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Iran : garder le voile "ne me semblait pas juste", confie la championne d’échecs iranienne Sara Khadem

En décembre dernier, la joueuse de 25 ans a participé au championant du monde de parties rapides sans porter de voile, autrement dit sans respecte rle code vestimentaire de la fédération d’échec iranienne. Depuis, elle a quitté l’Iran et s’est installée en Espagne.

Article rédigé par Marion Lagardère
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
 

À 25 ans, Sara Khademalsharieh est déjà grand maitre d'échecs. Et si l’on parle d’elle aujourd’hui, ça n’est pas pour son palmarès, mais parce qu’elle avait osé jouer sans voile lors d’un tournoi en décembre, et qu’après trois semaines de silence, elle donne enfin des nouvelles. Elle vient d’accorder deux interviews, au quotidien espagnol El Pais et au britannique The Guardian, où elle dit qu’elle va bien, qu’elle est sécurité en Espagne dans un lieu qu’elle préfère tenir secret, et qu’elle ne regrette pas son geste.

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Sara Khadem explique qu’en décembre dernier, cela faisait déjà trois mois qu’elle suivait les manifestations en hommage à Mahsa Amini, cette femme dont la mort sous les coups de la police en septembre a déclenché une vague de protestations contre le régime, contre son autoritarisme, et surtout pour la liberté, pour les droits des femmes, pour la vie.

Manifestations qui ont fait des centaines de morts et des milliers de prisonniers. Quand elle a reçu l’invitation à participer aux championnats du monde de parties rapides à Almaty au Kazakhstan, elle confie qu’elle a tout de suite su qu’elle ne s’y couvrirait pas la tête : "Je me suis dit qu’aller là-bas avec mon voile, c’était comme une trahison vis-à-vis du peuple, ça ne me semblait tout simplement pas juste", dit-elle au Guardian.

Avant le tournoi, elle en discute avec son mari, le cinéaste Ardeshir Ahmadi qui a lui-même été emprisonné pour un documentaire, il la soutient et lui suggère, si les choses tournent mal, de quitter l’Iran, d’utiliser son statut de sportive professionnelle. L’idée fait son chemin. D’autant plus que Sara Khadem pense à leur fils, Sam, 11 mois et la vie devant lui.

Alors, arrivée au championnat du monde, elle se présente effectivement tête découverte. Sa photo devient virale, partagée des dizaines de milliers de fois sur Internet, et la fédération iranienne intervient, tente de relativiser, d’expliquer que Sara Khadem ne joue que pour elle et ne représente pas son pays. Devant l’ampleur que prend l’affaire, elle décide donc de ne pas rentrer, de partir en Espagne, pays qu’elle connaît pour y avoir déjà séjourné.

En lisant ses interviews entre les lignes, on comprend qu’elle marche sur une ligne de crête : à la fois parler d’un geste personnel et en même temps parler "du peuple", ne rien revendiquer de politique et en même temps rappeler qu’en Iran, tout est politique. Rien n’est simple, ses proches sont toujours là-bas, à Téhéran. À de nombreuses reprises d’ailleurs, elle rappelle qu’elle est la seule responsable de son geste, sous-entendu, sa famille n’a pas à rendre de compte. Sara Khadem parle pour protéger ses proches. Mais elle dit aussi qu’elle compte bien "représenter de nouveau l’Iran en compétition", un jour, sûrement, bientôt.

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