Afghanistan : la polémique sur les "flux migratoires irréguliers" craints par Emmanuel Macron en quatre actes
Les mots utilisés par le chef de l'État, lundi soir, pour évoquer le sort des milliers d'Afghans qui tentent de fuir leur pays dirigé désormais par les talibans, n'en finissent pas de faire réagir, au point qu'Emmanuel Macron est revenu à plusieurs reprises sur le sujet.
Alors que le chaos règne en Afghanistan depuis la reprise du pouvoir par les talibans, les propos d'Emmanuel Macron sur les "flux migratoires irréguliers importants" en provenance de ce pays, desquels il faudrait se "protéger", ont suscité un tollé. Dans la classe politique française de gauche, mais aussi parmi certaines personnalités internationales. Depuis cette prise de parole, l'exécutif tente d'éteindre la polémique.
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Acte 1 : Emmanuel Macron s'exprime à la télévision
L'histoire démarre lundi 16 août avec une allocution télévisée du chef de l'État. Les talibans viennent d'entrer dans Kaboul, la capitale afghane. Emmanuel Macron assure d'un côté que "la France fait et continuera de faire son devoir pour protéger celles et ceux qui sont les plus menacés". Mais il assure également vouloir porter une initiative européenne visant à "anticiper et protéger contre les flux migratoires irréguliers importants, qui mettraient en danger ceux qui les empruntent et nourriraient les trafics de toute nature".
Allocution relative à la situation en Afghanistan.https://t.co/LoANcIYqvJ
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) August 16, 2021
"Nous porterons donc, en lien avec la République fédérale d'Allemagne et d'autres Européens, une initiative pour construire sans attendre une réponse robuste, coordonnée et unie", a poursuivi le président français, en appelant à "la solidarité dans l'effort, l'harmonisation des critères de protection et la mise en place de coopérations avec les pays de transit".
Acte 2 : la gauche et les associations s'indignent
"Flux migratoires irréguliers importants", ces mots ont fait bondir à gauche. "Macron fait honte à la France", a ainsi estimé le maire Europe-Écologie-les Verts (EELV) de Grenoble Éric Piolle. Même indignation à La France insoumise (LFI), où Adrien Quatennens a accusé le chef de l'État de "rabougrir la France". La sénatrice socialiste Laurence Rossignol a elle parlé de "cynisme" et de "honte", quand son collègue Rémi Féraud a évoqué une intervention "digne d'un mauvais président de droite".
De son côté enfin, l'écologiste ex-LREM Matthieu Orphelin a estimé sur franceinfo que "sur les réfugiés, on ne choisit pas, toute personne qui peut apporter les preuves qu'elle est en danger dans son pays, à cause des combats menés pour la liberté et pour l'égalité, doit être accueillie. C'est le droit international, c'est aussi le préambule de la Constitution de notre pays". Les critiques ont été nombreuses également du côté des associations comme SOS Racisme, Utopia56, ou la Ligue des droits de l'Homme.
Emmanuel Le Pen! https://t.co/gcjsmuzdbo
— Edward Snowden (@Snowden) August 16, 2021
Des personnalités internationales ont également réagi aux propos du chef de l'État. C'est le cas du lanceur d'alerte Edward Snowden, qui s'est fendu d'un tweet lapidaire, rapprochant les noms d'Emmanuel Macron et de Marine Le Pen. Le mot-dièse #EmmanuelLePen s'est hissé en deuxième place des sujets les plus discutés sur Twitter en France.
Acte 3 : à chaud, le chef de l'État regrette "les raccourcis"
Moins de quatre heures après son intervention télévisée, toutes ces réactions poussent Emmanuel Macron à tweeter, un peu avant minuit lundi soir. Il regrette que "certains" veuillent "détourner" ce qu'il avait dit. "La France fait et continuera de faire son devoir pour protéger celles et ceux qui sont les plus menacés", écrit-il sur le réseau social.
Ce que j’ai dit ce soir sur l’Afghanistan et que certains veulent détourner : la France fait et continuera de faire son devoir pour protéger celles et ceux qui sont les plus menacés. pic.twitter.com/nhjUdjHlvO
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) August 16, 2021
Comme pour répondre également aux interpellations à l'étranger, ce message a été également publié en anglais. Le tweet est accompagné de la séquence vidéo en question, d'une quarantaine de secondes et sous-titrée.
Acte 4 : Emmanuel Macron demande que chacun prenne "la peine d'écouter"
Mais à l'instar du capitaine Haddock, le sparadrap continue de coller aux doigts du chef de l'État. Mardi, plusieurs maires français (dont Benoît Payan à Marseille, Jeanne Barseghian à Strasbourg ou Grégory Doucet à Lyon) se déclarent ainsi prêts à accueillir des réfugiés afghans. Et les critiques continuent dans monter dans l'opposition de gauche. Si bien qu'en début de soirée, Emmanuel Macron revient une nouvelle sur ses propos depuis Bormes-les-Mimosas, près de son lieu de vacances du fort de Brégançon. En visant explicitement les personnalités qui l'ont critiqué.
"Je ne vais pas faire des commentaires sur des commentaires basés sur des dépêches tronquées."
Emmanuel Macronà franceinfo
"J'ai répondu méthodiquement à chacun des points. J'invite chacun simplement à prendre la peine d'écouter en intégralité les 11 minutes de déclaration que j'ai faite, affirme Emmanuel Macron à franceinfo. Je pense qu'on gagnera tous beaucoup d'énergie et de temps à ce que tous ceux qui passent leur journée à commenter prennent 11 minutes de leur temps pour écouter ce que j'ai dit."
Mercredi, Emmanuel Macron tweete une nouvelle fois, cette fois pour se féliciter de l'évacuation de "près de 200 Afghans qui ont travaillé pour la France ou qui sont menacés". Le président défend un équilibre, même si la sémantique utilisée ("protéger", "flux migratoires irréguliers") est un message envoyé à la droite. Car le chef de l'État le sait, à huit mois de l'élection présidentielle, il est risqué de laisser aux Républicains et au Rassemblement national de l'espace sur le sujet de l’immigration.
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