D'âpres négociations et des premières initiatives d'envergure : on a dressé le bilan de la première semaine de la COP28 à Dubaï

La 28e conférence des Nations unies sur le climat, qui se déroule aux Emirats arabes unis jusqu'au 12 décembre, est à mi-parcours. L'occasion de faire le point sur ce qui est ressorti des premières journées de négociations.
Article rédigé par Camille Adaoust, franceinfo avec AFP
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Temps de lecture : 7 min
Des participants entrent sur le site qui accueille la COP28 à Dubaï (Emirats arabes unis), le 30 novembre 2023. (GIUSEPPE CACACE / AFP)

Un temps mort avant le second round. Après un sommet réunissant les dirigeants du monde entier et plusieurs jours de négociations, les délégations présentes à la COP28 de Dubaï font une pause, jeudi 7 décembre. En une semaine, de nombreux accords ont déjà été signés aux Emirats arabes unis et les débats font rage sur le sort à réserver aux énergies fossiles. Franceinfo dresse un premier bilan, avant une deuxième semaine tout aussi intense pour aboutir à un accord final qui devra être signé par 198 parties (197 pays + l'Union européenne), mardi 12 décembre.

La mise en œuvre du fonds "pertes et dommages" adoptée 

Une première avancée applaudie, dès le premier jour de cette 28e conférence des Nations unies pour le climat. Les Etats participants se sont entendus, jeudi 30 novembre, sur le lancement du très attendu fonds "pertes et dommages" destiné à aider les pays vulnérables à faire face aux conséquences de plus en plus coûteuses et dommageables des catastrophes climatiques. Créé en 2022 lors de la COP27 de Glasgow (Ecosse), il lui manquait un cahier des charges, un organisme-hôte et surtout des fonds. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a salué la concrétisation de cet "outil essentiel pour la justice climatique", selon son porte-parole.

Les délégations présentes à Dubaï ont enchaîné avec des engagements financiers, qui s'élèvent à plus de 655 millions de dollars, selon un décompte du Natural Resources Defense Council. Les Emirats arabes unis, l'Allemagne, l'Italie et la France ont chacun promis jusqu'à 100 millions de dollars ou d'euros. Les Etats-Unis ont, eux, été critiqués pour la faiblesse de leur engagement (17,5 millions de dollars, soumis à l'accord du Congrès américain). Ces montants ne sont toutefois qu'une mise de départ pour tester les premiers pas du fonds et ils restent largement inférieurs aux 100 milliards de dollars par an que certains pays en développement – historiquement les moins responsables du réchauffement – ont réclamé.

Le sort des énergies fossiles âprement discuté

La bataille pour obtenir un accord final de la COP28 avec des objectifs de "réduction", voire de "sortie" des énergies fossiles a bien commencé à Dubaï. Les deux options apparaissent d'ailleurs dans le premier projet d'accord. "C'est plus ambitieux que tout ce qui a été mis sur la table durant la COP27, donc le fait même de l'avoir parmi les options est un grand pas en avant", a salué Lola Vallejo. Mais la deuxième option a déclenché d'importantes levées de boucliers. Jusqu'au président émirati de la COP28, Sultan al-Jaber. Celui qui est également patron de la compagnie pétrolière émiratie Adnoc a prononcé, dimanche 3 décembre, une phrase très polémique (et réfutée par la communauté scientifique) : "Aucune étude scientifique, aucun scénario, ne dit que la sortie des énergies fossiles nous permettra d'atteindre 1,5°C." 

La présidence de la COP, censée rester neutre, a également jeté le trouble en ne mentionnant que le mot "réduction" dans un résumé des débats des premiers jours, alors que de nombreux dirigeants ont pourtant appelé à "mettre fin" à l'usage des énergies fossiles. Venant aggraver les inquiétudes des militants et scientifiques, les ONG ont par ailleurs fait état de la présence record de 2 456 lobbyistes du secteur à la COP.

Des initiatives en marge des négociations officielles

Les pays ont profité de cette grand-messe de la lutte contre le réchauffement climatique pour lancer des initiatives multilatérales, en marge des négociations officielles. Au moins 118 pays – sans les grands pays producteurs et consommateurs d'hydrocarbures comme la Russie, l'Iran ou la Chine – ont par exemple signé un appel à tripler la capacité des énergies renouvelables installées dans le monde et à doubler le taux annuel d'amélioration de l'efficacité énergétique de 2% à 4% d'ici 2030. Une vingtaine de pays, dont les Etats-Unis, la France et les Emirats arabes unis ont également appelé à tripler les capacités de l'énergie nucléaire dans le monde d'ici 2050, par rapport à 2020. Plusieurs pays, dont la France, les Etats-Unis, le Vietnam ou l'Indonésie ont également lancé un appel à accélérer la sortie du charbon, combustible qui génère encore le tiers de l'électricité mondiale.

