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Réchauffement climatique : ce qu'il faut retenir du nouveau rapport du Giec, qui alerte sur les mesures "insuffisantes" prises à ce jour

Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat des Nations unies a publié son sixième rapport. Franceinfo a épluché son "résumé pour les décideurs" et vous en détaille les informations à retenir.
Article rédigé par Camille Adaoust
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9 min
Des habitants utilisent des radeaux de fortune après des inondations d'une ampleur inédite au Pakistan, à Hyderabad, le 24 août 2022. (AKRAM SHAHID / AFP)

"Le changement climatique est une menace pour le bien-être de l'humanité et la santé de la planète. Il existe une fenêtre d'opportunité pour garantir un avenir vivable et durable pour tous, qui se ferme rapidement." Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) a publié, lundi 20 mars, la synthèse de son sixième rapport (en anglais). L'instance scientifique y résume les trois précédents documents consacrés à l'état des connaissances sur le changement climatique, ses conséquences et les solutions à y apporter. Son "résumé pour les décideurs" a été approuvé par les délégations de 195 pays.

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"Les tendances actuelles ne sont pas du tout compatibles avec la stabilisation du réchauffement, qui permettrait d'assurer un monde vivable et équitable. Des efforts qui ont été faits, mais ils n'atteignent pas l'échelle suffisante pour une baisse suffisamment rapide des émissions de gaz à effet de serre", alerte la climatologue Valérie Masson-Delmotte dans un entretien à franceinfo. Voici les informations à retenir de ce document de référence, que franceinfo a épluché. 

La Terre s'est déjà réchauffée de 1,1°C depuis l'ère préindustrielle  

Le Giec commence par rappeler la situation actuelle : les activités humaines, notamment la combustion des énergies fossiles que sont le charbon, le pétrole et le gaz, ont émis des gaz à effet de serre à un rythme croissant, atteignant une concentration du CO2 dans l'atmosphère "la plus élevée depuis au moins 2 millions d'années". En résulte, et ce de manière "incontestable", un réchauffement de la température moyenne sur Terre de +1,1°C par rapport à la période 1850-1900, ainsi qu'une hausse du niveau de la mer de 20 centimètres entre 1901 et 2018. Le Giec précise que la hausse attribuée aux activités humaines est de 1,07°C.

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"Cela a conduit à une augmentation de la fréquence et de l'intensité des événements météorologiques extrêmes, qui ont eu des effets de plus en plus dangereux sur la nature et les populations dans toutes les régions du monde", écrit le Giec. Le groupe cite de très nombreuses conséquences, comme une baisse de la sécurité alimentaire et de l'accès à l'eau, la perte de vies humaines, l'extinction de centaines d'espèces, la survenue de maladies et de traumatismes, ou encore des déplacements "croissants" de populations. 

Les actions et engagements actuels sont "insuffisants" 

Pour faire face à ce réchauffement, les plans d'adaptation et les politiques d'atténuation des émissions de gaz à effet de serre se sont multipliés dans tous les secteurs et toutes les régions du monde, reconnaît le Giec. Toutefois, "le rythme et l'ampleur des mesures prises jusqu'à présent, ainsi que les projets actuels, sont insuffisants pour s'attaquer au changement climatique", insiste le groupe d'experts. Alors que les émissions "devraient déjà baisser maintenant" pour maintenir le réchauffement à +1,5°C, comme le préconise l'accord de Paris, "les émissions de gaz à effet de serre ont continué d'augmenter", expose le rapport. 

De nombreux pays ont déclaré leur intention d'atteindre la neutralité carbone au milieu du siècle, mais "peu de politiques sont en place actuellement pour tenir cette promesse", souligne encore le Giec, qui pointe du doigt l'"écart" entre les engagements et leur mise en œuvre. Si cet écart persistait, il nous ferait franchir la barre des +1,5°C au cours du siècle et nous conduirait vers un réchauffement de 3,2°C en 2100, expose le rapport. Le Giec ajoute que les prévisions d'émissions de CO2 liées à la combustion des énergies fossiles extraites dans les sites déjà existants "dépasseraient le budget carbone restant pour [maintenir le réchauffement à] 1,5°C".

On est vraiment sur une action beaucoup plus lente que ce qui serait nécessaire.

Valérie Masson-Delmotte, climatologue

à franceinfo

Le Giec illustre ces trajectoires de réchauffement dans une frise éloquente, où chaque année est représentée par un trait vertical – bleu lorsque l'année est plus froide que la moyenne des températures relevées entre 1850 et 1900, rouge lorsqu'elle est plus chaude. On y voit qu'une personne née en 2020 vivra sous un climat bien plus chaud à l'âge de 70 ans, l'intensité du réchauffement dépendant du niveau d'émissions de gaz à effet de serre.

Une infographie illustre les scénarios de réchauffement futur dans le sixième rapport du Giec sorti le 20 mars 2023. (GIEC)

Chaque fraction de degré supplémentaire menace les écosystèmes

A chaque fraction de degré en plus, les risques qui s'intensifient, décrit le Giec. "Des vagues de chaleur plus intenses, des précipitations plus abondantes et d'autres phénomènes météorologiques extrêmes [qui] augmentent encore les risques pour la santé humaine et les écosystèmes", énumèrent les experts.

