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Coronavirus : quatre questions pour comprendre la décision d'Amazon de suspendre ses activités pendant cinq jours après le rappel à l'ordre de la justice

Le tribunal de Nanterre a rendu une décision qui contraint l'entreprise à se limiter aux envois de produits essentiels. Amazon a répliqué en annonçant la suspension du 16 au 20 avril des activités de ses centres de distribution en France. 

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Le logo de la société Amazon, le 28 novembre 2019, sur le centre de distribution de Brétigny-sur-Orge (Essonne). (THOMAS SAMSON / AFP)

Amazon revoit sa copie en France. L'entreprise américaine a été sommée de se limiter à la livraison des produits essentiels, le temps d'évaluer correctement les risques sanitaires. En réaction à cette décision judiciaire, la société de commerce électronique a donc annoncé la fermeture, mercredi 15 avril, de ses sites français pour cinq jours. Celle-ci prend effet jeudi et durera jusqu'au lundi 20 avril inclus. Franceinfo revient sur les conséquences de cette décision de justice pour Amazon.

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Un comité social et économique (CSE) convoqué mercredi s'est prononcé par 14 voix sur 18 votants en faveur de cette fermeture pour nettoyer les sites et évaluer les risques, a indiqué à l'AFP un délégué CGT, Emilien Williatte. Selon la direction, les salariés seront payés à 100% de leur rémunération pendant cette fermeture.

Que contient la décision de justice du tribunal de Nanterre ?

Amazon France va devoir conduire une véritable évaluation des risques et s'en tenir aux envois de produits essentiels sous peine d'une amende d'un million d'euros par jour de retard et par infraction, selon une décision de justice rendue mardi. Le tribunal judiciaire de Nanterre (Hauts-de-Seine) explique, dans sa décision, que le géant du commerce en ligne a "de façon évidente méconnu son obligation de sécurité et de prévention de la santé des salariés". Le tribunal mentionne ainsi les portiques qui équipent tous les sites, "une source de contamination importante" aux heures de pointe, la manipulation des colis par plusieurs intervenants, les situations de travail rapprochées...

Le tribunal reproche surtout à Amazon de n'avoir produit "aucun procès-verbal de réunions des CSE (comité social et économique) ni du CSE central depuis le début de l'épidémie". "Il y a dès lors lieu de considérer que les instances représentatives du personnel n'ont pas été associées à l'évaluation des risques que la direction aurait menée", relève la juridiction.

Les syndicats CFDT, CGT et SUD alertent depuis le début de l'épidémie sur les risques de contamination dans les entrepôts et le manque de transparence de l'entreprise. Selon Laurent Degousée, codélégué du syndicat SUD-Commerce à l'origine de la plainte, plusieurs salariés ont été testés positifs au Covid-19 et l'un d'entre eux, du site de Brétigny-sur-Orge (Essonne), serait en réanimation.

Quelle est la réponse d'Amazon ?

L'entreprise, qui envisage de faire appel, a d'abord expliqué dans un communiqué qu'elle pourrait être contrainte "de suspendre l'activité" de ses centres de distribution et de "restreindre" son service en France, après cette décision judiciaire. La société a mis à exécution sa menace mercredi en fin d'après-midi. Ainsi, l'activité de ses entrepôts dans l'Hexagone est suspendue au moins jusqu'au 20 avril, le temps de procéder à une évaluation des risques professionnels exigée par la justice.

"Ils reconnaissent donc que ce n'est pas possible d'évaluer les risques et de poursuivre l'activité en même temps, donc ça montre qu'ils n'ont pas évalué sérieusement jusque-là, réagit pour franceinfo l'avocate Judith Krivine, qui défend le syndicat SUD-Solidaires. Ils veulent aller au-delà de ce que leur demande le tribunal, en arrêtant totalement. C'est l'occasion ou jamais de mettre en place un vrai dialogue et de réfléchir aux moyens de préserver la santé des salariés."

