Présidentielle : les rumeurs sur Emmanuel Macron inondent la campagne
Compte en banque caché, liaison avec sa belle-fille, financement par l'Arabie saoudite... De nombreuses fausses informations concernant Emmanuel Macron circulent sur internet. Franceinfo les a analysées une par une.
Avez-vous déjà lu qu'Emmanuel Macron avait pour projet de faire payer un loyer aux propriétaires ? Bien que cela soit faux, cette rumeur a été partagée plus de 100 000 fois sur les réseaux sociaux, selon Le Monde. D'après le journal, depuis le début de la campagne, le candidat d'En marche ! est l'homme politique le plus visé par des rumeurs et des fausses informations, qu'il s'agisse de sa vie privée ou des éléments de son programme.
Que ces intox soient organisées par des internautes pour le discréditer, extrapolées à partir de citations par des sites d'extrême droite ou montées de toutes pièces en plagiant certains journaux : il est parfois difficile de s'y retrouver. Franceinfo liste les fausses informations qui circulent sur les réseaux sociaux et vous explique les origines de celles-ci.
Il serait manipulé par l'Union des organisations islamiques de France
Marine Le Pen a, mardi 25 avril, accusé directement le candidat d'En marche ! d'être à la solde de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), une fédération musulmane. "Aujourd’hui, nous sommes confrontés à des candidats qui nous expliquent qu’il n’y a pas de culture française, qui sont entre les mains des communautaristes, notamment des plus dangereux, comme l’UOIF, une organisation dont j’appelle à la dissolution", a-t-elle affirmé sur TF1.
Un discours qui fait écho à de nombreux articles relayés par des sites d'extrême droite. "Macron se prostitue aux islamistes", lit-on sur Riposte laïque. "Macron trouve que le 'radicalisé' Mohamed Saou est un type très bien", titre le site Résistance républicaine. Cet homme, ancien référent d'En marche ! dans le Val-d’Oise, est devenu la cible préférée des détracteurs d'Emmanuel Macron. Ils reprochent au candidat ses "collusions" avec "l'islamisme".
Mohamed Saou a été mis en retrait de la campagne en avril, après la diffusion de certains de ses messages Facebook, où on peut lire qu'il "n'est pas Charlie" ou encore, juste après l'attentat de Nice, que "la communauté musulmane est devenue, plus que jamais, la cible de nombreuses personnes", selon Libération.
Mais les sites d'extrême droite s'indignent également que le candidat ait reçu le soutien de l'UOIF. Dans un communiqué publié le 25 avril, l'organisation religieuse a exhorté à "faire barrage aux idées de xénophobie et de haine et à donner au candidat Emmanuel Macron le score le plus large".
La fédération a pourtant démenti ses liens avec le candidat : "Nous avons du respect à l’égard de Monsieur Emmanuel Macron, mais n’avons pas de liens particuliers avec son mouvement." De son côté, Benjamin Griveaux, le porte-parole du candidat, s'est aussi exprimé sur RTL, le 26 avril. "L'UOIF est une organisation qui regroupe environ 10% des mosquées françaises, et qui a une tendance très traditionaliste et très conservatrice. Est-ce que c'est notre conception d'un islam moderne ? La réponse est très clairement non", se défend-il. Avant d'ajouter : "Est-ce que l'UOIF a participé d'une quelconque manière à l'élaboration du programme d'Emmanuel Macron ? La réponse est non. Marine Le Pen joue sur les peurs."
Il entretiendrait une relation cachée avec sa belle-fille
A en croire certains comptes Twitter, Emmanuel Macron aurait une "liaison" avec Tiphaine Auzière, avocate trentenaire, issue du mariage entre Brigitte Macron, la femme du candidat, et le banquier André-Louis Auzière.
Le site Buzzfeed semble avoir trouvé l'origine de cette rumeur, totalement infondée. Le dimanche 23 avril, au soir du premier tour de l'élection présidentielle, certains utilisateurs du forum 4chan désapprouvent fortement la qualification d'Emmanuel Macron au second tour. Visiblement très contrarié par cette nouvelle, un membre anonyme suédois s'interroge sur la meilleure manière de le discréditer. "On a deux semaines pour effacer ce sourire à la Rothschild de son visage." Très vite, l'idée de diffuser une rumeur sur sa vie privée est évoquée : "Sa femme Brigitte a une fille de 30 ans de son précédent mariage. Ce serait pas marrant si l'info sortait qu'il avait eu une conduite indécente, ou du moins qu'il avait essayé, avec la jeune et (potentiellement) belle fille de sa femme à moitié sénile."
Aucun site ou compte Twitter français ne semble, pour le moment, avoir repris cette fausse information.
Il chercherait à imposer un loyer aux propriétaires
Vous êtes propriétaire et avez terminé de rembourser votre crédit ? Selon la rumeur, si Emmanuel Macron est élu, vous devrez payer un loyer fictif sur votre résidence principale. Cette proposition n'a jamais été évoquée par le candidat et pourtant, elle continue d'être massivement partagée sur les réseaux sociaux. C'est le site Cyceon.com qui la relaie, dans un article publié jeudi 16 mars. Le site ajoute que les propriétaires devront "payer des taxes sur des revenus fictifs du simple fait d’être propriétaire plutôt que d’être locataire – un “privilège”, selon des conseillers d’Emmanuel Macron".
Le Monde rapporte que l'article a été publié des milliers de fois sur les réseaux sociaux et même relayé par une page Facebook de soutien à Nicolas Dupont-Aignan, le candidat de Debout la France.
