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Transition énergétique : sur la piste du lithium, ce nouvel "or blanc" dans les sous-sols d'Alsace

L'entreprise Eramet a trouvé ce métal dans des saumures, des eaux extrêmement chaudes, à une soixantaine de kilomètres de Strasbourg. Et son extraction est porteuse d'espoir pour l'indépendance minière française. Reportage.

Article rédigé par Etienne Monin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Production du carbonate de lithium provenant des saumures alsaciennes.  (ERAMET)

C'est devenu un enjeu stratégique. Il y a quelques semaines, un groupe français a réussi à prouver que du lithium dans le sous-sol du Bas-Rhinà quelques kilomètres seulement de Strasbourg. Ce métal léger, déjà présent dans nos téléphones et ordinateurs portables, est devenu l’un des matériaux cruciaux de la transition énergétique : il va notamment servir à construire des millions de batteries pour les voitures électriques. Son exploitation, délicate, pourrait mettre fin, ou tout du moins, limiter la dépendance française au lithium. 

Pour mettre la main sur ce "nouvel or blanc", il faut taper à la porte d'Eramet. Ce groupe, spécialisé dans les minerais, planche depuis peu sur cette nouvelle activité d'extraction de lithium. D’abord en Argentine, puis en France : depuis trois ans, il prospecte en Alsace. Alors que la France est très dépendante du lithium d'Amérique du Sud ou de Russie, Eramet a réussi à prouver il y a quelques semaines que l'on pouvait extraire du lithium du sous-sol français, à quelques kilomètres de Strasbourg

Le résultat, c’est un échantillon de carbonate de lithium sorti d’une petite boîte. "Pour visualiser, ça c'est le carbonate. Cela ressemble à une poudre blanche. Et celui-là est de qualité batterie", c'est-à-dire qu'il peut être utilisé pour fabriquer des batteries de voitures électriquesexplique Nicolas Verdier, responsable à la direction de la stratégie du groupe Eramet. 

Le lithium découvert grâce à la géothermie

Lithium extrait en Alsace.  (ERAMET)

Pour comprendre comment s’articule cette opération, franceinfo s'est donc rendu à une soixantaine de kilomètres de la capitale alsacienne, devant les machines d'Électricité de Strasbourg. Une installation de géothermie y capte de l’eau extrêmement chaude, des saumures, à 2 600 mètres de profondeur, pour fournir de l’énergie à une entreprise. C'est dans cette eau que l'on trouve du lithium. 

"Les scientifiques ont encore des débats sur l'origine : est-ce que ça vient du granit, est-ce que ça vient du grès... ? En tout cas, une chose est certaine : aujourd'hui, il y a du lithium dans le fossé rhénan", explique Christophe Neumann, directeur du développement industriel pour Électricité de Strasbourg. "Nous avons constaté une concentration stable du lithium dans les saumures."

"Le potentiel est là"

Christophe Neumann

à franceinfo

Eramet s’est donc connecté à l’installation de géothermie, et a filtré en quelque sorte les saumures, avant de les remonter à la surface et de récupérer le lithium. Ce projet pilote, soutenu par l’Europe, fonctionne et a un impact limité sur l'environnement selon Nicolas Verdier, le responsable à la direction de la stratégie du groupe : "D'une part, il est sans C02, et d'autre part, on a beaucoup de boucles de recyclage. Donc pour la réutilisation de la ressource en eau par exemple, c'est un procédé très limité en termes d'impact", assure-t-il, même si "comme n'importe quel processus industriel, on ne peut pas dire qu'il y ait zéro impact. Mais c'est extrêmement positif en termes d'exploitation".  

Un projet pilote respectueux de l'environnement 

Notre sous-sol dispose de grandes quantités de lithium, déjà exploitées pour la céramique ou pour teinter le verre. Mais l’intérêt économique était limité il y a dix ans. Aujourd’hui, avec quelques autres matières premières, le lithium est devenu ce qu’on appelle un "minerai critique". L’Europe estime qu’on en consommera 18 fois plus d’ici huit ans, pour les batteries de voitures électriques qui seront construites notamment dans deux méga-usines en France. 

Le BRGM, le Bureau de recherches géologiques et minières, a donc cartographié le sous-sol. "Si on considère uniquement les saumures, les premières estimations montrent que cette ressource pourrait constituer entre 20 et 30% de la demande dans les années à venir", explique Romain Millot, qui a suivi le site pilote en Alsace pour le BRGM. "Il faut donc envisager d'autres sources de lithium, notamment qui serait contenu dans le sous-sol, sous nos pieds, dans des granits ou des pegmatites à métaux rares."

Usine Électricité de Strabourg.  (ERAMET)

L'avenir du minerai en France ? 

Ces réserves rocheuses de lithium se trouvent dans le Massif central et en Bretagne. Mais c’est un procédé d’extraction plus compromettant pour l’environnement. Plusieurs start-up ou societés sont sur les rangs, et Eramet a pour l’instant un temps d’avance. Mais la capacité d’extraction près de Strasbourg n’est pas suffisante pour l’entreprise. Pour son responsable à la direction de la stratégie, Nicolas Verdier, il faudrait pouvoir changer d’échelle : "Sur ce marché du lithium, on est dans une compétition mondiale", explique-t-il. "Les autres producteurs sont Australiens, en Amérique du Sud ... donc il faut qu'on soit compétitif à l'échelle mondiale également."

Pour cela, le groupe Eramet doit atteindre "une taille critique, c'est-à-dire une exploitation suffisamment importante. L'enjeu, notamment, avec Électricité de Strabourg, c'est de vérifier dans les prochains mois qu'on peut augmenter la taille de notre production, qu'on peut agréger peut-être plusieurs productions unitaires pour atteindre une taille critique suffisante en France." Pour atteindre cet objectif, Électricté de Strasbourg espère obtenir trois nouvelles concessions.

La semaine du 10 janvier, l’ancien PDG de Peugeot, Philippe Varin, a présenté un plan au gouvernement pour essayer de sécuriser l‘approvisionnement en métaux critiques pour les batteries. En attendant, l’Europe dépend pour le lithium du Chili, des États-Unis et de la Russie. 

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