Hôpitaux débordés, inflation record, grèves en série… Le Royaume-Uni traverse une passe difficile après la mort d'Elizabeth II
La rentrée est particulière pour les Britanniques, parce qu’ils ont perdu leur reine, Elizabeth II, mais surtout parce que le pays semble empêtré dans les problèmes, les dysfonctionnements, les grèves.
Deux semaines après les funérailles d'Elizabeth II, le Royaume-Uni est secoué par la crise. De nombreux secteurs économiques sont touchés par des grèves pour réclamer de meilleurs salaires. Dans les hôpitaux, la situation pire qu'en pleine pandémie du Covid. Le système de santé publique britannique, le NHS (National Health System), est complètement saturé. On loue sans cesse l’abnégation des infirmières, des médecins. Quelques-uns ont même été conviés aux obsèques de la Reine Eizabeth II, le 19 septembre.
Mais leur réalité, ce sont 6,8 millions de personnes qui patientent pour des rendez-vous, avec, parfois, plus d’un an d’attente pour un examen. Des spécialistes alertent sur le retard pris dans la détection de maladies graves comme le cancer. À ce rythme, évidemment, les services hospitaliers vont poser des diagnostics bien trop tard avec des conséquences graves. Et même quand le diagnostic est posé, il faut attendre pour commencer le traitement. Faute de temps, de personnel.
>> Pourquoi le Royaume-Uni se retrouve dans la tourmente économique et financière ?
En Écosse actuellement, 25% des personnes qui ont un cancer n’ont toujours pas débuté les soins, plus de deux mois après le diagnostic initial. "Comme il y a de moins en moins de médecins, la pression sur nous est encore plus grande, relève, inquiet, le Dr Iain Kennedy qui président le principal syndicat de médecins en Écosse. Nous savions que la population vieillissait, nous savions que les patients auraient des pathologies plus complexes et nous n’avons tout simplement rien prévu. Nous n’avons pas formé assez de médecins et maintenant nous avons une crise." Les professionnels de santé réclament plus de moyens humains et financiers, la situation est pire qu’avant le Covid. Résultat : des grèves sont annoncées.
Des grèves pour demander de meilleurs salaires
Ces mouvements sociaux ne concernent pas que la santé publique, mais aussi les facteurs, les avocats, les dockers… Tous ont fait ou vont faire grève. Depuis cet été, les cheminots multiplient les arrêts de travail. C’était le cas samedi 1er octobre, ce sera encore le cas mercredi et encore le samedi suivant. À chaque fois, il est quasi impossible de trouver un train. Dans tous ces mouvements, il y a une revendication commune : de meilleurs salaires.
Parce que dans le même temps, le pays connaît une inflation record, près de 10%. Tous les prix augmentent : la nourriture, le logement, le carburant. Mais le pire c’est sans doute l’énergie. Le Royaume-Uni est dépendant des énergies étrangères, notamment du gaz. La guerre en Ukraine fait s’envoler les prix. Depuis deux jours, les tarifs réglementés ont encore augmenté. Malgré l’intervention du gouvernement, qui a plafonné cette hausse, certains foyers vont voir leur facture doubler par rapport à l’hiver dernier.
Au point que des lieux publics ou clubs sportifs se mobilisent pour cet hiver et vont proposer des "warm spaces", des endroits chauds. Pour que les gens qui n’auront pas les moyens de se chauffer chez eux viennent dans une salle communale ou un gymnase.
Une série de mesures très critiquées
Le gouvernement a évidemment bien conscience de cette situation et il a pris des mesures qui ont aggravé la situation. Tout juste arrivée au pouvoir, Liz Truss a fait ce qu’elle avait promis : des réductions d’impôts drastiques. Sauf que cette annonce, plus les mesures d’aide sur l’énergie, c’est une perte de plus de 100 milliards pour l’Etat. Et la Première ministre n’a donné aucune piste de financement. Résultat : les marchés financiers ont paniqué, la livre sterling a dévissé. Exactement l’inverse de l’effet escompté.
Au passage, une belle ristourne fiscale pour les plus hauts revenus, qui attise encore un peu plus la colère. "Les gens qui nous ont permis de traverser la pandémie, le personnel soignant, les employés du service public qui étaient en première ligne, ils avaient besoin d’une augmentation de salaire, dit Gary Smith, secrétaire général du syndicat GMB. Au lieu de ça, le gouvernement conservateur remplit les poches des banquiers et des spéculateurs."
"C’est scandaleux ce qui se passe dans ce pays."
Gary Smith, secrétaire général du syndicat GMBà franceinfo
Mais il n’y a pas que les syndicats qui sont incrédules. Le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque d’Angleterre se sont alarmés des choix financiers du Royaume-Uni. Parmi les conséquences que le ministre des Finances n’avait visiblement pas prévues, les banques s’affolent. En conséquence, elles augmentent les taux d’intérêt. Donc ceux qui ont un prêt immobilier à taux variable vont subitement payer beaucoup plus cher. Ceux qui envisageaient d’acheter voient leur capacité d’emprunt se réduire considérablement.
La défiance dans le propre camp de Liz Truss
La Première ministre reconnaît qu’elle n’avait pas assez prévenu de l’impact de ses décisions mais elle maintient le cap. Elle avait aussi annoncé qu’elle ne toucherait pas aux budgets des services publics. Mais une petite musique commence à monter dans son gouvernement : il va y avoir un examen serré de chaque dépense publique, ce qui devrait permettre de faire des économies. Liz Truss est persuadée que le salut du pays passe par la croissance économique, elle vise 2,5%. Sa théorie, classique chez les conservateurs, c’est : si les entreprises sont florissantes, la population finira par en bénéficier.
Mais dans son propre camp, certains la trouvent brutale. Quelques députés de la majorité ont même déjà envoyé une lettre de défiance en vue de provoquer un vote pour trouver un nouveau leader. Il ne manquerait plus qu’une nouvelle crise politique.
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