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Présidentielle 2022 : des cortèges de La Manif pour tous à sa candidature à l'Elysée, les positions mouvantes de Valérie Pécresse sur les questions sociétales

Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8 min
Valérie Pécresse, candidate à l'élection présidentielle de 2022, le 23 août 2021 à Bordeaux (Gironde).  (DUPRAT STEPHANE / HANS LUCAS / AFP)

La présidente de la région Ile-de-France, qui entend porter à la présidentielle les couleurs de la droite et du centre, s'est éloignée des milieux conservateurs traditionnels et de leurs revendications. 

Elle ne mâche pas ses mots. "Valérie Pécresse, dans un laps de temps très court, s'est reniée très clairement", assène Ludovine de La Rochère. La présidente de La Manif pour tous, ce mouvement né en opposition au projet de loi du Mariage pour tous à la fin 2012, dénonce "l'opportunisme politique" de la présidente de la région Ile-de-France. "Ne pas savoir assumer ses positions est une erreur immense", poursuit celle que ses acolytes surnomment "Ludo". 

>> Regardez en direct "Elysée 2022" avec Valérie Pécresse, candidate à la primaire de la droite

Le tort de Valérie Pécresse, selon elle ? Avoir abandonné ses accointances avec ce milieu de la droite traditionnelle conservatrice qui fait de la "défense de la famille" une valeur cardinale. Que ce soit par convictions ou stratégie politique, force est d'observer que celle qui veut porter la candidature de la droite et du centre à la présidentielle, et qui est l'invitée jeudi 23 septembre en direct sur France 2 de l'émission "Elysée 2022", à 20h35, a changé de discours. 

Le temps de La Manif pour tous

Encore aujourd'hui – et malgré l'acharnement de ses équipes à en faire un non-sujet – la patronne de l'Ile-de-France voit revenir comme un boomerang ses anciennes déclarations. En novembre 2012, elle avait, par exemple, défrayé la chronique en proposant de démarier les couples homosexuels. "On peut imaginer de mettre en place un statut d'union civile et de transférer les droits [du mariage] sur un statut d'union civile. Cela peut se faire", proposait-elle sur LCI. Face au tollé, elle avait ensuite dû se justifier, expliquant qu'elle n'avait "jamais proposé de 'démarier' quiconque mais de transformer le mariage en 'union civile'". 

Valérie Pécresse ne s'est pas contentée de s'opposer au Mariage pour tous sur les plateaux de télévision. Comme plusieurs de ses camarades de droite, elle a pris part aux manifestations de La Manif pour tous. "La famille en France, c'est une valeur plus que partout ailleurs", lance-t-elle ainsi en amont d'un défilé à Versailles (Yvelines), en décembre 2013. "Elle est venue avec beaucoup d'insistance et de volonté au premier round de La Manif pour tous contre le projet Taubira", affirme Ludovine de La Rochère. 

"Valérie Pécresse réclamait de pouvoir prendre la parole sur le podium."

Ludovine de La Rochère, présidente de La Manif pour tous

à franceinfo

Des années plus tard, Valérie Pécresse justifiera, dans une interview à Elle, sa présence dans les cortèges par "pure discipline du parti". Une fois la loi votée, l'ancienne députée s'éloigne d'ailleurs du jusqu'au-boutisme de La Manif pour tous. "L'abrogation n'est pas humainement réaliste", déclare-t-elle, fin 2014, sur RTL, assurant que "sur le mariage homosexuel", elle a "changé d'avis parce que tout simplement", elle a "réfléchi". Un discours qui se tient, selon son entourage : "Elle a défendu l'union civile comme beaucoup à droite. Quand la loi a été votée, elle a dit que la droite ne reviendrait pas dessus, sa position est claire, elle n'a pas parlé d'abrogation comme d'autres qui ont renoncé après". 

"A la droite de la droite"

Il y a les discours et puis il y a la stratégie électorale. En 2015, l'ancienne ministre de Nicolas Sarkozy se lance de nouveau dans la bataille des régionales, après une première tentative infructueuse. Face au candidat socialiste Claude Bartolone, Valérie Pécresse met les voiles à droite toute. "Cette campagne régionale se jouera à la droite de la droite", assure-t-elle devant la commission nationale d'investiture des Républicains, rapporte à l'époque L'Obs. "J'ai besoin des voix du Parti chrétien démocrate (PCD) pour contrer Dupont-Aignan", l'a aussi entendue ajouter un ténor du parti qui a raconté la scène à l'hebdomadaire. De fait, l'ex-parlementaire place sur sa liste des membres du PCD mais aussi de Sens commun, ce mouvement crée dans le sillage de La Manif pour tous et affilié aux Républicains. 

Dans le cadre des régionales, elle participe aussi, le 28 novembre 2015, à une audition de La Manif pour tous, intitulée "Questions pour un candidat", aux côtés du candidat du FN Wallerand de Saint-Just et de Nicolas Dupont-Aignan. Objectif : ménager la chèvre et le chou pour satisfaire à la fois ses soutiens centristes mais aussi les milieux catholiques conservateurs venus l'écouter. "Je me suis toujours battue pour les droits de l'enfant, pas pour le droit à l'enfant". Applaudissements nourris du public de La Manif pour tous. Si la candidate assure qu'elle ne "subventionnera pas la théorie du genre", elle promet néanmoins, devant ce même public, de financer les associations qui luttent contre les discriminations ou l'homophobie. "Elle est attachée à l'égale dignité des personnes et à la lutte contre les discriminations", tient à faire savoir son entourage. 

