: Vidéo Très critique envers le ministère de la Défense, populaire chez les ultranationalistes... Evguéni Prigojine aurait-il des ambitions politiques ?
"Qu'est-ce qu'on a fait ? Nous sommes entrés en Ukraine avec nos grosses bottes, on a cherché des nazis partout, et pendant qu'on les cherchait, on tapait là où on pouvait. Quand on est arrivés à Kiev, on a merdé et on est partis. Et on a fait la même chose à Kherson." Telle est la vision qu'Evgueni Prigojine a de "l'opération militaire spéciale" chère à Vladimir Poutine. Ces propos qu'il a tenus face à un blogueur nationaliste mèneraient n'importe lequel de ses compatriotes en prison, mais le président russe ne semble pas tenir rigueur de ses provocations au chef de la milice Wagner. Peut-être même a-t-il un intérêt à ces mises en scène...
"Tout se passe comme si, finalement, Prigojine jouait un rôle, pour, d'une certaine manière, dire publiquement ce que peut-être Poutine ne dit pas..."
Jean-Yves Le Drian, ancien ministre des Affaires étrangères (2017-2022)à "Complément d'enquête"
Le 9 mai dernier, date (sacrée pour le gouvernement russe) de la commémoration de la victoire sur l'Allemagne nazie, Prigojine s'est même permis de gâcher la fête en dénonçant des soldats de l'armée régulière qui auraient "tous fui" à Bakhmout, "abandonnant leurs positions". Quant au commandement, jusqu'au ministère de la Défense, c'est peu dire que ses critiques ne l'épargnent pas... "Ils sont assis là, à secouer leurs gros ventres, et à penser qu'ils entreront dans l'Histoire en tant que vainqueurs… Ils y sont déjà entrés, mais en tant que lâches !"
Proche d'un influent député
Ces diatribes séduisent les ultranationalistes, comme deux prisonniers russes qui combattaient chez Wagner, et que les Ukrainiens ont autorisé les journalistes de "Complément d'enquête" à interviewer. Pour eux, Prigojine "est un bon chef" accusé, "comme Hitler ou le tsar Nicolas II", d'être "un homme mauvais"...
Le chef de guerre envisagerait-il une carrière politique ? En avril, il a mis en scène sa rencontre avec un parlementaire très influent, son ami le député Sergueï Mironov. Selon la presse russe, Prigojine voudrait prendre la tête d'une branche locale de son parti, Russie juste (plutôt proche du pouvoir), à Saint-Pétersbourg. Le député dément... mais à moitié seulement, car "personne ne sait vraiment ce qui va se passer ensuite".
En attendant, si Prigojine parle peut-être trop, au risque de provoquer la colère du Kremlin, il ne serait pas si difficile à faire taire, avance le journaliste Denis Korotkov.
"Il suffirait d'un coup de fil d'un conseiller de Poutine qui lui demanderait de se taire. Il suffirait de lui dire : 'Evguéni, Vladimir veut que tu la fermes, et que tu retournes à ta niche.' Eh bien, il retournerait à sa niche !"
Denis Korotkov, journaliste d'investigationà "Complément d'enquête"
Extrait de "Prigojine, le boucher de Poutine", un document diffusé dans "Complément d'enquête" le 15 juin 2023.
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