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Accord sur l'exportation des céréales : le retrait de Moscou est-il vraiment une surprise ?

L’accord céréalier en Mer noire a expiré lundi 17 juillet. La Russie a refusé de le renouveler et pèse ainsi sur l’équilibre mondial.
Article rédigé par Elise Delève
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Des agriculteurs ukrainiens récoltent des céréales dans la région d'Odessa, dans le sud de l'Ukraine, le 23 juin 2023. (IGOR TKACHENKO / EPA)

Coup de théâtre ou partie d’échecs ? Lundi 17 juillet, la Russie a annoncé suspendre sa participation à l’accord céréalier en mer Noire. Cet accord garantissait l’acheminement du blé ukrainien par un corridor sécurisé. En un an, 33 millions de tonnes de céréales et autres denrées sont passées par cette voie. La tension est montée toute la semaine dernière. Et dès le week-end, Vladimir Poutine laissait entendre qu’il n’allait pas accepter de prolonger l’accord. L’annonce de lundi n’est donc pas une totale surprise.

>> Guerre en Ukraine : quelles sont les exigences de la Russie pour prolonger l'accord sur l'exportation des céréales ?

Ce corridor en mer Noire est l'une des cartes du jeu du Kremlin pour peser sur l'équilibre du monde. Et il ne va pas se priver. D’ailleurs, depuis sa signature, le 22 juillet 2022, l'accord a été prolongé trois fois. Et à chaque fois, Moscou a fait du chantage. La Russie a même déjà suspendu sa participation pendant quelques jours en octobre dernier après une attaque ukrainienne en Crimée. Les exportations s’étaient poursuivies, sans Moscou.

Que cherche la Russie ?

La Russie cherche ici en réalité à montrer son pouvoir et son influence. En instrumentalisant l'accord, Poutine reprend les rênes du récit, il dicte sa volonté, et le monde s'offusque. Il faut dire que ces dernières semaines, le maître du Kremlin a dû encaisser : la rébellion avortée de Prigojine et ses combattants de Wagner, le silence brisé de haut gradés de l’armée russe sur le manque de moyens, et les discussions à l’Otan qui avancent sur la Suède – la Turquie, grand allié de Poutine a finalement levé son veto.

Il y a aussi des raisons économiques. Le Kremlin estime la Russie rencontre toujours des obstacles à l'exportation de son blé et de ses engrais, contrairement aux obligations de l'accord. Il réclame aussi la réintégration de la banque agricole de Russie, Rosselkhozbank, dans le système international de règlements bancaires Swift.

Quelles conséquences ?

Maintenant, que l’accord a expiré, quelles sont les conséquences ? Dans l’immédiat, il devrait y en avoir peu. Les récoltes de blé ne s'annoncent pas mauvaises dans l’hémisphère nord, on n'est pas dans une situation aussi tendue qu'au début de la guerre. Sur la mer Noire, si les assureurs continuent de prendre en charge les cargos, les exportations pourraient se poursuivre, sans la Russie. C'est la volonté de Volodymyr Zelensky qui en a discuté lundi soir avec le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Il y a aussi des alternatives par voies terrestre et fluviales, via le Danube.

Mais, si les assureurs gèlent les contrats, ou que Russes attaquent les ports ukrainiens, les bateaux ne prendront pas le risque de circuler jusqu'au Bosphore. À moyen terme, cela veut dire moins de céréales, et des prix qui augmentent. Alors que des millions de personnes souffrent de la faim dans le monde, certains redoutent le pire pour les pays africains.

À moins... que la Russie revienne sur sa décision : c'est possible si elle obtient des garanties pour affaiblir les sanctions. Et Poutine aura gagné cette manche.

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