Infographies COP28 : à Dubaï, la présence massive et sans précédent des lobbyistes des énergies fossiles

Article rédigé par Camille Adaoust
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Des militants dénoncent la présence de lobbyistes des énergies fossiles à la COP28, à Dubaï (Emirats arabes unis), le 5 décembre 2023. (MARIE-ADELAIDE SCIGACZ / FRANCEINFO)
Selon les chiffres de la coalition d'ONG Kick Big Polluters Out, près de 2 500 représentants du secteur ont obtenu des accréditations pour participer au sommet qui se tient aux Emirats arabes unis jusqu'au 12 décembre.

"Tous les points de vue sont les bienvenus et tous les points de vue sont nécessaires" à la COP28. C'est ce qu'a déclaré le président de la conférence sur le climat, Sultan al-Jaber, également patron de la compagnie pétrolière nationale des Emirats arabes unis. Cela inclut lobbies et grands pétroliers, jusque dans les délégations nationales. Au moins 2 456 lobbyistes des énergies fossiles ont ainsi obtenu une accréditation pour participer à la 28e conférence de l'ONU sur le climat qui se tient actuellement à Dubaï, selon une analyse de la coalition d'ONG Kick Big Polluters Out (KBPO) publiée mardi 5 décembre.

En plein débat sur la sortie de ces combustibles responsables du changement climatique, nombre d'observateurs redoutent le poids de cette présence. "Ils sont plus nombreux que toutes les délégations des pays, sauf le Brésil [qui organisera la COP30] et le pays hôte" (voir notre graphique plus bas) , s'alarme Gaia Febvre, responsable des politiques internationales pour Réseau action climat. Les lobbyistes des hydrocarbures sont aussi "sept fois plus que les représentant.e.s des populations autochtones". "La situation est de plus en plus préoccupante : la COP ne doit pas devenir le salon de rencontres mondiales des lobbyistes fossiles", s'inquiète encore Gaia Febvre. Franceinfo montre l'ampleur de leur présence en trois infographies. 

Des lobbyistes quatre fois plus nombreux qu'en 2022

Le nombre avancé par KBPO établit un nouveau record. La coalition d'ONG avait recensé 636 lobbyistes à la COP27 de Charm el-Cheikh (Egypte) l'an dernier et 503 à Glasgow (Ecosse) en 2021. KBPO ajoute même que le record de cette année, calculé à partir de la liste des participants publiée par l'ONU, est probablement sous-estimé : l'analyse ne compte pas les lobbyistes d'autres secteurs polluants et ne se base que sur les personnes ayant déclaré, comme c'est désormais obligatoire, leur "connexion avec les énergies fossiles". "Cela fait des années que la présence toxique des grands pollueurs nous enlise, nous empêchant d'avancer sur les voies nécessaires pour maintenir les combustibles fossiles dans le sol. C'est la raison pour laquelle la COP28 est enveloppée d'un brouillard de déni climatique et non de réalité climatique", dénonce Alexia Leclercq, cofondatrice de Start: Empowerment, citée par KBPO.

Les ONG ont passé au peigne fin la liste des participants depuis 2021, mais n'ont pas pu le faire pour les éditions antérieures, les données n'étant pas comparables. "Nous utilisions auparavant une méthodologie différente", explique Global Witness, membre de la coalition, à franceinfo. "Nous avions sélectionné les 100 principaux producteurs de pétrole et de gaz et les 100 principaux organismes commerciaux." Cette précédente analyse leur a cependant permis d'établir, fin novembre, que lors des vingt dernières années, au moins 7 200 accréditations ont été attribuées à des lobbyistes des énergies fossiles lors de ces conférences pour le climat.

Les Emirats arabes unis ont distribué 177 badges, la France 26

Pour entrer à la COP, les représentants d'entreprises pétrogazières nationales peuvent faire partie des plus de 2 000 organisations dites "observatrices" (ONG, organisations professionnelles) – l'Association internationale pour le droit d'échange des quotas d'émission a ainsi embarqué 116 lobbyistes, selon KBPO – ou intégrer directement la délégation officielle de leur pays.

La France a par exemple accrédité Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, l'Italie a emmené des cadres d'Eni et l'Union européenne des employés de BP, Eni et ExxonMobil. Ils font partie de l'"overflow" (débordement) de la délégation qui comprend des chefs d'entreprise, des experts, des représentants d'organisations professionnels, des universitaires, mais aussi leur personnel technique. Si ces invités supplémentaires sont conduits à la COP par leur pays, ils n'ont toutefois pas accès aux négociations dans la même mesure que les délégués officiels.

Le pays qui a délivré le plus de badges à des lobbyistes, selon les ONG, n'est autre que celui qui accueille cette COP28 : les Emirats arabes unis (177 personnes). Suivent la Chine et Oman, avec 82 personnes issues du secteur des énergies fossiles. La France a, elle, convié 26 représentants dans sa délégation.

Une "délégation" globale bien plus imposante que celle de la quasi-totalité des pays

Dans les allées de la COP28, d'après les chiffres de KBPO, il y a donc plus de représentants du secteur des énergies fossiles que de presque toutes les nations du monde prises individuellement. Seuls le Brésil (3 081 membres) et les Emirats arabes unis (4 409) ont une délégation plus importante.

"Les lobbyistes des énergies fossiles ont reçu plus de badges pour la COP28 que tous les délégués des dix pays les plus vulnérables au réchauffement climatique réunis (1 609)", relève KBPO, "soulignant à quel point la présence de l'industrie éclipse celle de ceux qui sont en première ligne de la crise."

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