Coronavirus : ce que l'on sait de la contamination à bord du porte-avions "Charles-de-Gaulle"
Selon un bilan provisoire, 668 marins du "Charles-de-Gaulle" ont été testés positifs au coronavirus, a annoncé le ministère des Armées mercredi. Une enquête de commandement sur la gestion de l'épidémie à bord du porte-avions a été ouverte.
Plus d'un tiers de l'équipage testé positif au coronavirus. Quelque 668 marins du porte-avions Charles-de-Gaulle et de la frégate de défense aérienne Chevalier-Paul sont porteurs du virus, selon un bilan provisoire publié, mercredi 15 avril, par le ministère des Armées.
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Les 1 900 marins à bord ont rejoint le port de Toulon (Var), dimanche, avec 11 jours d'avance, après la découverte initiale de 50 cas de Covid-19. Le Charles-de-Gaulle est le second porte-avions contaminé officiellement dans le monde, après le porte-avions américain USS Theodore Roosevelt, dans le Pacifique. Franceinfo fait le point sur la situation.
Un bilan amené à évoluer
Quelque 1 700 militaires voyageaient à bord du porte-avions Charles-de-Gaulle, et 200 étaient présents sur la frégate. Une quarantaine de cas suspects, présentant des "symptômes compatibles" avec le coronavirus avaient dans un premier temps étaient rapportés, le 8 avril. Deux jours plus tard, le ministère des Armées indiquait que 50 cas de coronavirus avaient été confirmés à bord et que trois marins avaient déjà été évacués vers un hôpital de Toulon.
"En date du 14 avril au soir, 1 767 marins du groupe aéronaval ont été testés. La grande majorité de ces tests concerne à ce stade des marins du porte-avions ; 668 se sont révélés positifs", rapporte le ministère des Armées, mercredi. Un bilan encore temporaire, amené à gonfler car "30% de ces tests n'ont pas encore livré leurs résultats" et "la campagne de tests est encore en cours", ajoute le ministère.
L'ensemble des marins en quarantaine
Au total, 31 membres de l'équipage ont été admis à l'hôpital d'instruction militaire des armées Sainte-Anne de Toulon (Var), "dont un en réanimation", précise le ministère. Les marins ont tous été placés en quarantaine pour 14 jours et disséminé sur plusieurs sites militaires du Var.
L'origine de la contamination encore inconnue
Après la découverte des premiers cas, le ministère a ordonné, le 8 avril, l’envoi immédiat d'une équipe du Service de santé des armées (SSA) sur le porte-avions, composée de deux épidémiologistes, d'un expert en biosécurité et d'un médecin en charge des prélèvements.
Pour l'heure, l'origine de la contamination du porte-avions n'est pas encore connue. L'équipage n'avait pas été en contact avec l'extérieur depuis une escale à Brest du 13 au 15 mars. Les marins avaient pu descendre à terre, mais en respectant les gestes barrières et l'interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes en vigueur à l'époque. Le porte-parole de la Marine nationale, Eric Lavault, a assuré, vendredi, que les mesures de précaution applicables à l'époque à l'ensemble du pays avaient été respectées durant cette escale.
Trois semaines se sont donc écoulées entre celle-ci et l'apparition des premiers cas, au-delà de la période d'incubation habituellement retenue de 14 jours.
Un retour anticipé décidé
Le groupe aéronaval français était en mission depuis le 21 janvier et avait passé plusieurs semaines en Méditerranée dans le cadre de l'opération Chammal, volet français de l'opération internationale antijihadistes Inherent Resolve en Irak et en Syrie. Il a croisé ensuite en mer du Nord et dans l'Atlantique, pour des opérations de sécurisation et de défense des approches maritimes européennes.
Lorsque son retour anticipé a été décidé, il se trouvait au large du Portugal. Les objectifs de la mission, qui devait initialement prendre fin le 23 avril prochain, "ont été atteints", a assuré le ministère, ajoutant que la réduction de durée de la mission ne posait aucun problème stratégique ou opérationnel.
Une série de mesures prises dans le porte-avions
Après la découverte des premiers cas, le port du masque, au départ prévu pour ceux qui montraient des symptômes de la maladie, a été généralisé à l'ensemble de l'équipage. Outre la désinfection des rampes et poignées de portes sur le navire, le nombre de réunions et de participants a été réduit. Une partie du personnel a été confinée. L'équipe médicale, composée d'une vingtaine de soignants, a été mobilisée. Le porte-avions dispose également d'une salle d'hospitalisation, d'une douzaine de lits, de respirateurs et d'un scanner.
Après l'acostage du porte-avions, "les opérations de désinfection des aéronefs et des bâtiments de surface ont débuté", menées par les armées en lien avec des industriels, souligne le ministère. De la vapeur d'eau à haute température et du produit antivirus vont être utilisés.
Une gestion de la crise pointée du doigt
Toutefois, des témoignages de marins ou de proches soulèvent, sous couvert d'anonymat, des questions sur la gestion de la crise à bord. Le site Médiapart affirme avoir identifié deux cas de marins présentant des symptômes sans pour autant être confinés. "A partir du 3 ou 4 avril, la situation a empiré très rapidement", selon le proche d'un marin. Selon les informations de Mediapart, toutes les précautions n'ont pas été prises à bord afin de limiter la propagation du virus.
"L'armée a joué avec notre santé, notre vie", estime pour sa part un membre d'équipage, père de famille, testé positif, interrogé par France Bleu Provence. "Les mesures barrières étaient difficiles à respecter à bord du porte-avions", poursuit ce Varois. Il assure que le commandant du porte-avions aurait proposé d'interrompre la mission à Brest, quand plusieurs marins présentaient selon lui déjà les symptômes du coronavirus. Toujours d'après ce marin anonyme, cette proposition aurait été refusée par le ministère.
Le chef d'état-major de la Marine, l'amiral Christophe Prazuck, "a ordonné une enquête de commandement afin de tirer tous les enseignements de la gestion de l'épidémie au sein du groupe aéronaval et pour faire toute la lumière sur les conditions de propagation du virus à bord du porte-avions", répond le ministère des Armées. L'enquête prendra plusieurs semaines. Les députés de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées entendront, quant à eux, la ministre des Armées, Florence Parly, vendredi 17 avril.
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