Du côté du secteur privé, TotalEnergies a profité de cette conférence mondiale sur le climat pour signer un accord pour un projet éolien au Kazakhstan. Le mastodonte français fait aussi partie de la nouvelle "Charte de décarbonation du pétrole et du gaz", qui réunit 50 compagnies de ces deux industries, représentant 40% de la production mondiale, et qui se sont engagées à décarboner leurs opérations de production d'ici 2050. Un engagement a minima, puisqu'il n'englobe pas le pétrole et le gaz qu'elles vendent.

D'autres secteurs ont été mis en avant : l'agriculture, que 134 parties (dont les Etats-Unis, l'Union européenne, la Chine et le Brésil) se sont engagées à prioriser dans leurs plans nationaux de lutte contre le changement climatique ; ou le transport maritime, pour lequel cinq des plus gros acteurs mondiaux (ainsi que la France, la Corée du Sud et le Danemark) veulent promouvoir l'adoption "d'un cadre réglementaire solide" d'ici 2027, favorisant la transition écologique du secteur.

Concernant la finance, les Emirats arabes unis ont lancé un fonds, Alterra, dans lequel il promet d'investir 30 milliards de dollars avec le secteur privé. Cette enveloppe se concentrerait sur des projets climatiques dans les pays en développement, espérant stimuler des investissements totalisant 250 milliards de dollars d'ici 2030. Une pluie d'initiatives et d'engagements volontaires saluée. Toutefois, comme le rappelait plus tôt l'ambassadeur climat de la France, Stéphane Crouzat, "ce serait encore mieux que tout cela fasse partie de la décision finale de la COP".

Des études accablantes sur le réchauffement climatique

La COP28 est également l'occasion pour les experts de publier des études sur le réchauffement et ainsi alerter les participants sur l'urgence à agir. Le service européen Copernicus a notamment établi mardi que l'année 2023 sera la plus chaude de l'histoire, après un mois de novembre "extraordinaire", qui est devenu le sixième mois consécutif à battre des records. La veille, l'Organisation météorologique mondiale (OMM) a déclaré que la décennie 2010-2020 avait été de loin la plus chaude jamais enregistrée, avec une température moyenne mondiale supérieure de 1,1°C à la période pré-industrielle (1850-1900).

Les engagements climatiques pris dans le monde placent la planète sur une trajectoire de réchauffement allant de 2,5°C à 2,9°C d'ici 2100, selon un autre rapport du Programme de l'ONU pour l'environnement. Un constat qui trouve écho dans les conclusions des scientifiques du Global Carbon Project, pour qui il est "désormais inévitable" que le seuil de 1,5°C de réchauffement de la planète soit dépassé "de manière constante sur plusieurs années", avec une chance sur deux pour que cela arrive dans seulement sept ans.

Un contexte international tendu

Les conflits en cours dans le monde se sont invités à la COP dès les premiers jours. Lors de la "photo de famille" des chefs d'Etat, le 1er décembre, les dirigeants lituanien, letton et polonais ont refusé de poser à cause de la présence du président biélorusse, Alexandre Loukachenko. "Il serait hypocrite de se tenir côte-à-côte avec le chef d'un pays qui est devenu une base arrière pour l'agression russe de l'Ukraine et discuter de l'avenir du monde et du changement climatique comme si de rien n'était", a notamment asséné le chef d'Etat lituanien, Gitanas Nauseda.

Les chefs d'Etat participant à la COP28 posent pour une "photo de famille", le 1er décembre 2023 à Dubaï (Emirats arabes unis). (GIUSEPPE CACACE / AFP)

Quelques minutes après, plusieurs chefs d'Etat ont évoqué la situation entre Israël et Gaza lors de leur discours à la tribune. "Nous ne pouvons pas parler du changement climatique sans tenir compte des tragédies humanitaires qui se déroulent autour de nous", a ainsi lancé le roi de Jordanie, Abdallah II. "Les incidents qui se déroulent à Gaza sont un crime humanitaire, un crime de guerre", a également déclaré le président turc, Recep Tayyip Erdogan, tandis que les présidents colombien et cubain ont dénoncé un "génocide".

Présent à la COP28, le président israélien, Isaac Herzog, y a mené des efforts diplomatiques pour obtenir la libération des otages toujours détenus par le Hamas, tandis que le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a annulé sa venue. Les représentants iraniens, eux, ont brusquement quitté Dubaï pour protester contre la présence d'Israël, contraire, selon eux, "aux objectifs et aux lignes directrices de la conférence".

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