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Coronavirus : pour plus d'un Français sur quatre, le Covid-19 a été créé en laboratoire, selon une étude

Dans ce sondage, réalisé par l'Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès et l'Observatoire du conspirationnisme, les plus jeunes et les personnes les plus défavorisées apparaissent comme les plus sensibles aux théories du complot.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un laboratoire du Centre national de référence sur les virus respiratoires de l'Institut Pasteur, à Paris, le 28 janvier 2020. (THOMAS SAMSON / AFP)

Les "fake news" ont la peau dure. Pour 26% des Français, le coronavirus, responsable de la pandémie qui contraint plus du tiers de l'humanité au confinement, a été créé en laboratoire. Une fausse information pourtant maintes fois démentie. Cette statistique est le résultat d'un sondage, réalisé par l'Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès et l'Observatoire du conspirationnisme, que vous dévoile franceinfo, samedi 28 mars. 

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Dans le détail, 17% des sondés pensent que le SARS-CoV-2 a été développé intentionnellement et 9% estiment qu'il y a été fabriqué accidentellement, quand 17% ne se prononcent pas. Pour une majorité cependant (57%), le virus est apparu de manière naturelle.

Les moins de 35 ans croient davantage à cette intox

Plus les personnes interrogées sont jeunes, plus elles ont tendance à donner du crédit à cette rumeur. Les 18-24 ans sont ainsi 28% à estimer que ce coronavirus a été développé intentionnellement dans un laboratoire, alors que les 65 ans et plus ne sont que 6%.

La croyance en cette "fake news" varie aussi selon les catégories socioprofessionnelles. Les ouvriers (28%) et les employés (24%) sont plus sensibles à cette thèse complotiste que les travailleurs indépendants (13%) et les cadres (12%). Les sondés au chômage sont aussi plus nombreux (28%) que les personnes interrogées exerçant une activité professionnelle (20%) à croire que ce virus a été fabriqué en laboratoire.

Ce sondage révèle enfin que la propension à croire à cette intox fluctue selon l'orientation politique. Les électeurs ayant voté Marine Le Pen au premier tour de la dernière présidentielle sont de loin les plus enclins à avoir la conviction (38%) que cette fausse information est vraie. Les sympathisants de Jean-Luc Mélenchon sont, eux, 20% à y croire. Ceux d'Emmanuel Macron ne sont que 6%.

Des jeunes connectés, abreuvés de "fake news"

"Le sondage vérifie ce que nous avions déjà observé par le passé, lors des deux vagues d'enquête précédentes de décembre 2017 et de décembre 2018", analysent Rudy Reichstadt, fondateur de Conspiracy Watch, et Jérôme Fourquet, politologue et directeur du département opinion et stratégies de l'Ifop. "Tout se passe comme si un public aux caractéristiques générationnelles, socioculturelles et politiques bien caractérisées était structurellement réceptif à ces thèses ou argumentaires, et ce quelle que soit la nature de la crise."

Les générations les plus jeunes et les catégories sociales les plus défavorisées demeurent les plus perméables au complotisme.

Rudy Reichstadt et Jérôme Fourquet

Pour Rudy Reichstadt et Jérôme Fourquet, "cette plus grande porosité des jeunes générations" aux fausses informations est liée à leur "usage beaucoup plus développé des réseaux sociaux et d'internet", "principaux vecteurs de propagation des 'fake news'". A l'opposé des seniors "qui s'informent prioritairement par les médias classiques".

Une tendance à penser que "la vérité est ailleurs"

La sensibilité plus importante de la classe ouvrière aux intox a en revanche une autre explication, d'après le fondateur de Conspiracy Watch, et le politologue de l'Ifop. Si "les plus diplômés sont tendanciellement plus enclins à adhérer à une vision 'officielle' et scientifique des faits sociaux""les populations moins diplômées sont, en moyenne, plus ouvertes à des grilles de lectures alternatives de type 'la vérité est ailleurs'".

En outre, en raison de leur "profonde défiance vis-à-vis des élites et des autorités", argumentent Rudy Reichstadt et Jérôme Fourquet, "les milieux populaires ont une propension plus importante à croire à des récits mettant en scène des complots ou des stratégies secrètes mises en œuvre par des puissances institutionnelles ou financières pour servir leurs propres intérêts au détriment du peuple ou de ceux 'd'en bas'".

Un électorat d'extrême droite sensible à ces théories

Le pourcentage élevé d'électeurs d'extrême droite disant croire à cette rumeur est dû, selon Rudy Reichstadt et Jérôme Fourquet, "pour partie à une porosité traditionnellement assez développée de cet électorat à la rhétorique complotiste, et ce quel que soit le sujet". Mais aussi à "une sensibilité exacerbée de cet électorat sur les risques et les scandales sanitaires"De plus, rappellent-ils, "historiquement, l'extrême droite a toujours utilisé les registres sémantiques de l'épidémie". "Ce terreau idéologique et culturel contribue sans doute à la forte réceptivité actuelle de la thèse complotiste sur l'origine du Covid-19 dans les rangs de l'électorat" d'extrême droite, pensent-ils.

Mais cette enquête livre un autre enseignement, selon Rudy Reichstadt et Jérôme Fourquet. "Nous avons voulu savoir s'il existait une corrélation entre l'inquiétude ressentie face au coronavirus et l'adhésion conspirationniste, autrement dit, si la peur du virus était de nature à stimuler une plus forte croyance conspirationniste ou inversement. La faiblesse des écarts enregistrés ne plaide pas en faveur d'une telle hypothèse." Craindre d'être malade du Covid-19 n'incite donc pas, d'après cette étude, à se fier aux thèses complotistes. 

Enquête menée en ligne, entre le 24 et le 26 mars, auprès d'un échantillon de 1 008 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

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