a passé, mardi 5 juillet, le seuil des 200 000 cas positifs quotidiens. Face à ce rebond de l'épidémie, le gouvernement rechigne à prendre des mesures de freinage. L'exécutif préfère encourager plutôt que contraindre. Invitée au journal de 20 heures de TF1, mercredi, la Première ministre, Elisabeth Borne, a invité au port du masque dans les "espaces fermés où il y a beaucoup de monde", mais "nous n'avons pas l'intention d'avoir une mesure nationale d'obligation". "J'en appelle à la responsabilité de tous pour freiner l’épidémie : portons le masque dans les lieux bondés, retrouvons les bons réflexes", avait déclaré le ministre de la Santé, François Braun, mardi devant des députés.
Franceinfo décrit pourquoi l'exécutif ne tranche pas en faveur de décisions plus fermes.
Parce qu'il espère que ses consignes seront respectées
Face à la commission des lois, François Braun a affirmé que la stratégie du gouvernement était "claire". Celle-ci, a-t-il expliqué, s'articule autour de trois axes : le "renforcement des gestes barrières", "la vaccination des plus fragiles" et le recours à des traitements, comme le Paxlovid et les anticorps monoclonaux.
Sur le premier point, le ministre de la Santé appelle, sans obliger, à porter "des masques partout où nous sommes les uns sur les autres", et a rappelé l'importance du lavage des mains. "Rappelons les gestes barrières, nos concitoyens sont responsables et ils les utiliseront", a-t-il déclaré.
Sur le deuxième axe, François Braun a affirmé que "la vaccination contre les formes graves [sauvait] des vies", ajoutant avoir comme "médecin urgentiste, vu bien trop de morts évitables". C'est pourquoi il encourage les personnes les plus vulnérables, les plus de 60 ans et les immunodéprimées, à recevoir une deuxième dose de rappel (ce qui correspond à une troisième injection ou une quatrième, selon les cas).
Quant aux traitements, comme le paxlovid, le ministre a noté qu'ils permettaient de "réduire très significativement les risques d'hospitalisation pour les personnes fragiles". François Braun a précisé que "1 500 patients [avaient] bénéficié du traitement cette dernière semaine", soit une progression de plus de 50% par rapport à la semaine précédente.
"Il faut se faire vacciner quand on est fragile, et il faut le faire maintenant, alors que nous n'avons pas atteint le pic [de la septième vague]", martèle @fbraun55.#DirectAN #COVID19 pic.twitter.com/iW6bXULtx7
— LCP (@LCP) July 5, 2022
Parce qu'il espère une vague moins forte que les précédentes
Le ministre de la Santé a bien relevé une augmentation les admissions dans les services hospitaliers conventionnels et, dans une moindre mesure, en soins critiques. Toutefois, il a souligné que cette hausse est, jusqu'à maintenant, "très en deçà du pic de janvier" et sans comparaison avec les vagues précédentes, "d'une ampleur encore plus importante". Se montrant confiant, il a tout de même affirmé que le gouvernement restait "extrêmement attentif à l'évolution de la situation dans le contexte que nous connaissons sur l'hôpital".
Quand ce pic sera-t-il atteint et quelle sera sa hauteur ? "Je ne peux pas vous dire avec certitude quand le pic épidémique sera atteint, a concédé le ministre. Les scientifiques esquissent un horizon à deux ou trois semaines et pointent les incertitudes des projections à ce stade. Ce que nous observons des pays qui ont connu avant nous une circulation virale comparable à celle que nous vivons, c'est qu'ils ont atteint leur pic en six semaines environ", a déclaré François Braun, mentionnant l'Afrique du Sud et le Portugal.
"Nous connaissons une septième vague de Covid-19", assure le ministre de la Santé, @fbraun55.
