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Ces mots venus d’Afrique : l’alphabète, le boucantier et le taxieur entrent dans "Le Larousse"

L’Afrique francophone vitalise la langue française. Avec des mots et des verbes, venus d’Afrique, qui "enceintent" la langue de Molière.

Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2 min
Une femme tient un exemplaire de l'édition 2015 du dictionnaire français "Petit Larousse", qui vient d'être imprimé, le 21 mai 2014 à Paris.  (FRED DUFOUR / AFP)

Pourquoi dire faire la sieste au lieu de siester ? Se tordre le cou au lieu de girafer ? Qui n’a pas eu, au moins une fois, un voisin qui camembère (sent des pieds) ? Si vous recevez des félicitations ou des compliments, n’hésitez pas à réciproquer !

"On vante la langue anglaise pour son aisance : elle fait verbe de presque tout. Le français n’est pas en reste, qui dispose avec le premier groupe d’une morphologie simple et régulière, se prêtant à la création : un verbe en "er" évite la maladresse d’une paraphrase. On vivifie ainsi le français en se déprenant d’un carcan normatif. Le français mondial s’y emploie avec ardeur", écrivait dans Politis Bernard Cerquiglini, linguiste, auteur de Enrichissez-vous : parlez francophone ! (Larousse).

"Français mondial"

Cette année, quatre mots venus d’Afrique entrent parmi 100 nouveaux mots dans Le Petit Larousse illustré : boucantier (Côte d’Ivoire), alphabète (Burundi et Maroc), quinine (Centrafrique) et taxieur (Algérie). "Taxieur : il est impossible de ne pas entendre ce mot en Algérie. On l’utilise avec l’évidente assurance qu’il est juste. D’ailleurs, il n’appelle jamais de correction. Mais il suscite l’amusement des Français de passage qui disent "chauffeur de taxi" comme "chauffeur de bus". A partir de ce mois, les Français pourront parler comme les Algériens sans rire et sans avoir le sentiment de commettre une faute. Le mot "taxieur" vient en effet de faire son entrée dans le Larousse", s’enthousiasme Nidal Aloui dans TSA.

"Inventivité africaine"

Quel est l’antonyme d’analphabète ? Au Burundi et au Maroc, la réponse est d’une évidence flagrante : alphabète (celui qui sait lire et écrire). Les Centrafricains disent quinine pour n’importe quel comprimé de médicaments. Tous les mots africains ne trouvent toutefois pas place dans le Larousse. "Lorsque des mots africains y entrent, nous sommes fidèles à l’esprit Larousse qui, dès 1905 pour fixer la langue réelle de son temps, a consigné des termes régionaux. Aujourd’hui, notre langue française est mondiale. On la parle à Paris et au Québec, mais aussi à Dakar et à Bujumbura", explique, au Monde, le linguiste, conseiller scientifique du dictionnaire.

Boucantier vs sapeur

Quel mot va survivre à l’autre ? Boucantier ou sapeur ? Le premier vient de faire son entrée dans le dictionnaire. Il vient d’Abidjan et s’appuie sur le courant musical coupé-décalé, surtout actif dans les années 2000. Est boucantier en Côte d'Ivoire, un artiste pratiquant le coupé-décalé ou une personne aimant afficher son aisance matérielle de façon à impressionner une ou plusieurs personnes ou un large public. Son pendant à Kinshasa et Brazzaville, est sapeur, déjà dans le dictionnaire.A savoir toute personne faisant partie de la Société des ambianceurs et des personnes élégantes (SAPE), incarnée par feu Papa Wemba, le roi de la rumba. Ne dites surtout pas dandy ou frimeur. C’est tout un état d’esprit…

Ces mots rejoignent cadeauter, offrir des cadeaux, adopté l’an dernier. "Nous voulons intégrer dans le Larousse les mots d’usage courant en Afrique. L’Afrique est jeune, elle est vivante et sa langue, aussi, est très belle", relève Bernard Cerquiglini (podcast à écouter sur RFI). A l’image de vigiler, monter la garde, verbe qui évite une périphrase.

9 francophones sur 10 bientôt africains

Avec environ 300 millions de locuteurs, le français est actuellement la cinquième langue la plus parlée dans le monde, après le mandarin, l'anglais, l'espagnol et l'arabe. Le nombre de francophones devrait atteindre d'ici à 50 ans entre 477 à 747 millions de personnes, grâce au dynamisme démographique de l'Afrique. Selon l’Observatoire démographique et statistique de l’espace francophone (ODSEF), "près de 90% de la jeunesse francophone sera africaine d’ici l’horizon 2050". 

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