Certains effets se manifesteront sur le très long terme. Ainsi, l'élévation du niveau de la mer "est inévitable pendant des siècles, voire des millénaires, en raison de la poursuite du réchauffement des océans profonds et de la fonte des calottes glaciaires, et le niveau de la mer restera élevé pendant des milliers d'années", détaille le rapport. La hausse pourrait atteindre 2 à 3 mètres dans les 2000 prochaines années si le réchauffement est maintenu en-dessous de 1,5°C, et 2 à 6 mètres pour un réchauffement limité à 2°C. Avec une température moyenne globale à +2°C, "les calottes glaciaires du Groenland et de l'Antarctique occidental disparaîtront presque complètement et de manière irréversible sur plusieurs millénaires", expose encore le Giec.

Les moins responsables sont les plus vulnérables 

Le rapport du Giec fait également état du déséquilibre dans la responsabilité et l'exposition aux conséquences du réchauffement. "Les communautés vulnérables, qui ont historiquement le moins contribué au changement climatique actuel, sont touchées de manière disproportionnée", écrivent les experts. Elles représentent, selon le Giec, 3,3 à 3,6 milliards de personnes. "La plupart des impacts négatifs ont touché des endroits et/ou communautés d'Afrique, d'Asie, d'Amérique centrale ou du Sud, des pays les moins développés, des petites îles et de l'Arctique, et globalement des peuples indigènes, des petits producteurs alimentaires et des ménages à faibles revenus." 

"Au cours de la dernière décennie, les décès dus aux inondations, aux sécheresses et aux tempêtes ont été 15 fois plus nombreux dans les régions très vulnérables", rapporte Aditi Mukherji, l'une des autrices du rapport. Face à cette inégalité, souligne le rapport, "donner la priorité à l'équité, à la justice climatique, à la justice sociale, à l'inclusion et à des processus de transition justes peut permettre l'adaptation, des mesures d'atténuation ambitieuses et un développement résilient au climat."

La décennie 2020 est cruciale

Dans son rapport, le Giec répète que la décennie en cours est "essentielle" pour lutter contre le changement climatique. Si l'on veut limiter le réchauffement à +1,5°C, il faudrait avoir réduit de 48% nos émissions de CO2 d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 2019, établit-il notamment.

"Les choix et actions mises en œuvre dans cette décennie vont avoir des impacts maintenant et pour des milliers d'années", insiste le texte. Le Giec prévient que "sans actions d'adaptation et d'atténuation [des émissions] urgentes, efficaces et équitables, le changement climatique menacera de plus en plus les écosystèmes, la biodiversité, les moyens de subsistance, la santé et le bien-être des actuelles et futures générations"

Tous les acteurs ont les solutions entre les mains

Si aujourd'hui, nous sommes "le dos au mur, (...) des solutions existent", insiste Valérie Masson-Delmotte. Le rapport du Giec souligne que tous les acteurs ont leur rôle à jouer.

Des transitions rapides et profondes dans tous les secteurs et systèmes sont nécessaires pour parvenir à une réduction profonde et durable des émissions, et garantir un avenir vivable et durable pour tous.

Le Giec

dans son sixième rapport

Pour y parvenir, de nombreuses "options d'atténuation et d'adaptation" sont "efficaces et peu coûteuses" et surtout "déjà disponibles", ajoute le rapport. Le Giec cite en premier lieu la transition "des énergies fossiles vers des sources non ou peu émettrices en gaz à effet de serre", mettant en avant l'énergie solaire et l'éolien. Il évoque également une transition vers une alimentation plus végétale, la reforestation, l'électrification des usages, les efforts de sobriété, "la conservation d'environ 30 à 50% des terres des eaux douces et des océans de la planète" et la capture du carbone pour "compenser les émissions difficiles à baisser". Mais aussi des outils financiers, comme "supprimer les subventions aux énergies fossiles".

Le Giec alerte sur les dangers du techno-optimisme : "L'innovation technologique peut entraîner des contreparties tels que des impacts environnementaux nouveaux et plus importants, des inégalités sociales, une dépendance excessive à l'égard de connaissances et fournisseurs étrangers (...) et des effets de rebond."

Ces solutions, détaillées dans un précédent rapport, sont entre les mains de nombreux acteurs, à tous les niveaux de décision. Les échelons des institutions locales et nationales sont cités, ainsi que la coopération internationale. Celui des consommateurs également, car jouer sur la demande permettrait de réduire 40 à 70% des émissions globales de gaz à effet de serre de nombreux secteurs d'ici 2050.

Le financement de l'action climatique doit largement s'amplifier

Si le Giec note une augmentation des financements pour le climat ces dix dernières années, il déplore que "les flux financiers publics et privés destinés aux combustibles fossiles restent plus importants que ceux destinés à l'adaptation au changement climatique et à l'atténuation"

Les niveaux actuels d'investissements devraient être "trois à six fois plus élevés" pour limiter le réchauffement à 2°C ou 1,5°C, écrit ainsi le rapport. "L'accélération de l'action climatique ne sera possible que si le financement est démultiplié. Des financements insuffisants et mal dirigés freinent les progrès", explique l'un des auteurs, Christopher Trisos. Le groupe d'experts répète encore, études à l'appui, que le coût de l'action est moins important que celui de l'inaction.

L'action climatique a de nombreux "co-bénéfices"

Les solutions visant à réduire nos émissions de gaz à effet de serre et à s'adapter aux conséquences déjà visibles n'ont pas seulement un effet sur notre résilience face au changement climatique, elles ont aussi "des bénéfices plus larges", salue le Giec. Le groupe d'experts énumère "l'amélioration de la productivité agricole, l'innovation, la santé et le bien-être, la sécurité alimentaire et des moyens de subsistance et la conservation de la biodiversité".

Dans les transports, illustre le Giec, "l'électrification à faible émission de carbone, la marche, le vélo et les transports publics améliorent la qualité de l'air, améliorent la santé, les possibilités d'emploi et l'équité".

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