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Il présente un projet de loi présentant des mesures "minimales, mais nécessaires".#DirectAN #COVID19 pic.twitter.com/s8PlpTTd5y
Au Portugal, les deux dernières vagues (celles de mars et de mai-juin) ont été largement moins fortes que celle de l'hiver 2021-2022, en nombre de cas positifs. Mais il s'avère difficile d'appliquer la même formule en France. Faute de moyens et de données, les chercheurs et les épidémiologistes français n'ont pas pu établir de projections solides et fiables pour cette septième vague, une première depuis le début de la pandémie.
Parce que les vacances scolaires peuvent ralentir la propagation du virus
Les vacances scolaires sont considérées, par des spécialistes, comme un levier pouvant aider à contenir, en partie, la septième vague. "Il y aura une partie de freinage qui est due au fait que l'on sait maintenant que l'univers scolaire, avec une vaccination très faible des enfants, est un lieu de propagation du virus. Ça, c'est très clair avec l'absence de fermetures de classes", a estimé l'infectiologue Gilles Pialoux, sur franceinfo, fin juin.
>> VRAI OU FAKE. Covid-19 : la fermeture des écoles va-t-elle permettre de freiner l'épidémie ?
"Malgré les avis divergents des spécialistes, nous nous entendons tous sur le fait qu'il y a très certainement des contaminations dans les écoles et que les fermer, cela permet d'éviter ces contaminations", avait remarqué Pascal Crépey, épidémiologiste.
Cela reste à relativiser car l'"été est la période où aussi on voyage beaucoup plus", souligne Gilles Pialoux, ajoutant que "le taux de port du masque dans les transports en commun, dans les trains, les avions est d'un niveau très bas".
Parce que c'est politiquement délicat
Le Sars-CoV-2 est "un virus éminemment politique et social, qui s'ajuste à la temporalité politique, aux départs en vacances", a jugé Patrick Pelloux, président de l’association des médecins urgentistes de France, mercredi, sur Europe 1.
Patrick Pelloux, président de l'association des médecins urgentistes de France, au sujet de la 7ème vague : "C'est un virus éminemment politique et social, qui s'ajuste à la temporalité politique, aux départs en vacances (...) Mais cela va continuer" face à @SoMabrouk #Europe1 pic.twitter.com/YHRqK9ffni
— Europe 1 (@Europe1) July 6, 2022
"Enlever totalement le masque était une erreur. Il aurait fallu le garder, au moins dans les transports" ou "quand il y a des personnes fragiles", a estimé l'urgentiste. L'infectiologue Gilles Pialoux a également critiqué les choix "politiques" du gouvernement. Selon lui, se contenter de recommander le masque dans les lieux clos n'est qu'une "mesure d'attente".
Alors que la majorité présidentielle n'est que relative à l'Assemblée nationale, le gouvernement prend de la distance avec des mesures contraignantes pour des raisons politiques. Après plus de deux ans de pandémie, avec les vacances d'été qui débutent à peine, des décisions plus dures que des incitations risquent d'être impopulaires et pourraient ouvrir un boulevard de critiques aux oppositions.
Justement, celles-ci sont satisfaites de voir que le gouvernement ne se montre pas coercitif. "La moindre chose que vous imposerez, ça ne passera pas, a prévenu la députée insoumise et aide-soignante Caroline Fiat auprès de franceinfo. Il faut remettre la prévention sanitaire au cœur des débats chez les Français." La majorité présidentielle est sur la même ligne : "Ce qu'il faut, c'est pas embêter les Français. Il faut informer la population", a estimé le député MoDem et médecin Cyrille Isaac-Sibille. Pour lui, "il faut donner les recommandations et après il faut que chacun se sente responsable. Il faut responsabiliser".
Cela n'empêche pas la Nupes d'attaquer la stratégie du gouvernement. Pour la Nouvelle union populaire écologique et sociale, l'exécutif est "à mille lieux des enjeux sanitaires du moment" en omettant l'importance de la transmission par voie aérienne et le rôle-clé que pourraient jouer des purificateurs d'air et des capteurs de CO2 dans les lieux clos.
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