"La décision rendue hier par le tribunal judiciaire de Nanterre nous laisse perplexes compte tenu des preuves concrètes qui ont été apportées sur les mesures de sécurité mises en place pour protéger nos employés, se défend de son côté Amazon dans son communiqué. Celles-ci comprennent notamment des contrôles de température, la distribution de masques et une distanciation sociale renforcée et ont reçu l’approbation d’experts de santé et de sécurité qui ont visité plusieurs de nos sites." L'entreprise assure avoir distribué sur ses sites "plus de 127 000 paquets de lingettes désinfectantes, plus de 27 000 litres de gel hydroalcoolique, ainsi que plus de 1,5 million de masques".

"Amazon n'est pas resté les bras croisés, mais il y a beaucoup d'effets d'annonce, d'affichage… La quantité ne fait pas la qualité, répond Laurent Degousée, du syndicat SUD-Commerce, interrogé par franceinfo. Par exemple, ils vous disent qu'ils prennent la température des travailleurs, mais ça ne sert à rien. Vous pouvez être asymptomatique, et en plus cela fait un point de contact supplémentaire." 

Que réclament désormais les syndicats ?

Les syndicats espèrent que l'entreprise va mettre à profit le temps de fermeture de ses entrepôts pour évaluer les conditions sanitaires et discuter avec les représentants du personnel. "Les salariés ont des propositions à faire, un colis pourrait par exemple être traité par une seule personne de bout en bout, au lieu de le passer de main en main", précise ainsi l'avocate Judith Krivine.

"Il faut arrêter les 'safety angels', ces intérimaires chargés de jouer les 'gardes-chiourmes' qui sautent au cou des salariés si vous avez le malheur de ne pas respecter les consignes sanitaires, comme par exemple les deux mètres de distance entre chaque personne, réclame de son côté Laurent Degousée. On veut faire croire qu'il s'agit d'un problème de comportement individuel et du coup les salariés viennent au travail avec la peur au ventre." Le syndicaliste estime aussi qu'il faudrait  pouvoir rendre le port du masque obligatoire, mais "cela pose des problèmes d'intendance. Avons-nous assez de masques ?"

Enfin, Laurent Degousée espère qu'il y aura un maintien de salaire à 100% pour les employés mis au chômage partiel. "J'ai encore vu les résultats de la Bourse hier, ça se passe bien pour [le PDG d'Amazon] Jeff Bezos [l'action du groupe est effectivement en hausse de puis le début de la crise sanitaire]. Donc, il peut aussi penser à la santé et à la sécurité des travailleurs et pas seulement à son portefeuille." L'entreprise semble s'engager dans cette direction. Selon l'AFP, Amazon compte demander une convention de chômage partiel pour ses salariés à l'administration, et précise assurer leur rémunération à 100%.

Quelles peuvent être les conséquences pour les clients d'Amazon ?

Avec la fermeture des entrepôts pendant cinq jours, une partie des produits vendus sur Amazon pourraient être temporairement indisponibles. "Je ne suis pas là pour priver la France de consoles de jeux ou de crayons de couleurs, mais on essaye d'évaluer l'intérêt général, qui n'est pas toujours la somme des intérêts particuliers, assume Laurent Degousée. On parle de la santé, voire de la vie, de dizaines de milliers de travailleurs si on prend toute la chaîne."

Il s'agit de faire en sorte que les salariés puissent travailler dans des conditions qui ne mettent pas leur santé en danger, et donc celle de leurs proches, de leurs clients et de la population.

Judith Krivine, avocate

à franceinfo

Mais selon le magazine Capital, la suspension de l’activité dans les entrepôts ne signifie pas pour autant que les clients ne pourront plus passer aucune commande sur le site d'Amazon. Une majorité des produits vendus par le géant de la commande en ligne est en réalité commercialisée par des vendeurs indépendants qui utilisent Amazon comme une vitrine. Ces derniers pourraient continuer de vendre normalement, à condition de prendre charge eux-mêmes le stockage et l’expédition des produits. Mais la décision judiciaire concernant Amazon pourrait également inspirer d'autres syndicats et contraindre d'autres entreprises à respecter scrupuleusement les règles sanitaires.

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