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Guerre en Ukraine : à quoi renonce vraiment TotalEnergies en cessant ses achats de produits pétroliers russes ?

Le géant des hydrocarbures a annoncé mardi qu'il n'achèterait plus de pétrole ni de diesel à la Russie, condamnant "l'agression militaire" de Vladimir Poutine. Mais le groupe ne quitte toutefois pas le pays, pour ne pas renoncer au précieux gaz russe.

Article rédigé par Grégoire Lecalot
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Le logo de TotalEnergies dans le quartier d'affaires de La Défense (Hauts-de-Seine), le 28 mai 2021. (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP)

Face "à l'aggravation du conflit" en Ukraine,TotalEnergies a annoncé, mardi 22 mars, son renoncement à tout achat de pétrole ou de produits pétroliers russesLe géant français des hydrocarbures, critiqué pour son choix de conserver ses activités en Russie en plein conflit avec l'Ukraine, ne renouvellera pas ses contrats en cours. Mais cette décision n'a pas d'effet immédiat. Elle sera effective "dans les meilleurs délais", précise le communiqué, soit au plus tard à la fin de l'année.

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Remplacer le pétrole russe par du pétrole saoudien

La compagnie avait déjà décidé de mettre un terme à ses opérations spéculatives sur le pétrole. Cette fois, il s'agit de contrats de fourniture à long terme. Pour justifier cette décision, TotalEnergies invoque l'aggravation de la situation en Ukraine en condamnant à nouveau, "l'agression militaire de la Russie". Le groupe explique aussi que ce retrait est possible car il a trouvé d'autres sources pour satisfaire la demande européenne en énergies. Il importait notamment du pétrole pour une raffinerie allemande et du gasoil russe qui représente, par exemple, le quart du gasoil consommé en France.

TotalEnergies remplacera ainsi les approvisionnements russes par ceux d'autres pays, notamment l'Arabie Saoudite. L'Opep a en effet accepté d'augmenter sa production. Ce n'est pas le premier pas en arrière de TotalEnergies en Russie : mise sous pression, la compagnie avait déjà annoncé qu'elle gelait ses futurs investissements dans le pays.

Le gaz russe irremplaçable, selon le PDG

En mettant fin aux achats de pétrole, TotalEnergies prépare-t-il son retrait complet de Russie ? Non, car la compagnie reste dépendante du gaz russe comme l'a expliqué Patrick Pouyané, le PDG, sur RTL, mercredi 23 mars ."Je sais remplacer ce pétrole et ce diesel" russes mais "le gaz, je ne sais pas le faire" a-t-il indiqué. Certes, le groupe pétrolier n'est pas directement un opérateur gazier en Russie - et elle souligne qu'elle n'y a plus aujourd'hui que trois salariés - mais en terme de capital en revanche, elle reste bien présente.

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Le géant compte conserver ses parts dans les sociétés russes qui sont propriétaires des champs gaziers. Et TotalEnergies explique qu'en cédant ces parts, la société tomberait entre les mains d'investisseurs russes, sous-entendus liés au Kremlin. Par ailleurs, elle continue à honorer ses contrats d'importation de gaz russe, notamment parce que contrairement au pétrole russe, l'Europe n'a pas encore trouvé comment s'en passer.

Un groupe plus gazier que pétrolier

La lenteur du géant français à quitter la Russie, contrairement à d'autres groupes comme BP ou Shell,  s'explique par le fait qu'il a profondément misé sur la Russie et sur son gaz. TotalEnergies est, en fait, davantage un groupe gazier que pétrolier. Il a investi plus de 40 milliards d'euros dans deux énormes champs de gaz naturel au-delà du cercle polaire et à la rentabilité prometteuse. Une stratégie voulue par son ex-PDG, Christophe de Margerie, mort dans un accident d'avion à Moscou - l'homme d'affaires français était devenu un ami personnel de Vladimir Poutine - et que la guerre décidée par le président russe remet aujourd'hui profondément en question.

Ce virage gazier "est absolument essentiel pour suivre la trajectoire de décarbonation dans laquelle s'est engagée" TotalEnergies, pointe Patrice Geoffron, professeur d’économie à l'Université de Paris Dauphine. Selon lui, ce cas ne fait que mettre, à nouveau, en lumière la dépendance de l'Union européenne au gaz russe : "Toute la manière dont on a envisagé au niveau européen de se décarboner durant la décennie, avec des ambitions très élevées - 55% d'émission de gaz à effet de serre à l'horizon 2030 - tout cela va devoir être remis à plat."

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