Avec la victoire de Valérie Pécresse, trois élus de Sens commun débarquent au conseil régional, dont Caroline Carmantrand, nommée présidente de la Commission Famille et Action sociale. Tout un symbole. 

La "désillusion" des conservateurs

Pourtant, à la tête de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse ne mène pas une politique conservateurs-compatible, selon ses alliés de la droite tradi. "Il y a eu une désillusion assez forte entre la vision qu'elle portait et la réalité, soupire un ancien élu. Force est de constater que Valérie Pécresse a fait plus que Huchon en matière de subventions pour les LGBT !"

Interrogée sur ce dernier point, l'Inter-LGBT, qui regroupe une soixantaine d'associations militent pour les droits des personnes LGBT, est plus nuancée. 

"Il y a plusieurs Valérie Pécresse. A la tête de l'Ile-de-France, elle essaie de ménager la sociologie de la région."

L'Inter-LGBT

à franceinfo

"Pour vous donner un exemple, la région a continué à apporter un soutien financier à la Marche des fiertés mais elle a arrêté le char de la région, qui défilait autrefois, en expliquant qu'il y avait déjà celui du Crips [le Centre régional d'information et de prévention du sida et pour la santé des jeunes]. Politiquement, ce n'est pas la même chose".

Surtout, poursuit l'Inter-LGBT, si le travail se prolonge bien avec la région, il est plutôt orienté sur certaines thématiques. "Ils sont intéressés par les sujets de judiciarisation des affaires, d'accompagnement des victimes, de formation de la police, c'est un angle un peu sécuritaire. Il y a en revanche des points de crispation sur la question des migrations liées aux LGBT ou sur la déconstruction des stéréotypes liés aux genres, puisqu'elle a coupé le robinet aux chercheurs." Sur ce dernier point, l'équipe Pécresse dément : "Sur les études liées aux genres, il n'y a pas eu de projet déposé donc il n'y a pas eu de financement".  

Dans les médias, l'ancienne ministre cherche également à envoyer des signaux à la communauté homosexuelle, qui n'hésite pas à la renvoyer à ses anciennes prises de position. En mars 2018, elle est ainsi accusée de récupération politique après s'être félicitée d'avoir soutenu le film 120 battements par minute. Quelques mois plus tard, le 17 mai, lors de la journée internationale contre l'homophobie et la transphobie, elle annonce qu'elle déposera "un vœu au conseil régional pour que nous défendions auprès de l'ONU la dépénalisation universelle de l'homosexualité". Tollé sur les réseaux sociaux.  

C'est sans doute pour cela que lors d'un débat sur les régionales organisé notamment par l'Inter-LGBT à la fin mai 2021, elle est la seule des candidats à ne pas être présente mais à envoyer un représentant, Patrick Karam, l'un de ses vice-présidents. Ce dernier se dit favorable à la "PMA, mais encadrée", rapporte le magazine Têtu. Deux ans plus tôt, Valérie Pécresse émettait également des "réserves" au sujet de la PMA, tout en disant "extrêmement sensible au désir d'enfant qui s'exprime", dans une interview au Parisien. "Elle est pour la PMA sous condition d'accès aux origines de l'enfant à sa majorité", précise aujord'hui son entourage. Là aussi, Valérie Pécresse a changé. Si sur la GPA, sa position n'a pas bougé, en 2016, elle se disait aussi opposée à la PMA, rapporte Komitid

"En 2015, elle se dit que la famille, ça pèse et en 2021, que ça ne pèse pas"

Si le discours a changé, la stratégie électorale, aussi. En 2021, candidate à sa succession, elle réduit considérablement la place des conservateurs sur ses listes. Exit par exemple Caroline Carmantrand, l'élue Sens commun. "Notre électorat est déboussolé. Il doit se sentir trompé par le discours que tenait Valérie Pécresse à l'époque", s'étonne auprès de Valeurs actuelles l'élue d'Asnières. Laurence Trochu, la présidente de Sens commun, depuis rebaptisé Mouvement conservateur, ne va pas aussi loin mais s'interroge. 

"Les faits montrent une évolution de stratégie. Est-ce que c'est aussi une évolution de sa pensée ? Elle ne pourra pas rester ambiguë là-dessus."

Laurence Trochu, présidente du Mouvement conservateur

à franceinfo

Franck Margain, ex du PCD, autre non reconduit, est bien plus sévère. "Elle a complètement changé, elle a vrillé politiquement, c'est de l'opportunisme politique", dit-il. "Sa grande hantise, ajoute-t-il, et elle a raison, c'est d'être perçue comme la Versaillaise ringarde, ça la traumatise". Faux, balaye l'entourage de Pécresse, qui aime à rappeler que la gauche a fait campagne sur ce "cliché" et a "perdu en 2015 mais aussi en 2021".

Quant à la réduction des places des conservateurs sur les listes, l'explication serait plus simple, selon un élu au cœur des négociations pour les régionales : "Ils étaient sur les quotas de LR et LR ne les ont pas proposés". Pas de quoi convaincre les conservateurs, qui y voient un problème de fond et de stratégie. "En 2015, elle se dit que la famille, ça pèse et en 2021, que ça ne pèse pas, poursuit un autre ex-élu. Son obsession, c'est de ne surtout pas être taxée d'homophobe". 

Pour le moment,Valérie Pécresse ne s'est pas encore exprimée sur ces sujets sociétaux mais il reste plusieurs mois de campagne. "Les sujets les plus clivants sont évacués par les candidats. Valérie Pécresse n'est pas la seule", glisse Laurence Trochu. 

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