Mais d'où vient cette rumeur autour d'une mesure qu'Emmanuel Macron n'a jamais évoquée ? "Le site internet [cyceon.com] ne cite d’ailleurs aucune source permettant d’accréditer l’idée que cette mesure figurerait parmi les propositions ou même les pistes de réflexion de l’intéressé", explique Le Monde. Une des administratrices du site incriminé n'a pas souhaité expliquer au journal d'où elle tenait cette information.
Si cette mesure a parfois été proposée par des cercles de réflexion économique comme le think tank Ifrap en 2013 ou l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) en 2016, Emmanuel Macron ne l'a jamais envisagée. Il a même formellement démenti cette idée dans "L'Emission politique", diffusée le 6 avril sur France 2.
Il aurait un compte bancaire caché
Le journal Libération relate la supercherie. Selon des militants fillonistes, Emmanuel Macron a un compte bancaire caché. Et pour le prouver, ils parlent d'un article publié le 21 mars sur le site de L'Express, et supprimé depuis. L'intitulé de ce dernier ? "Comment Macron a (tacitement) reconnu l’existence d’un compte caché… tout en cherchant à le démentir." Sur Twitter, les partisans de François Fillon hurlent au complot et à la censure.
Toujours aucune explication de @LEXPRESS sur la disparition article sur #CompteOffshore de #Macron ! https://t.co/S6hUjaFbqO #RadioLondres
— Damoclès (@Damocles_Fr) 22 avril 2017
Dans la réalité, explique Libération, il s'agit plutôt d'une stratégie de militants anti-Macron pour discréditer le candidat. L'article n'a pas été écrit par la rédaction de L'Express, mais sur l’espace de contribution libre du site, "Express Yourself", qui permet à chaque internaute de partager ses idées. "Il a été mis en ligne dans l’après-midi de vendredi, explique à Libération Emma Defaud, rédactrice en chef web de l’hebdomadaire. Je m’en suis aperçue vendredi soir et jugeant le titre diffamant, je l’ai mis hors ligne comme on le fait quotidiennement avec des tribunes qui ne respectent pas le cadre de la loi ou de notre charte."
Quant à l'existence d'un compte caché qu'Emmanuel Macron aurait reconnu tacitement, l'article se base sur une interview réalisée par BFMTV le 17 mars. Pourtant, le candidat y dénonce "les fausses nouvelles propagées par ses adversaires, notamment sur de prétendus comptes dans des paradis fiscaux". Loin des aveux relayés par ce faux article.
Exercice de transparence avec vous sur ma déclaration de patrimoine. #BourdinDirect pic.twitter.com/JmMBWilTtS
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 17 avril 2017
Il se laverait les mains après avoir serré celles des ouvriers
Mercredi 26 avril, lors de sa visite mouvementée à l'usine Whirlpool d'Amiens (Somme), certains salariés ont demandé au candidat s'il allait leur serrer la main.
-Salariée : On est des ouvriers, on a les mains propres, vous nous serrez la main ?
— Etienne Baldit (@EtienneBaldit) 26 avril 2017
-Macron : J'ai toujours serré la main de qui que ce soit
Comme l'explique Le Lab d'Europe 1, cette étrange question vient d'une rumeur née dans... un article du Gorafi, le site satirique s'amusant de fausses informations. Le papier, titré "Quand je serre la main d’un pauvre, je me sens sale pour toute la journée", a été publié le 1er juin 2016. Le site bellaciao.org et le blog citoyensveilleurs, très hostiles au candidat d'En marche !, ont relayé cette étrange information dans des articles accompagnés d'un montage vidéo montrant Emmanuel Macron se lavant les mains avec des lingettes après avoir rencontré et serré la main à des ouvriers. Les vidéos ont été dépubliées, mais les articles sont toujours en ligne.
Comme l'explique Europe 1, ces montages étaient en fait une vulgaire manipulation d'images extraites du documentaire Macron, la stratégie du météore, diffusé sur France 3 en novembre. On y voyait une séquence datant de juin 2016, durant laquelle Emmanuel Macron participe à une partie de pêche et va jusqu'à attraper une anguille à pleines mains. Il est ensuite filmé en train de se les laver, puis de se les essuyer avec des lingettes. Rien à voir, donc, avec le dégoût que lui procureraient les poignées de main ouvrières.
Sa campagne aurait été financée par l'Arabie saoudite
Le 2 mars sur Twitter, Marion Maréchal-Le Pen partage un article du très sérieux quotidien belge Le Soir. On y apprend que la campagne d'Emmanuel Macron a été financée à 30% par l'Arabie saoudite. Le papier cite l'AFP et un député belge. La nouvelle se met à circuler sur certains sites d'extrême droite, comme Fdesouche.
Or, il ne s'agit pas du tout d'un article du Soir, mais d'un habile plagiat. L'article, inventé de toutes pièces, est diffusé sur un site internet dont l'adresse est "lesoir.info". Ce faux site reprend la structure de Le Soir.be, le site du quotidien belge. La supercherie va jusqu'à recopier le code source de ce dernier, amplifiant encore la confusion.
La rédaction du journal belge découvre le plagiat quelques heures plus tard. "On l'a vu apparaître à la fois dans les articles qui étaient à ce moment consultés sur le site et dans nos flux Twitter, où il était mentionné comme étant un article du Soir", explique à France 2 Gil Durand, le chef du service web du quotidien. Le temps de réagir, la fausse information a été partagée plus de 15 000 fois sur les réseaux sociaux.
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