Coronavirus : pourquoi Mayotte redoute "un tsunami" avec la crise sanitaire qui s'annonce
Avec seulement 16 lits de réanimation, le département d'outre-mer n'est pas équipé contre l'épidémie de coronavirus et s'attend au pire.
"C’est un tsunami qui s’annonce devant nous." Voilà le cri d'alerte lancé par le député de Mayotte Mansour Kamardine sur franceinfo, jeudi 26 mars. L'île, située entre Madagascar et le Mozambique, dans l'archipel des Comores, redoute une crise sanitaire sans précédent. Touchée par l'épidémie de coronavirus, elle comptabilisait, jeudi 26 mars, au moins 42 cas selon La 1ère. Un nombre en forte croissance, mais toujours peu représentatif : "Il y a une sous-estimation forte du nombre de cas", regrettait en début de semaine la directrice de l'ARS de l'île, Dominique Voynet.
3️⃣8️⃣2️⃣ cas de #coronavirus Outre-mer.
— La1ere.fr (@la1ere) March 26, 2020
► La Réunion : 115 cas
► Guadeloupe : 76 cas, un décès
► Martinique : 66 cas, un décès
► Mayotte : 42 cas
► Guyane : 30 cas
► Polynésie : 25 cas
► Nouvelle-Calédonie : 14 cas
► St-Martin/St-Barth : 14 cashttps://t.co/JI4nmZd4eW pic.twitter.com/5vontevHJ3
Mais face à l'urgence sanitaire, les mesures se font attendre : Mayotte, tout comme la Réunion, n'est passée au stade 2 de l'épidémie que mardi. Les politiques et soignants mahorais appellent la métropole au secours : "Dans le brouhaha de la crise en métropole, il n'est pas acceptable que le territoire le plus fragile de la République soit sacrifié dans le huis clos", écrivait ainsi samedi Mansour Kamardine au chef de l'Etat. Un appel à l'aide auquel Emmanuel Macron a répondu mercredi en annonçant l'envoi du porte-hélicoptères amphibie Mistral dans le sud de l'océan Indien.
Parce qu'il n'y a qu'un seul centre hospitalier
La mise en place du stade 2 de l'épidémie s'est accompagnée de l'ouverture d'une "deuxième filière aux urgences pour la prise en charge des patients présentant des difficultés respiratoires", a précisé l'ARS de Mayotte. Toutefois, avec un seul centre hospitalier pour une population estimée à présent à 400 000 habitants (256 000 habitants selon le recensement Insee de 2017), et seulement 16 lits de réanimation, le dispositif sanitaire est insuffisant. "Mayotte, ce n'est pas un désert médical, c'est le néant médical", a tempété le vice-président du Sénat Thani Mohamed Soilihi (LREM) sur Public Sénat. Pour cause, le département d'outre-mer dispose de seulement 80 médecins pour 100 000 habitants, alors que la moyenne nationale se situe à 437, selon un récent rapport du CESE.
Avec nos 16 lits de réanimation et nos 30 respirateurs, c'est un drame qui se profile.
Hanima Ibrahima Jouwaou, maire de Chironguidans une lettre adressée au président de la République
Parce que le confinement est impossible
A Mayotte, où 84% de la population vit sous le seuil de pauvreté, l'accès à l'eau potable n'est pas garanti à tous. D'après des chiffres de 2017, 29% des logements n'avaient pas d'eau courante, soit près de 80 000 habitants. De même, 6 logements sur 10 étaient ainsi dépourvus du confort sanitaire de base (eau courante, toilettes, ou douche). Dans de telles conditions, impossible de respecter les précautions sanitaires recommandées. "On ne peut donc pas demander aux gens d'adopter les gestes barrières, de se laver tout le temps les mains. Quand on n'a pas accès à l’eau, on ne se lave pas les mains", regrette auprès de franceinfo le député Mansour Kamardine.
Si le #COVID19 19 est un révélateur des écarts sociaux en France, il est également un révélateur de l'écart entre la métropole et ses Outre-mer. Là où vous manquez de gel, Mayotte manque de savon. Il y a urgence. Il ne nous reste que quelques jours pour éviter l'hécatombe.
— Cyril Castel (@13kapsy) March 23, 2020
Pour lutter contre l'expansion du coronavirus, l'île a été placée depuis mardi 24 sous couvre-feu entre 20 heures et 5 heures du matin. Un confinement total, comme en métropole, pourrait être envisagé mais serait extrêmement difficile à mettre en place. Avec plus 690 habitants au km2, Mayotte est le département français le plus dense hors Ile-de-France. Selon une étude de l'Insee de 2017, 4 logements sur 10 sont en tôle, et 57 % des logements mahorais sont surpeuplés. Difficile d'imposer un confinement dans de telles conditions.
Parce qu'il y a deux épidémies à gérer
Au manque de moyens humains et matériels se rajoute une conjoncture sanitaire tragique. Le territoire mahorais est actuellement touché par une épidémie de dengue, liée aux piqûres de moustiques. La préfecture comptabilise depuis le début de l'année 2 495 cas de dengue confirmés, 175 hospitalisations, dont 10 en réanimation. L'ensemble de l'île est concernée.
Le CHM à Mamoudzou, unique hôpital de l'île, est déjà saturé : "En temps normal, on n'est pas assez, on n'arrive pas à s'occuper de la population. Si tout le monde est contaminé, l'hôpital va fonctionner comment ?", alerte Ousseni Balahachi, secrétaire général de l'UI CFDT Mayotte à l'AFP. L'infirmier a appelé à un "droit de retrait" du personnel hospitalier. Plusieurs soignants ont déjà été contaminés par le Covid-19. La seule évacuation sanitaire possible devra se faire vers l'Hexagone, à dix heures d'avion, à moins que les renforts de la Marine, annoncés par le président de la République ne les prennent en charge. "Nous sommes dans la bonne direction, s'est réjoui Mansour Kamardine. J'ai cru comprendre que les bateaux qui viendront en renfort ont à peu près une capacité de 60 lits de réanimation. On approcherait donc le chiffre de 80 lits de réanimation sur l'île. Ce sera mieux qu'avant, mais rapporté à la population globale, c'est n'est pas encore suffisant", précise-t-il à franceinfo.
Parce que Mayotte est un refuge sanitaire pour les Comoriens
Autre mesure mise en place : l'isolation de Mayotte. Les vols entre la métropole et les départements et collectivités d'outre-mer sont interdits depuis lundi minuit, jusqu'au 15 avril. Toutefois, l'immigration clandestine, en provenance des Comores est à craindre. Les embarcations légères à moteur, kwassas kwassas, par lesquelles arrivent les migrants, ne sont désormais plus interceptées, mais repousées. Les autorités de l'île craignent un afflux massif de Comoriens, l'Union des Comores étant l'un des pays les plus pauvres au monde.
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