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Aides publiques pour Air France-KLM : la compagnie est "en soins intensifs" et devra "revoir son périmètre d'offre"

Gilles Savary, ancien député PS et consultant spécialiste des transports, se projette sur les difficultés au long terme du secteur de l'aérien. Pour lui, une nationalisation d'Air France n'a rien d'obligatoire.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Un A 350 de la compagnie Air France. (STÉPHANE IGLÉSIS / RADIOFRANCE)

La France et les Pays-Bas ont promis une aide d'environ dix milliards d'euros pour soutenir le groupe aérien Air France-KLM. L'Etat français versera pour sa part sept milliards d'aide publique. Air France est "en soins intensifs", a affirmé samedi 25 avril sur franceinfo Gilles Savary, ancien député PS et consultant spécialiste des transports.

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Il y aura "des contreparties" aux aides, souligne Gilles Savary. L'urgence est "la survie" financière. La compagnie devra donc "revoir son périmètre d'offre en fonction d'une compétitivité internationale très compliquée".

Bruno Le Maire promet donc un prêt 7 milliards d'euros. Est-ce que ce sera suffisant ?

Je doute que ce soit suffisant. Il va falloir que la compagnie revoie son périmètre, parce que la crise ne va pas se limiter à l'étape du confinement puis du déconfinement. On ne sait pas quand les frontières vont se rouvrir. On sait que le tourisme va être très fortement impacté. En conséquence, c'est sans doute pour plusieurs mois, voire plusieurs années, que le transport aérien va subir cette crise hors normes, et dans tout le secteur aérien. Lufthansa a déjà commencé à supprimer un certain nombre de ses filiales, à réaménager ses vols intérieurs et à se séparer de sa filiale low cost Germanwings. Donc je pense qu'Air France va devoir effectivement revoir son périmètre d'offre en fonction d'une compétitivité internationale très compliquée. Ils sont à la fois concurrencés par le low cost sur le long-courrier, et ils le sont désormais sur le long-courrier, leur fleuron, par le Golfe, qui est devenu un peu plus central et probablement demain par les compagnies du Sud-Est asiatique.

Air France va aussi supprimer des postes, 1 500 d'ici deux ans.

J'espère qu'on restera à 1 500. Normalement cela se fait sur la base du volontariat. Ces 10 milliards de prêts sont bienvenus. Car les compagnies aériennes, c'est trop peu connu, sont extrêmement fragiles. Elles ont des taux de marge extrêmement faibles, inférieurs à 2 %. Quand on a des avions immobilisés, on a des coûts fixes considérables qui se payent tous les jours. Et quand ça ne fonctionne pas, quand (les avions) sont réduits à rester au sol, on va très vite vers la faillite. L'Etat a bien fait d'intervenir et il ne sera pas le seul. Il l'a fait par des prêts. Est-ce qu'il ira plus loin ? La question se pose justement.

L'Etat, pour le moment, refuse de parler de nationalisation. Pour vous, il faudrait aller jusque-là ?

Ça n'est pas obligatoire. Air France est très important pour la France, comme pour les Pays-Bas et pour l'Europe en général. Parce que l'Europe est producteur du premier avion du monde, Airbus. Cela a des conséquences aussi sur la production industrielle. On considère aujourd'hui que le secteur aérien en France, c'est 1,1 million de salariés qui sont concernés. Si on prend Airbus plus l'ensemble des sous-traitants d'Airbus, plus l'ensemble des services aux aéroports, c'est tout à fait colossal. Cela impacte très directement un pays comme la France, où l'aérien est un des rares postes qui est excédentaires en matière d'échanges extérieurs. Est-ce qu'il faut nationaliser ? Ce n'est pas sûr. Je vous rappelle qu'en outre les deux Etats français et néerlandais sont dans le capital d'Air France-KLM. Je pense qu'on n'en aura pas fini d'aider les compagnies sous une forme ou sous une autre.

Il y a des contreparties aux aides publiques, en termes de rentabilité, mais aussi d'écologie. Air France, compagnie aérienne la plus propre de la planète. Est-ce que c'est crédible?

Oui, c'est crédible. Ça peut se faire. La question sera celle de la concurrence. Tout dépendra quelles sont les conditions de coût, alors qu'Air France va sortir extrêmement abîmée de cette séquence. Mais il est normal qu'il y ait des contreparties. La première des contreparties, c'est de faire en sorte qu'Air France revienne sur des bases économiques solides dans un monde qui est forcément ouvert, parce qu'on ne fait pas du trafic aérien à l'intérieur de ses frontières. Je pense que la rentabilité, c'est d'abord la survie. Actuellement, ils sont en soins intensifs. Ils sont sous respiration artificielle de l'État. Il faudra en sortir. Ça ne pourra pas être éternel. Je ne dis pas que l'écologie ne sera pas un objectif important. Mais en tout état de cause, là où il y a le feu aujourd'hui, c'est dans les finances.

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