Législative partielle dans le Doubs : une triple défaite pour l'UMP
En troisième position derrière le FN et le PS, le candidat UMP Charles Demouge a été éliminé au premier tour avec 26,54% des voix. Un résultat embarrassant pour le parti de Nicolas Sarkozy.
L'UMP se réveille avec la gueule de bois. Pour la première fois depuis les élections législatives de 2012, la droite républicaine est absente au second tour d'une législative partielle. Dans la 4e circonscription du Doubs, dimanche 1er février, le candidat UMP Charles Demouge est arrivé en troisième position avec 26,54% des voix, derrière la candidate FN Sophie Montel (32,6%) et le candidat PS Frédéric Barbier (28,85%). Francetv info vous explique pourquoi il s'agit d'une triple défaite pour l'UMP et pour son président, Nicolas Sarkozy.
Une défaite sur le terrain
L'UMP a progressé en pourcentage (26,54% des suffrages exprimés dimanche contre 23,21% en 2012), mais a perdu 2 500 voix. Une déception au regard des sondages et des dernières élections européennes, qui laissaient légitimement espérer un second tour pour l'UMP dans cette circonscription. "Le PS en très net recul subit également une défaite, mais pour l'UMP, ne pas parvenir à se qualifier en tant que premier parti d'opposition, c'est un vrai problème", note Bruno Jeanbart, directeur général adjoint de l'institut de sondage OpinionWay, contacté par francetv info.
Dans une élection marquée par une très faible participation (39,56%), l'UMP Charles Demouge n'est donc pas parvenu à mobiliser son électorat, alors même qu'il profitait du soutien de l'UDI et de l'absence du MoDem. A 69 ans, le candidat "n’a pas réussi à capitaliser sur le climat politique actuel", remarque Bruno Jeanbart. "C’est un candidat connu localement (...), mais il participe à cette usure des élites locales, à cette fatigue de la représentation",ajoute le directeur du Cevipof, Martial Foucault.
"Le candidat a fait des déclarations controversées qui ont pu jouer sur le résultat", confie à francetv info le porte-parole de l'UMP Sébastien Huyghe, en référence à sa sortie sur "les bons petits blonds" qui seraient à l'origine de l'insécurité dans sa circonscription. Le député UMP de l'Oise Jean-François Mancel n'y va pas par quatre chemins, en évoquant sur Twitter un "candidat médiocre". Sympa.
Le candidat n'est pas le seul responsable, précise Bruno Jeanbart : "C'est une circonscription ancrée à gauche et le contexte national a sans doute été moins favorable à l'UMP, qui peine après les attentats à se sortir de l'unité nationale pour reprendre la main politiquement." De son côté, Sébastien Huyghe, qui préfère parler de la victoire de l'UMP à Ajaccio, cherche à relativiser le résultat de dimanche : "Ce n'est pas une défaite vu que nous n'étions pas titulaires du siège. On finit troisièmes comme en 2012 et c'est juste la faible participation qui nous empêche de nous maintenir." Il concède en revanche que l'UMP n'a pas réussi à mobiliser son électorat pour "une élection qui n'a pas passionné les foules".
Une défaite stratégique
Nicolas Sarkozy se serait bien passé de ce résultat, qui pose plus de problèmes pour ses conséquences politiques que pratiques : l'UMP ne perd pas de siège à l'Assemblée, "mais cela oblige l'UMP à se positionner rapidement sur ce duel PS-FN avec le risque de faire rejaillir les fractures existantes au sein du parti", explique Bruno Jeanbart. Deux mois après son accession à la tête de l'UMP, Nicolas Sarkozy se retrouve déjà dans une position stratégique difficile, qu'il va tenter de déminer lors du bureau politique de mardi.
"Dans tous les cas, c’est un piège. D’autant plus que le résultat du second tour est assez incertain, assez illisible, poursuit le politologue. Il n'y a pas de bon choix entre le 'ni-ni' et le front républicain, car si le FN l'emporte, le camp au sein de l'UMP dont la position n'aura pas été écoutée pourra reprocher sa stratégie à l'autre camp."
Le choix sera d'autant plus important qu'il risque de déterminer la stratégie de l'UMP pour les élections départementales du mois de mars, où des duels FN-PS auront forcément lieu sur les 2 000 cantons. "On se dirige vers une absence de consigne de vote, confie un dirigeant UMP à francetv info. Ensuite, la subtilité reste la formulation entre le 'ni-ni' qui invite à l'abstention et l'absence de consigne qui laisse leur liberté aux électeurs."
S'il s'agit d'un choix important au niveau national, la décision ne devrait pas déterminer le résultat de l'élection dans le Doubs. "Vu la défiance actuelle des électeurs vis-à-vis des partis, les consignes de vote sont beaucoup moins respectées qu'auparavant", remarque Bruno Jeanbart. La clé du scrutin restera donc le comportement des électeurs de droite. Si les enquêtes d'opinion indiquent une tentation pour le vote FN, cette élection sera l'occasion de confronter les sondages au réel.
Une défaite pour l'unité
Dès l'annonce des résultats, dimanche soir, l'UMP a très vite fait savoir que sa position pour le second tour serait définie mardi. Mais cette réaction rapide n'a pas empêché les responsables du parti d'exprimer leurs positions personnelles tous azimuts.
Le député et ancien ministre Dominique Bussereau rappelle sur Twitter qu'en cas de duel FN-PS, il "vote PS", rappelant la nécessité de "combattre le FN". Son collègue Thierry Mariani lui répond cinq minutes plus tard, sur le même réseau social, que l'UMP "doit être fidèle à sa ligne 'ni front républicain, ni Front national'" pour ne pas perdre sa crédibilité. Contacté par francetv info, Dominique Bussereau maintient ses propos et ne craint pas les représailles de son parti.
Honnêtement, je préfère mes convictions à mon parti !
Lundi, c'est au tour des ténors de l'UMP de multiplier les déclarations. Bruno Le Maire dit "non au front républicain" sur France Info. Nathalie Kosciusko-Morizet affirme sur BFMTV qu'à titre personnel, elle voterait pour faire barrage au FN. Laurent Wauquiez rétorque qu'il "refuse d'appeler à voter pour le candidat PS face au FN". Cacophonie ? "Non, assure Sébastien Huyghe, pour l'instant, ce sont des dirigeants qui s'expriment à titre personnel. Demain, on aura une décision collégiale."
"On constate la fracture sur ce sujet central, note Bruno Jeanbart, et quand vous êtes confrontés à une telle fracture, vous avez beau mettre tout le monde autour de la table, il y a un risque politique." Pour le politologue, Nicolas Sarkozy se retrouve face à un "test crucial" concernant sa capacité à affronter les dissensions au sein de son mouvement. Le danger reste de voir un ténor jouer sa propre partition. "Ce sont les risques du métier", admet Sébastien Huyghe. Toutefois, "une dissension reste risquée pour un leader, tempère Bruno Jeanbart, car on ne sait pas quel est le meilleur positionnement dans l'objectif de la primaire pour 2017".
Une chose est sûre : comme depuis trente ans, la question du positionnement de la droite vis-à-vis du FN risque de continuer à créer de la discorde à l'UMP dans les semaines à venir.
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