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Ukraine : pourquoi l'Otan estime que Kiev peut "gagner cette guerre"

L'Ukraine a repris le contrôle de certaines zones longtemps contestées par les forces russes, comme la ville de Kharkiv, en partie grâce aux livraisons d'armes occidentales. L'armée russe doit également faire face à des difficultés humaines et tactiques.

Article rédigé par Luc Chagnon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Un soldat des forces spéciales ukrainiennes, près de Kharkiv, le 16 mai 2022. (DIMITAR DILKOFF / AFP)

Des déclarations graves. Une courte pause. Puis une lueur d'espoir. "L'Ukraine peut gagner cette guerre", s'est pris à espérer le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, dimanche 15 mai. Pourtant, lorsque la Russie a lancé son offensive sur l'Ukraine, le 24 février, les pronostics étaient bien plus sombres. Franceinfo vous explique pourquoi l'Otan entrevoit la possibilité d'une issue favorable à Kiev.

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Parce que l'armée ukrainienne regagne du terrain

C'est un revers majeur de plus pour l'armée russe. Les Ukrainiens ont repris le contrôle de la ville de Kharkiv, deuxième plus grande ville du pays, à moins de 40 kilomètres de la frontière russo-ukrainienne et prise pour cible depuis le début du conflit.

Une avancée symbolique pour une armée ukrainienne "qui n'avait pas beaucoup combattu [avant le début de la guerre] et qui a fait preuve d'une résistance inattendue", explique Christine Dugoin-Clément, chercheuse associée à la chaire "risques" du Laboratoire de Recherche IAE. Au début du conflit, Moscou misait sur une chute rapide de Kiev, mais la capitale a tenu bon. Les forces russes ont ensuite tenté de se replier sur le Donbass pour prendre en tenaille les soldats ukrainiens postés dans l'est du pays, sans parvenir à leur fins rapidement, là encore.

Aujourd'hui, malgré la poursuite des attaques russes dans le Donbass, les troupes ukrainiennes lancent elles-mêmes l'offensive en direction d'Izioum, ville contrôlée par la Russie. Certains soldats de Kiev ont même réussi à atteindre la frontière russo-ukrainienne près de Kharkiv.

"Les troupes russes s'étaient volontairement retirées de Kiev. Kharkiv, en revanche, a bien été regagnée par les forces ukrainiennes."

Christine Dugoin-Clément, chercheuse

à franceinfo

En parallèle, les objectifs russes ont été revus. "Selon les récentes déclarations, l'objectif n'est plus de démilitariser et 'dénazifier' l'Ukraine, mais de contrôler le Donbass et de le relier à la Crimée par un corridor", explique Christine Dugoin-Clément. Sur ce point aussi, leur progression est limitée.

Pour autant, l'armée ukrainienne ne domine pas sur le terrain, loin de là. Les bombardements russes ont fait au moins dix morts à Sievierodonetsk, dans le Donbass selon le gouverneur régional. "Les gains territoriaux sont de plus en plus difficiles à obtenir, les troupes russes essayant de consolider leurs acquis et l'Ukraine entrant dans une phase offensive qui est toujours coûteuse", résume Christine Dugoin-Clément. Par rapport au début du conflit, la situation semble cependant plus favorable à l'Ukraine.

Parce que les livraisons d'armes à l'Ukraine se poursuivent

Parmi les facteurs déterminants, le secrétaire général de l'Otan cite "la bravoure du peuple ukrainien, de son armée", mais aussi "notre aide". Depuis le début du conflit, l'Ukraine a reçu des armes d'une trentaine de pays, majoritairement membres de l'Otan. On y trouve principalement des fusils et des munitions, mais aussi des missiles et pièces d'artillerie (comme les missiles Milan et canons Caesar français), des drones d'attaque, ainsi que des tanks et des hélicoptères. Certaines, comme le missile américain Javelin, sont devenues des emblèmes de la résistance ukrainienne.

Le flot des livraisons ne paraît pas près de se tarir : le président des Etats-Unis, Joe Biden, a signé le 9 mai une loi pour fournir 40 milliards de dollars d'aide supplémentaire à l'Ukraine, dont 6 milliards pour entraîner des troupes et livrer des armes. Livraisons qui s'ajoutent aux plus de 3 milliards de dollars déjà engagés et qui devraient être facilitées par la loi "prêt-bail" signée le même jour pour accélérer l'acheminement de cet arsenal.

Même l'Allemagne, qui avant le mois de mars jouait la carte du pacifisme, insiste : "Nous ne relâcherons pas nos efforts nationaux, en particulier en matière d'assistance militaire", a déclaré la ministre de Affaires étrangères, Annalena Baerbock. Une assistance qui devrait être "le facteur crucial pour passer de la contre-attaque locale à la contre-offensive générale", selon Christine Dugoin-Clément

Parce que l'armée russe connaît des difficultés techniques et humaines

Un tiers des forces de combat terrestres russes se trouve probablement hors d'état de nuire. L'estimation, dévoilée par le ministère de la Défense britannique sur Twitter (en anglais) le 15 mai, révèle l'ampleur impressionnante des pertes subies par les troupes de Moscou.

"L'armée russe a révélé des faiblesses relativement inattendues depuis le début du conflit."

Christine Dugoin-Clément, chercheuse

à franceinfo

Des faiblesses tactiques sont apparues. La traversée ratée de la rivière Donets l'illustre : la semaine dernière, les troupes russes ont regroupé un grand nombre de véhicules sur la rive avant d'installer un pont pour traverser le cours d'eau en direction de Sievierodonetsk. "Une manœuvre hautement risquée" dans une zone contestée, selon le ministère de la Défense britannique cité par l'agence AP (en anglais). Les forces ukrainiennes ont en effet repéré, détruit le pont et pilonné les véhicules ennemis, détruisant au moins 73 chars d'assaut.

Des faiblesses techniques, aussi. Des équipements stratégiques (ponts flottants, drones de reconnaissance) pourraient venir à manquer, toujours selon le ministère britannique. L'armée russe est également affectée par les sanctions internationales : empêchée d'importer des technologies occidentales, elle est obligée d'utiliser des puces provenant d'équipements électroménagers, selon le renseignement américain, cité par le Washington Post (en anglais).

Enfin, l'armée russe semble se diriger vers une pénurie de forces vives. "Elle a déjà dû rendre à la vie civile de nombreux conscrits qui arrivaient au bout de leur année de service, explique Christine Dugoin-Clément. Toute la difficulté est de les remplacer, en termes de quantité et de qualité. Mais la Russie n'est pas officiellement en guerre, ce qui ne lui permet de recruter que des volontaires."

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