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Allemagne : ce que l'on sait du possible sabotage qui a paralysé le trafic ferroviaire dans une partie du pays

L'ensemble des liaisons régionales et à grande vitesse, ainsi que les transports de marchandises, ont été interrompus pendant plus de trois heures samedi matin dans le nord du pays.

Article rédigé par franceinfo
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Des voyageurs dans une des gares de Berlin (Allemagne), le 8 octobre 2022. (JOHN MACDOUGALL / AFP)

Des heures de paralysie et des questions en suspens. Des milliers de voyageurs se sont retrouvés bloqués dans les gares allemandes samedi matin, à la suite d'une panne massive qui a entraîné l'arrêt total du trafic ferroviaire dans le nord de l'Allemagne pendant trois heures. Dès que la circulation des trains a en partie été rétablie, la compagnie allemande Deutsche Bahn a affirmé qu'un "sabotage" du réseau ferré était à l'origine de la panne.

Dans ce contexte, plusieurs responsables allemands ont appelé, dimanche 9 octobre, à renforcer la sécurité des infrastructures nationales. Certains évoquent même la piste russe, dans le contexte de la guerre en Ukraine et des récentes fuites sur les gazoducs Nord Stream 1 et 2, au sujet desquelles les autorités suédoises parlent également d'un sabotage. Voici ce que l'on sait de ce grave incident survenu outre-Rhin.

Deux câbles sectionnés à 540 km de distance

Le possible sabotage a paralysé le trafic sur toute la moitié nord du pays. Il a notamment entraîné une interruption des liaisons entre Berlin et certaines régions de l'ouest et du nord du pays, comme le Schleswig-Holstein, les villes de Hambourg et Brême, ou encore la Basse-Saxe et une partie de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie. La liaison Berlin-Amsterdam a, elle aussi, été suspendue.

Cette panne géante est la conséquence du sectionnement de câbles de communication stratégiques pour les trains. Ces câbles ont été coupés de manière concomitante en deux endroits différents du réseau, à Berlin et en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, dans l’ouest du pays, selon Bild (article payant, en allemand). Deux localisations situées à 540 km l'une de l'autre.

Il s'agirait plus précisément de "câbles en fibre optique", selon Bild, et du réseau radio GSM-R des trains servant à la communication avec les conducteurs mais aussi, plus globalement, d'"interface centrale entre les trains et l'infrastructure" de contrôle, selon le magazine d'investigation Der Spiegel (en allemand), le premier média qui a évoqué ces soupçons de sabotage. 

Une "action ciblée", nécessitant "certaines connaissances"

L'hypothèse d'un sabotage est renforcée par le fait que les potentiels saboteurs ont visé des "câbles indispensables à la circulation des trains", sur l'ensemble des liaisons à grande vitesse et régionales, ainsi que les transports de marchandises, a précisé la Deutsche Bahn. Une telle action ne serait pas à la portée du premier venu et nécessiterait "certaines connaissances" du système ferroviaire, soulignent également des sources proches de la compagnie allemande auprès de Bild.

Des soupçons confirmés par le ministre des Transports allemand, Volker Wissing, qui a affirmé à la presse que ces câbles "ont été volontairement et intentionnellement sectionnés". "Il est clair qu'il s'agit d'une action ciblée et délibérée", "un acte prémédité", a-t-il ajouté samedi, précisant que le mobile n'était pas "encore connu".

La piste étatique "envisageable"

Jusqu'à présent, la police allemande n'a mentionné publiquement aucune piste particulière. Mais selon Bild, qui dit s'être procuré un premier document d'analyse de la police judiciaire allemande, celle-ci estime "qu'un sabotage d'origine étatique pourrait être à tout le moins envisageable". Selon le Spiegel, c'est la section de la police berlinoise chargée d'enquêter sur les actes menaçant l'Etat, tels que des attentats ou des affaires d'espionnage, qui s'est saisie des investigations.

"Nous ne pouvons exclure que la Russie soit également derrière l'attaque contre la compagnie ferroviaire", a déclaré Anton Hofreiter, un responsable du parti écologiste allemand, membre de la coalition gouvernementale du chancelier Olaf Scholz. Il a appelé à débloquer 20 milliards d'euros pour mieux protéger les infrastructures critiques, renforcer la police et la sécurité informatique.

Un réseau ferré vieillissant, exposé aux "menaces hybrides"

La compagnie Deutsche Bahn est régulièrement épinglée pour les nombreux retards sur ses lignes. Elle avait annoncé, début septembre, devoir mener des travaux titanesques, avec notamment le remplacement de 137 000 traverses en béton, pour remettre à niveau ses voies.

Le gouvernement allemand et la Deutsche Bahn ont présenté le 22 juin un plan d'urgence pour rénover le réseau national, au bord de la rupture. Le patron des chemins de fer allemands, Richard Lutz, avait alors reconnu que "la qualité et la fiabilité actuelles du réseau (étaient) inacceptables". Mais il avait aussi laissé entendre que les travaux allaient prendre du temps.

Après ce possible sabotage, le général allemand Carsten Breuer a averti dans Bild : "Chaque transformateur électrique, chaque centrale électrique, chaque tuyau de transport d'énergie constitue une cible potentielle." Les infrastructures sont exposées à des "menaces hybrides" croissantes, a souligné ce haut gradé.

De son côté, l'opposition conservatrice a jugé qu'"indépendamment de ce cas, nous devons repenser l'architecture de sécurité de l'Allemagne et de l'Union européenne". "L'époque moderne marquée par la conduite de guerres hybrides exige que nous adaptions nos concepts", a déclaré Thorsten Frei, l'un des responsables du parti de l'ex-chancelière Angela Merkel, au groupe de presse RND.

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